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1
ALBERT METZGER
UM L'ACAOiÎMIII DM •CIBMCSa, »KLLU-LrrrMni BT Am DB •AVOIH
^^S \«HMKRK,S AAiV^.^
DE
M DE WARENS
SA SUCCESSION A CHAAIBEKY
SA TOMBE
d'après les documents inédits trouves
aux Archives d'Etat, à Turin,
aux Archives départementales de la Savoie
et à l'ancien Tabellion de Chambéry
AVEC UN EXTRAIT DE LA MAPPE DU CADASTRE DE 17 2'
traduit selon le Thcétrum Sabaudi:e
et le fac-similc de sa lettre du 3 avril 1756.
Ij^X^OIT
Henri GE
dVof OTTAWA
iiiiiir
39003001205755
V
Digitized by the Internet Archive
in 2011 with funding from
University of Toronto
http://www.archive.org/details/lesderniresannOOmetz
a vv*^ i-
Edite à îîOîs cents exemplaires
le 27 août iSgi.
DU MKME :
La llépuhlique de [Mulhouse, son histoire, ses anciennes
familles bourgeoises et admises à résidence, depuis les
origines jusqu'à 1798. Un beau volume, elzévir, sur
hollande, avec une gravure 5 fr.
Le 'Budget de l'Instruction publique, en France, pour 1879-
1880, brochure in-8" I fr.
Le 'Budget municipal de Lyon en 188 1, dépenses, recettes,
octroi de la ville, brochure in-8" I fr.
Lyon sous la Révolution, le Consulat et l'Empire, notes et
documents publiés, de 1882 à 1887, par Albert Metzger et
révisés par Joseph Vaesen, 10 beaux volumes in- 12, tirés
à 300 exemplaires, sur hollande 50 fr.
A la Veille de la Révolution : Lyon de 1778 à 1788, notes et
documents publiés, à l'occasion du Centenaire de I789,
par Albert Metzger et révisés pa» Joseph Vaesen ; un beau
volume in-12, tiré à 300 exemplaires, sur papier de hol-
lande, avec gravures 5 fr.
La Conversion de [Madame de Warens, d'après des lettres
inédites et les documents de l'époque, in-i6 . . 3 fr.
Les Pensées de Madame de Warens ; son séjour aux Gharmcttes,
son bail au Reclus, ses relations avec Wintzenried jusqu'en
janvier 1754, d'après les documents inédits des Archives
départementales de la Savoie. Avec un portrait inédit,
gravé d'après Largillière, par Goupil, in-i6. . . 5 fr.
Une poignée de documents inédits concernant Madame de
Warens, 1 726-1 754, trouvés à Londres, aux Archives
d'Etat à Turin, et à l'ancien Tabellion de Chambéry.
Avec la photographie du portrait de la baronne, conservé
au Musée Arlaud de Lausanne, et le fac-similé de son
billet du 10 février 1754, in-i6 5 fr.
EN PREPARATION :
VERS DE JEUNESSE
ROUSSEAU A L'ILE SAINT-PIERRE
(Lac de Bienne)
1765
ALBERT METZGER
DB L'ACADAmIB DB« ICIBNOM, BSLLSa-LKTTMK* KT ARTt DB lAVOIB
^^;è UEUMKKKS A.VA'%
ni:
M" DE WARENS
SA SUCCESSION A CIIAMBÉRY
SA tombl:
d'après les documents inédits trouves
aux Archives d'Etat, à Turin,
aux Archives départementales de la Savoie
et à l'ancien Tabellion de Chambéry
AVEC UN EXTRAIT DE LA MAPPE DU CADASTRE DE 17 29
triXduit selon le ThcAtrum Sabaudi.v
et le fac-similé de sa lettre du 3 avril 1756.
Henri GEORG, Editeur
Passage de l'Hôtel-Dieu.
BIBLIOTHECA
(Madame Louis LACOLK
Née îMaric-z.\nnc de 'RISTOh'l
lioin)ita^i;c respectueux
cl. Î\I.
LES DERNIERES ANNEES
DE
MADAME DE WARENS
LES DERNIERES ANNEES
DE
MADAME
DE \\'ARENS
I
1754-1756
Après avoir écrit sa lettre du 25 janvier
1754 à Wintzenried, Madame de Warens
entretient, pendant quelques jours, une
correspondance assez mystérieuse, témoin
la minute suivante d'une missive quelque
peu enigmatique, extraite des titres dépo-
sés aux Archives départementales de la
Savoie.
Monsieur
Je suis infiniment sensible aux expres-
sion obligente et plaine de bonté dont
vous monoré par votre réponce, II ne dé-
LES DERNIERES ANNEES
pendrat pas de moy, Monsieur, d'en mé-
riter la continuation. Je metray tous mes
soins à vous prouver mon respectueux
dévouement.
J'ay l'honneur de vous donner avis que
la persone que vous cherché est à présent
à Chambéry. Je liiy ay parlés senluy faire
aucune mension devons. Je luy ay dit qu'une
persone qui venoit du coté (Ces lignes sont
effacées dans l'original), Cy vous avez
quelque chose à luy demendé ou à luy
faire savoir vous pouvez contés sur mon
secret et sur ma fidellité. Il ne deppend
que de vous Monsieur de la mètre à le-
preuve lorsque vous le jugerez à propos.
Je n'ay point fait vos compliments à M.
de Lens luy lessent ygnorer de même
qu'a tout autre que j'ay l'honeur de votre
corespondence... La prudence et le secret
est lame de tout ce qu'il y at de plus
grand dans la nature, comme dens la grâ-
ce. Qui ne say pas opserver et à plaindre
(Au lieu de ces 3 derniers mots il y avait
primitivement ceux-ci, qui sont biffés
«n'est pas digne, est a mépriser») Comme
DE MADAME DE WARENS 5
le pauvre M' de Lens et dcns ce cas, je
ne puis luy dire ny ce que je fait ny ce que
je voudrois faire par des raison que j'es-
peire que vous aprouverez. J'auray Tho-
neur de vous les dire un jour (ce dernier
membre de phrase est biffé, dans l original).
Je vous avertis que ce vieux petit homme
que vous cherché ne me parois pas dis-
posé à rester longtens à Chambéry. Il
y at des persone du côté de Paris quy Ion
fait chercher icy pour le fer travalier en
chimie. Il m'a dit qu'il avoit envie d'y al-
ler. Jatent vos hordre à son sujet, et à
toutes autres chose qui poura dépendre
de moy. Et j'ay Thoneur d'être avec le
plus parfait dévouement et un respect in-
finy
Monsieur,
Ce 2 février 1754 — Chambéry
Ce document inédit, dont le destinatai-
re n'est pas indiqué, se rapporte, sans
doute, à la pièce suivante, puisée au même
fonds, dont la teneur nous est fournie par
le dernier feuillet d'une minute de lettre,
LES DERNIERES ANNEES
sans adresse, attribuée à M""*^ de Warens
et datée du lendemain :
Soie persuadé M*" du plaisir que j'orois
à vous obliger cy vous aviés la bonté de
prier ce M"" dont vous me parlés de ce
donner la peine de faire seulement un pe-
tit mémoire signé de sa main que vous
m'adreceriez au premier courier, et qu'il
indique dens son mémoire toutes les
sience qui ce propose de pouvoir mètre
en usage Des que je loray reseu je le
remetray à une persone de distinqtion et
de mérite qui vat à Turin et quy et en
état de présenter ce mémoire là où il con-
viendra le mieu pour l'avantage de ce M*",
et comme cette persone part dans le cou-
rand de ce moy il faud me l'envoyé au
plus tôt. — Je souhaiterois trouver des
aucasions plus essensielle que je put vous
convaincre de Tatachement et sincère es-
time avec laquelle j'ay l'honneur d'être,
M"" — ce 3 février 1754
Les Archives départementales de la Sa-
DE MADAME DE WAREN8
voie livrent ensuite, à la critique une
troisième minute de lettre inédite, adres-
sée par la baronne au cure de Gruffy, qui
avait été en visite chez elle, à Chambér>',
au mois de novembre précédent. Cette
pièce, excessivement curieuse, est relative
à un filon de fer, existant près de Gruffy.
M'"*^ de Warens recommande au curé, son
ami, de ne pas manquer de faire l'éloge
do cette mine ; elle laisse espérer que la
chapelle de la Ste-Vierge, à Gruffy, où se
trouvait un tableau de N.-D. des Ermites,
bénéficierait de quelque don, et, finale-
ment, la baronne se plaint de Messieurs
les Français « qui savent plumer la poule
et qui l'ont toujours trompée. »
Ce 4 février 1754
Monsieur et très cher frère
Je vous done avis que dens peu de
jours vous vairez M Simon avec une letre
de ma part pour aler découvrir le filon de
fert que Ion m'a indiqué et que vous sa-
ves proche de Gruffy — Je vous prie de ne
pas menquer de luy faire l'éloge de cette
LES DERNIERES ANNEES
mine, et comme vous savez qu'on en a
fait du fert autrefoy mais que le maitre
ouvrier qui avoit étably étant mort, que la
chose en a demeuré la et quenfin je pençois
à rétablir la chose pour moy même mais
comme mais prossès non pas Tair de finir
cy tôt je remet ma découverte à la Com-
pagnie de M Simon qui m'a promis qu'il
y auroit égard et que notre dame des
Ermitte ne seroit pas oubliées. Voila
ce que vous aurez la bontés de luy dire en
y ajoutant ce que la prudence et votre
bontés pour moy vous poura dicter pour
me faire un peu valoir dans l'indication
que je donne et dont je renonce en leur
faveur, car vous savez que M" les François
savent plumer la poule et qu'il veulent
tout pour eux.
C'est la mes reserve. De même que je
luy ait fort recomendé daler au devant de
tout ce quy pouroit vous faire plaisir lors
qu'on tireras la mines quon ce propose de
faire seulement griller sur les lieux et em-
portés ensuitte plus loins, pour la fondre,
cependant j'ay lieu de croire quun four-
DK MAUAMi: I)i: WAKENS
neau conviciulroii très bien à Gruffy alcn-
du que les boi\ iiy mcnquc pas.
Je vous seray très obligés de me marquer
votre sentiment sur tout cela par premier
Courier sens y menquer et surtout de m'en
garder le secret à l'égard tout le monde
comme aucy de M Symon ou de tous autres
quy pourois y aler de ma part ou de la
siene dens la suitte ne voulant pas dire
tout ce que je pence à M" les François
parcequ'il m'ont toujours trompe et je
crain qu'il ne continue toujour de même,
incy la défience et mère de la sûretés.
Je me recommende à vos chère amitié et
bontés hordinaire et jespaire que vos s^*
prière m'optiendron les grâces et les se-
cour dont jay un cy grand besoin pour
soutenir ma misérable vie et mes pénibles
afaires.
Jay l'honneur d'être avec le plus parfait
atachement et le plus profond respect
En froid avec de Courtilles, brouillée
avec Jean-Jacques, la baronne n'en conti-
nuait pas moins de s'occuper d'affaires,
10 LES DERNIERES ANNEES
témoin la lettre suivante, inédite, que l'un
de ses correspondants de Carouge lui
adressait, par la poste, à la même épo-
que :
A MADAME
ïMadame la baronne de Vuarens
de La Tour
faubourg du Reclus — c/1 Chambéry
Madame
Dans l'inquiétude ou je suis de scavoir
si vous avez été satisfaite du mémoire que
j'ay obtenu de M"" de La Croix ce grand
ingénieur en mécanique et si vous avez eu
la bonté d'en donner avis à la Cour, pour
que je le puisse entretenir jusqu'à la ré-
ponse des vôtres. Il y a plusieurs Messieurs
qui désirent avec empressement le pro-
duire à la Cour Prussienne ; pour le dé-
tourner, je luy représente qu'il lui seroit
difficile de se laire à la langue allemande ;
que par là il n'auroit aucune satisfaction
d'être dans un pays où il ne pourroît
s*énoncer.
DK MADAMF. DE WARENS I I
J'espère, Madame, que par voire grand
crédit, et vos soins, vous parviendrez à la
gloire de produire au Roy un excellent
sujet, et à moy un grand service, et l'hon-
neur d'être, avec un profond respect,
Madame,
Votre trcs-humblc et trcs-obeissant ser-
viteur.
signé Dencrv^aux.
Carrouge le 27 février 1754
Mon adresse : A M'' Carbonel
au bas de la Cité. Pour la remettre à Dc-
nervaux — A Carrouge
Cette pièce est extraite des titres dépo-
sés aux Archives départementales de la
Savoie et fait réponse aux lettres des 2 et
3 février, dont les minutes commencent le
présent chapitre. Un autre document figu-
re, quelques jours après, au premier
volume de 1754, folio 422, des registres
du Tabellion de Chambéry, et nous donne
la teneur d'un acte par lequel le fameux
Mathieu Casse, — dont j'ai indiqué, dans
mon précédent volume, le rôle équivoque,
12 LES DERNIERES ANNEES
— retirait à M'"*' de Warens la procura-
tion qu'il lui avait donnée le i" février
1752.
ACTE DE RÉVOCATION
de procureur
671 faveur du sieur (Mathieu Casse
par la dame baronne Warens de La Tour
L'an mille sept cent cinquante quatre et
le troisième mars, à Chambéry, sur une
heure après midi, dans la maison où ha-
bite la dame baronne de Warens, située
au feaubourg du Reclu de la présente ville,
pardevant moi notaire Royal collégié,
soussigné, en présense des témoins ci
après nommés, s'est personnellement éta-
bli et constitué le sieur Mathieu, fils de feu
sieur Thomas Casse, natif et habitant de
la paroisse d'Aurelle en Maurienne, de
présent audit Chambéry, lequel, de gré,
néanmoins du consentement de dame
Françoise Louise Eléonore de La Tour,
fille de feu noble Jean Baptiste de La
Tour, baron d'Empire, épouse de noble
Isaac Sébastien de Warens, native de
DE MADAME DE WAREN8 I3
Vcvay, pais de Veaux en Suisse, habiiaïUc
dez longues années en la présente ville,
m'a déclare, en présence des témoins cy
après, vouloir cesser, annuller, révoquer
la procuration généralle qu'il a faite à la-
ditle dame baronne de Warens, sous la
datte du premier février mille sept cent cin.
quantc deux, rcccu par moi dit notaire
soubsigné, ainsi que par le présent acte
ledit Casse annuUe et révoque la procura-
tion ci-dessus désignée, avec promesse
que fait laditte dame baronne Warens de
La Tour, de ne vouloir jamais se servir
dudit acte ci dessus désigné, pour quelle
cause que ce soit concernant la teneur d'i-
celui, ni de quels autres actes de procu-
ration qu'auroit pu lui passer ledit sieuJ
Mathieu Casse, pour agir à son nom, et à
cet effet laditte dame baronne de Warens de
La Tour s'est soumise aux peines de tous
dépens, dommages, intérêts à l'obligation
de tous et un chacun ses biens présents ci
avenirs, sous la clause de constitut, Et
de tout ce que dessus, ledit Mathieu Casse
m'a requis, je dis nottaire soubsigné.
14 LES DERNIERES ANNEES
acte, et du consentement donné par ladite
dame à la révocation de la procure ci des-
sus ténorisée, que je lui ai accordé, pour
lui servir et valloir en tant que de raison.
Fait et prononcé audit lieu, les an, jour et
heure que dessus, en présence du sieur
Claude Pierre fils d'himitier Simon Du-
mesier, de la province de Franche Comté,
habitant dèz quelques années en la pré-
sente ville, et de honorable Thomas, fils
à feu Maurice Albiex, natif de la même
paroisse d'Aurelle en Maurienne, aussi
résident dudit Chambéry, témoins requis.
Droit de tabellion trois livres. Signé à la
minutte de je dis notaire soubsigné, de ce
recevant requis, par les dittes parties, par
ledit Simon Dumesier, l'un des témoins et
non par l'autre, pour être illittéré, de ce
enquis. Contenant le présent, et par moi
écrit, y compris mon verbal et signature,
presque deux pages que j'ai levé pour le
tabellion après due collation. — Ainsi est.
Signé Cagnon, notaire
Le madré compère sentait que la ba-
DE MADAME DE WARKN8 I5
ronnc était perdue ; il lirait son cpiiiglc du
jeu, à temps. La pauvre femme en était
réduite aux derniers expédients. Vous qui
savez lire, méditez ces quatre lettres, dont
chaque ligne est soulignée d'un sanglot :
A S\/ de Carolis — Ju ^ 77iars ly^^^.
Pour Tamour de Dieu M*" ayés pitié de
moy je suis sans pain et sans credy par la
malice de ceuxqui cherchent a me détruire,
que votre charité me procure un secour
de sa M^*-', et que sa protection deigne me
faire ressentir les effets de ses grâces en
chargeant M*" lintendant gênerai M' le pre-
mier et M"" le second président et de sin-
former de moy quelles sont mes raisons
de plainte, pour que sa M^'^ sache du
moins si j'ay tort ou non de me plaindre
d'une compagnie pour qui j'ay tant pris
de peine et après avoir si bien reussy soit
dans les traveaux des riches mines que
jay découvert et que je fais travailler par
les compagnies que jay établis en mau-
rienne, soit dans l'établissement d'une
fabrique de Chambery feaubourg du reclus
l6 LES DERNIÈRES ANNÉES
pour toutes sortes de poterie et autres ou-
vrages en fer coulé. Soit aussy dans plu-
sieurs belles découvertes de charbon de
pierre et de terre, dont jay fais en reigle
l'établissement de plusieurs fauses en
divers endroits du duché de Savoye après
avoir tant eu de peines et avoir eu les
grâces du Ciel, pour la réussite de mes
entreprises faudra il que mes adversaires
me fassent mourir de misère, et seray-je
privée de la juste récompence de mes
traveaux par surprise ou longeur des pro-
cédures menque de force et d'apuis pour
me deffendre je vous conjure M"" d'avoir
pitié de moy, votre bon esprit et les gran-
des charités que vous pratiqués chaque
jours me font espérer que vous accorderés
vos soins charitables a une pauvre femme
étrangère qui n'a rien a se reprocher dans
sa conduitte que d'avoir agit avec trop
d'honneur et de franchise a légard de ses
associés ou ceux qui agissent en leur nom,
qui l'on tous trompés et sacrifiés pour
assouvir leur ambition et leur avarice,
honnorés moy M"" je vous en prie d'un mot
DR MADAME DE WARfCNS I7
de rcponcc cl de votre puissante protection
que je réclame avec une entière confiance,
vous priant M' de vouloir af^^reer les assu-
rances de ma plus parfaitte reconnoissance
et du très soumis et très pn^fond respect
avec lequel jay Ihonneur dctrc etc.
Monsieur au cas M"* que vous jugiés que
S. M^*^ ne maccorde pas un don gratuit
implorés du moins je vous prie la clé-
mence du ro}^ pour que sa charité dcignc
permetrc que la trésorerie me fasse une
avance de cent louis ce qui pourv^oira aux
besoins que jay du pain quotidien pendant
que ma pension est engagée pour une an-
née a mes créanciers et cela me donnera
en même tems des forces pour pouvoir
soutenir avec houneur la suite de mes
opérations et de mes traveaux. Etc.
^Monsieur le comte de Giégory, général des
finances
du 7 mars 1754
Je su plie votre Exe. de vouloir me favo-
riser de sa puissante protection et me
mettre aux pieds du roy pour recevoir une
l8 LES DERNIÈRES ANNEES
de SCS grâces particuliers dans mon pres-
sent besoin, je crois lavoir mérite par
mon zèle et par tout le travail que jay fais,
si jay bien reusci a la découverte des ri-
ches mines dont jay formé les compag" de
mauriennequi les travaillent aujourd'huy,
je nay pas moins bien reusci à ma fabri-
que de potterie, et a la découverte des
charbons soit de terre soit en pierre, jay
plusieurs traveaux de charbon établis en
règle et une compag^ pour continuer mes
traveaux, jay fais a mes frais particuliers
toutes les premières avances pour les de-
couvertes ces depences particulières etoient
devenues indispensables pour que je pu
parvenir a une reuscite et il n'est pas sur-
prenant que je me trouve aujourdhuy dans
un si pressent besoin, n'ayant encore rien
pu tirer du produit de mes traveaux ce qui
m' oblige a recourir pour quil plaise a
S M ^^ ou a ses finances de m'accorder le
secour dune avance de cent Louis pour
me soutenir la vie en me procurant le pain
quotidien qui me manque aujourdhuy
pour avoir été forcée par mes créanciers
IJK MADAMM DK WARKNS I9
clc Itnir rcinclrc p<»iirunc aiincc les pen-
sions que la chaiiic du i<»y m'accorde en
tresoicric, cl par le nioycnt de ce secour
je pouiay nralimcntcr et soutenir en mê-
me tcms avec honneur mes entreprises et
traveaux qui par la fj^racc de Dieu sont
aujourdhuy dans leur point de solidité
V. Exe. poura s'informer de la vérité de
ce que jay l'honneur de luy avancer si elle
le jui;e a propos a M*" Lintendant gérai a
qui je suis toujours prcUc de rendre
compte de mes opérations lorsque V. Exe.
le jugera à propos le secour que jose atten-
dre par la protection et charité de V. Exe.
rentrera dans très peu de tems dans les
coffres du roy et occasionnera un très
grand avantage a l'état si je suis soute-
nue, jattend avec une entière confiance
l'effet de la généreuse et puissante protec-
tion de votre Exe. et jay l'honneur de l'as-
surer de ma plus parfaitte reconnoissance
et du très soumis et du très profond respect
avec lequel jay l'honneur detre Eté
Le brouillon de ces deux lettres, ainsi
20 LES DERNIÈRES ANNÉES
que les deux suivantes, appartiennent au-
jourd'hui aux Archives départementales
de la Savoie.
cA cM. le chevalier de Robilant
du ^ mars 17^4-
Je prend La Liberté Monsieur de profi-
ter de cette occasion favorable pour me
recommander a l'honneur de votre protec-
tion j'en ay très grand besoin pour maider
a suporter toutes les contradictions que
l'on me sucitte chaque jours pour retarder
autant qu'on peut l'avancement et l'utilité
de mes travaux il est très douloureux pour
moy d'avoir a combatre tout a la fois la
mauvaise foy et Lignorence de ceux qui
devroyent être les plus engagés a me sou-
tenir ; j'espère que Mr. Wallin aura bien
eu la bonté de vous parler de moy et de
me rendre justice. Sil veut se donner la
peine de se ressouvenir de ce que j'ay eu
l'honneur de luy dire a son départ il m'o-
bligera infiniment de vous l'expliquer La
triste situation ou je me trouve, sans qu'il
y ait en rien de ma faute, il y a plus de
DE MADAME DE WARENS 31
vingt anncfcs que je Iravaillois avec beau-
coup de succcz a la dccouvcrle des mines
de Savoye de même que pour les charbons,
que jay également découvert avec tout le
succez possible commil se voit aujourdhuy
par nos traveaux des fosses a charbon que
jay fais établir cl mètre en bonne règle,
avec toute la diligence qui m'a été possible,
cependant maigre/ tous les avantages que
mes traveaux et mes découvertes minérales
procureront a l'clat j'cntand dire chaque
jour que je m'occupe a des chimères que
je ferois beaucoup mieux de ne rien faire
du tout que de mopignatrer a des recher-
ches curieuses qui produisent des traveaux
si peinibles et si dispendieux Si je ne me
flattois pas Mr de la dousse esperancQ^que
vos lumières supérieures sur les traveaux
des mines vous engageront d'approuver
ma conduitte, je serais entièrement rebutée
et inconsolable prette a tout abandonner,
j'ose vous suplier Mr de vouloir m'ac-
corder votre apuis pour me soutenir et
m'aider a rétablir ma fabrique de potterie
qu'on vient de me détruire malicieusement
22 LES DERNIERES ANNEES
SOUS prétexte disent ils qu'ils veulent aller
letablir en mauricnne ce qui leurs est im-
possible pour des raisons que j'offre a
dcmontrcrTon ne peut faire en maurienne
qu'un grand fourneau a couler la mine qui
ne seaurait même y subsister que très peu
de tems, accause de la difficulté des bois
quil conviendroit infiniment de conserver
très presieusement pour faire couler les
mines des qualités supérieures au fer qui
se trouvent être de très bonne qualité et
abondantes dans la province de maurien-
ne, je suis bien a pleindre Mr d'avoir
afairc a des gens entêtés orgeuilleuses et
ignorents qui font toujours presisement
tout le rebour de ce qu'il devroit, pour
que les cbxoses allassent commil faut hon-
norés moy Mr je vous prie d'un mot de
reponce je seray consolée et suporteray
mes chagrins et ma misère avec patience
dez que j'auray le bonheur D'apprendre
que vous este content de ce que je fais et
je me ferai toujours une gloire et un devoir
de vous rendre un compte fidèle des rai-
sons de ma conduitte toutes Les fois que
DE MADAME DE WARENS 2^
VOUS le jup-crés apropos soyés Mr je vous
prie bien persuadé que je conservcray une
clerncllc reconnaissance des bontés dont
il v(nis plaira de m'hf)nnorcr et je seray
toute ma vie avec le plus parfait dévoue-
ment et le plus profond respect
La Lettre cy jointe vous fera aisément
comprandrc que je suis contredittes en
tout et que l'intercst du roy en souffre
beaucoup. —
<( cA [M. Je S^-Laiircjît, du 7 UKirs ij^i- »
Quil plaise a V. Exe d'avoir pitié de
moy et quelle deigne aprouver que j'ose
continuer de la suplier de me mètre aux
pieds du roy pour recevoir une de ses
grâces particulier dans mon pressent be-
soin, je crois les avoir mérité par ma
bonne volonté, par mon zèle par le travail
que j'ay fais, si j'ay bien reuscy a la de-
couverte des riches mines dont j'ay forme
les compag*''' de morienne qui les traînail-
lent aujourdhuy je nay pas moins bien
reuscy a ma fabrique de potterie et a la
découverte des charbons soit en terre soit
24 LES DERNIERES ANNEES
établis en règle et une compagnie mesd.
traveaux jay fais a mes frais particuliers
toutes les premières avances pour les de-
couvertes, ces depences particulières etoient
devenues indispensables pour que je pu
parvenir a une reuscite il n'est pas surpre-
nant que je me trouve aujourd'huy dans
un si pressent besoin n'ayant encor rien
pu recevoir du bénéfice de mes traveaux
je demande très humblement a S. Mté ou
a ses finances le secour d'une avance de
cent Louis, pour me soutenir la vie en me
procurant Le pain quotidien qui me man-
que aujourd'huy pour avoir été forcé par
mes créanciers de leur remetre pour une
année les pensions que la charité du roy
m'accorde en trésorerie et par secour je
seray en état de soutenir avec honneur
mes entreprises et traveaux qui par la grâce
de dieu son aujourd'huy dans leur points
de solidité.
V. Exe poura sinformer de la vérité de
ce que ja^^ L'honneur de luy avancer si
elle le juge apropos a Mr Lintendant gérai
et Mrs le premier et second président a
DE MADA.MI h! WAHLNS 2^
en pierre jay plusieurs traveaux de charbon
qui je suis prettc de rendre compte de
mes opérations Lorsque V. Exe le jugera
apropos le sccr)ur que j'ose attendre de
Idquitc et de la charité de V. Exe rentre-
ront dans très peu de tcms dans le coffre
du roy et occasionnera un très grand
avantage a Létal Lœil attentif de V. Exe
p(Uir le bien et l'avantage des finances de
de sa xM'^ est trop pénétrant pour ne pas
pencer au delà de ma foible expression et
pour ne pas sentir et voir a découvert que
jexpose la vérité toute unie et sansfard si
je suis soutenue il n'en peut arriver qu'un
très grand bénéfice au pays icy au lieu que
ma disgrâce fera peut être faire de tristes
reflections aux étrangers que j'avois jnvité
a faire passer encor de nouveau fonds en
Savoye pour la continuation des minières
metalique et des charbons j attend avec
une entière confiance les effets de la géné-
reuse et très puissante protection de V. Exe
et jay L'honneur de L'assurer de ma plus
parfaitte reconnais sance et dutres soumis
et très profond respect aveclequel je suis
20 Li:S DERNIÈRES ANNEES
Au lendemain même de ces appels dé-
sespérés, un autre acolyte de la baronne,
Jean-Charles Perrin, passait un acte, par
lequel il se retirait de la société que M°**
de Warens avait formée, en 1752, pour
l'exploitation des mines de houille de la
Savoie, dont le Roi de Sardaigne lui avait
concédé le privilège. Voici la teneur de
ce document, très curieux dans ses détails,
inséré au i*"" volume de 1754, folio 422,
des registres du Tabellion de Chambéry.
DÉPARTEMENT
en faveur de la dame baronne de Warens
de La Tour, par spectable Jean Charte
Perrin, bourgeois et habitant de Chafn-
béry portant en capital L. 1000.
L'an mille sept cent cinquante quatre et
le huictième mars, à Chambéry, au feau-
bourg du Reclu de la présente ville, sur
les trois heures après midi, dans la mai-
son où habite la dame baronne de Warens
de La Tour, pardevant moi notaire royal
coUigié soubsigné, et présents les témoins
bas nommés. Il est ainsi que, parcontract
DE MADAME DE WAREN3 2^
du premier aousl mille sepl cent ciiuiuanlc
deux, rcccu par moi dit nollairc sDubsi-
gneS passé entre ladiUc dame baronne de
Warens de La Tour, noble Jean Samuel
Rodolphe Wintcenricd de Courtilles,
spectable Jean Charles Perrin et le sieur
Prudent Rcveyron, auroient contracté so-
ciété entre eux, concernant la recherche
des charbons de pierre, de terre, soit
houllie, dans toute Tétcnduc du duché de
Savoye, et de faire laditte recherche à
commun fraix, tout comme de faire cha-
cun leurs fonds, et partager les profits par
quart, et autres articles contenuts audit
acte, auquel on se rapporte, que consé-
quemment à icelui, sur la demande et
prière faitte à sa Majesté, par la supplique
présentée à la part de laditte dame de
Warens, et de celle dudit noble de Cour-
tilles, Elle auroit bien voulu, par un ef-
fet de ses grâces, leur en accorder le pri-
villège ainsi que par lettres patentes
émané de sa Majesté en leur faveur, en
datte du trentième octobre suivant. Tous
les susnommés auroient encore passé une
28 LES DERNIÈRES ANNEES
transaction entre eux pour le même fait et
dessein, portant une cimentation de société
etéclercissement d'icelle, ainsi que par con-
tract du dix-huict décembre deladitte année
receu et signé par M^ Reveyron nottaire,
et par acte de main privée fait à double,
du second mai année dernière, ledit sieur
Prudent Reveyron se seroit départi, cédé
et transporté à ses dits associés, tout le
bénéfice qu'il pouvoit prétendre en vertu
des susdésignés contracts, avec promesse
qu'il lui firent de le libérer jusqu'à la dat-
te dudit acte de main privé, de tous les
fraix qui avoient étés faits jusqu'al'ors
pour la recherche desdits charbons, et
comme cette portion étoit tombé com-
mune, tant à laditte dame baronne de
Warens, audit noble de Curtilles qu'audit
sieur Perrin, ces premiers au nom de ce
dernier, par contract du vint huict juin
année dernière, aussi receu par moi dit
notaire, associèrent et mirent au lieu et
place dudit sieur Prudent Reveyron le
sieur Alexandre fils de Pierre Bérard,
icelui agissant tant à son nom qu'au nom
^ i)i: A\Ai)AMi: i)i: warkns 29
cliiclit son pcrc, et de Simon Dc5rard son
frùrc, de la ville de Genève, pour jrjuir,
ledit Alexandre l)érard, et au nom de
ceux pour qui il parut des mêmes privil-
lèges rappelles dans les contracts ci des-
sus, et de la teneur d'iceux, sous promesse
qu'il fit d'en remplir t(^us les engagements,
et de contribuer pour sa cotte part dans
la dépence à faire de même que d'entrer
dans le gain et perte ; et par autre con-
tract du vint neuf dudit juin de la même
année, aussi receu par je dit nottaire, la-
ditte dame baronne de Warens, ledit noble
de Curtilles et ledit sieur Alexandre
Bérard, aussi tant à son nom que celui de
ses père et frère, lesdits associés agissants
aussi tant à leur nom qu'à celui dudit
spectable Perrin, par lequel ils promirent
de faire ratifier lesdits deux actes, admi-
rent encore pour un autre associé, le sieur
François de La Corbière, ancien citoyen
de Genève, pour une cinquième portion
concernant la recherche des dittes mines,
et lesquels dits deux contracts, ledit spec-
table Perrin approuva, confirma et ratifia
30 LES DERNIERES ANNEES
aussi par celui da second septembre sui-
vant, receu de même par je dit nottaire,
et du depuis ledit sieur Perrin n'auroit
plus voulu entretenir la ditte société, ladit-
te dame baronne de Warens de La Tour
lui auroit pioposé s'il vouloit se départir
de leur dite société et de la teneur des
contracts ci dessus ténorisés en sa faveur,
qu' s'obligeroit de lui rembourcer soit lui
payer la somme de mille livres monoye de
Savoye, dans une année prochaine, datte
du présent, néanmoins sans intérêts pen-
dant ledit terme, et passé icelui, avec in-
térest stipulé au cinq pour cent, et de lui
donner encor bonne et suffisante caution
pour la seureté de laditte somme, de mô-
me que de le relever de tous les engage-
ments par lui pris par les contracts
énoncés ci dessus, ce qui auroit été accepté
par ledit sieur Perrin. Pour ce est il que
les an, jour, lieu et heure que dessus, par
devant moi nottaire et témoins, s'est
personnellement établis et constitué ledit
spectable Jean Charle, fils à feu sieur
Maxime Perrin, avocat au sénat, natif,
DE MAD\Mt: DE WARENS 3I
bourgeois cl liahilaiU duclil Chambcry,
lequel, de ^r<5, poin lui cl les siens s'est
departy, ainsi que par le présent acte il se
départ, purement, simplement et irrévoca-
blement, de la meilleure manière que dé-
partement se peut faire de droit en faveur
de laditte dame françoise Louise Eléonore,
fille feu noble Jean Baptiste de La Tour,
baron d'Empire, épouse de noble Isaac
Sébastien de Warens, native de Vevey,
païs de Veaux en Suisse, canton de Berne,
habitante de la présente ville ici présente
et acceptante, pour elle et les siens, à
sçavoir de la cinquième portion qu'il at
dans la recherche des mines de pierre, de
terre, soit houllie, conformément aux con-
tracts ci dessus ténorisés, auxquels ont se
rapporte pour le tout, lui transférant et
cédant tous les droits, bénéfices et privillè-
ges d'iceux, la constituant pour sa procu-
ratrice générale, avec pouvoir de consti-
tuer et substituer sous due élection de
domicile, et ledit département fait par le-
dit spectable Perrin, pour et moienant le
prix et somme de mille livres monoye de
32 LES DERNIE:RES ANNEES
Savoye, que ladite dame baronne de
Warens promet lui payer ou es siens, dans
cet année prochaine, datte du présent sans
intérest pendant ledit terme, et passé ice-
lui, avec intérest stipulé au cinq pour
cent, promettant encore laditte dame de
le relever et faire relever dez à présent en-
vers ses dits associés, de ses engagements
qu'il avoit pris par les contracts ci dessus
désignés, et pour l'observation de tout
quoi, laditte dame baronne de AVarens
s'est soumise aux peines de tous dépens,
dommages, intérêts, et à l'obligation de
tous et un chacun ses biens présents et
avenirs qu'elle se constitue à ces fins tenir,
et c'est laditte somme de mille livres en
remboursement des fonds qu'il at remis au
sieur Vidal, caissier établi par la Compa-
gnie ; et pour plus grande seureté de la
somme ci dessus promise par laditte dame
baronne de Warens, à sa prière et réquisi-
tion s'est de même ici personnellement
établis et constitué noble François fils de
feu noble Joseph Davied, seigneur de Fon-
tenex et de Gy, natif delà ville de Thonon,
l)K MAlJAMI-: DE WAHENS 33
dcpix^scnl aiidil Chamhcry. lequel, de gré,
pour lui et les siens, néanmoins après
avoir icnoïK'c au bénéfice de division,
d'ordre cl de disent iou, s'est rendu plaige
et caution pour laditlc dame baronne de
Warens de La Tour, principal payeur et
observateur du contenu au présent, et pour
reffct de ce que dessus s'est aussi soumis
aux peines de tous dépens, dommages,
intérêts, à l'obligation de tous et un
chacun ses biens présents et avenirs, sous
clause de constitut, avec promesse avec
promesse que fait ladittc dame baronne de
Warens de relever saditte caution de tout
ce qu'il pourroit souffrir, occasion dudit
cautionnement, tant en principal, domma-
ges intérêts que dépens, aux mesme peines
c]ue dessus, hypothéquant spécialement
pour ce fait laditte dame de Warens, tou-
tes les prétentions et bénéfices qu'elle at
pourroit avoir et retirer de laditte société,
étant expressément convenu entre laditte
dame baronne de Warens de La Tour et
ledit seigneur Davied, qu'au cas que ce
dernier fut obligé à payer audit sieur Per-
34 I ES DERNIERES ANNEES
rin la susditte somme de mille livres, au-
dit cas, il sera dez à présent mis et subro-
gé au même lieu et place de laditte dame
baronne de Warens, comme représentant
ledit spectable Perrin, en vertu du présent
département, qui en vrai signe d'icelui, a
manuellement remis à laditte dame, au
vu de moi dit nottaire et témoins, toutes
les expéditions des actes et privillèges qui
lui avoit été remis concernant laditte so-
ciété, et sans entendre, ledit seigneur s'as-
traindre à aucune autre chose concernant
la susditte société, que cautionner laditte
dame de Warens pour laditte somme de
mille livres, et c'est en tant que le présent
serat approuvé et ratifié par les autres
associés de Genève et par ledit noble de
Curtilles, Et ce ont fait lesdittes parties,
par mutuelle et réciproque stipulation et
acceptation, et ont promis et promettent
observer tout le contenut au présent cha-
cune en ce qui la concerne, aux peines
respectives de tous dépens, dommages, in-
térêts, à l'obligation et constitution réci-
proque de tous et un chacun leurs biens
DE MADAME DL WARF.NS 35
priisciUs cl avenirs, sous clauses de cons-
titut, entendant icelle parties, que la nar-
rative du présent ne fasse qu'une seule et
même substance, et comme corp individu
avec la présente dispositive, sous toutes
dues promesses, soumission, renonciation,
stipulation acception, et autres requises
de droit. l\iit et pron(^ncc audit les lieu,
an, jour et heure que dessus, en présence
du sieur Claude Vidal, marchand et habi-
tant de la présente ville, et de Pierre Mi-
chal, aussi habitant de la présente ville,
témoins requis. Tabellion trente sols, les-
quels témoins, de môme que les parties,
ont signés sur la minutte de je dis nottaire
soubsigné, de ce recevant requis, conte-
nant le présent et par moi écrit, y compris
mon verbal et signature, presque cinq pa-
ges, et levé pour le tabellion, après due
collation faitte sur ma ditte minutte, quoi-
que le présent minutaire soit par d'autre
écrit. — Ainsi est.
Signé : Cagnon, notaire.
Enfin, la baronne parvenait, cependant,
36 LES DERNIÈRES ANNÉES
à contracter un emprunt ; la preuve en est
dans un brouillon de reçu, non signé, at-
tribué à M'"'' de Warens, conservé aux
Archives départementales de la Savoie,
ainsi conçu :
Nous soubsigné prométon paier a Mon-
sieur Tomas mètre fondeur saxon ; ou a
son hordre dens le terme d'une année
quinze louys dor neuf de france de vint
une livre pièce ; qu'il nous a prêtes en
même espèce, en foy de quoy nous avont
signé le présent a chambery ce 20 mars
1754-
Ce reçu eut immédiatement une seconde
rédaction ; voici la teneur du deuxième
brouillon :
Nous soubsigné en considération et par
Reconoissance du service que M*" Tomas
maître fondeur saxon vient de nous Rendre
en nous prêtant quinze louys neufs pour
nos traveaux de la Colombière nous luy
prometons de bonne foy de luy doner
DE MADAMK DE WAIIENS 37
mille livre de Gratifications; cy tôt que
nous auront dccombrc notre filons, du
soubtcrrin de la Cijlombiere et que nous
cnvoirons la mines ce que esperont avec
l'aide du seip:ncur quy ccras dens le cou-
rcnds de celle année, en foy de quoy nous
avont signé le présent a Chambery ce 20
mars 1754.
Outre le précédent document, les Ar-
chives départementales de la Savoie pos-
sèdent encore, de la môme date, une mi-
nute de lettre, dont la dernière phrase,
seulement, et quelques corrections sont
de la main de M""" de Warens ; la missive
paraît avoir été adressée au directeur des
travaux que la baronne faisait exécuter au
Bourget-en-Huille.
Monsieur, j'ay l'honneur de vous don-
ner avis que Monsieur Perrin Langlay
s'étant départy par contract, de sa part et
prétantion dans la Compagnie des Char-
bonnier, je me trouve dans le cas d'estre
chargée de nos affaires pour les traveaux
38 LES DERNIÈRES ANNEES
des huilles et du Bourget, Comme étant la
seulle à portée de cette partie, les autres
associés de Genève et de Tarantaise étant
trop éloigné. încy je vous prie, Monsieur
d'avoir la bonté de vouloir agir en bonne
inteligence avec moy suivant la coutume
allemande, et de prendre la paine défaire
pezer tout le charbon qui et dans les fau-
ccs que je vient de vandre aux sieur Jo-
seph Tournier. // m en offre un douzon le
quintal, pour celuy qu'on tireras à l'avenir ;
sur qiioy nous vairons entre vous et jnoy ce
qu'il conviendras de faire. — Je luy fait un
rabay sur celuy qu'on at tiré jusqu'à à
présent à cause qu'il est encore un peux
mellé de servelle. Il ne vous en payera
que dix sols le quintal. Vous auré la bonté
dens retirez l'argent pour payer ce quy
est encore deu aux ouvrier, et pour avoir
quelques choses pour recommencer les
traveaux, l'orque le beautems le permettra.
De zirant d'avoir l'honneur d'une confé-
rance particulière avec vous, je vous en
prie avant que de recommencer les tra-
veaux, vous priant aux surplus que vous
ayez la bonté de
DE MADAMi: hi: WAKMNS 39
(Toute cette première partie de la lettre
est d'une écriture autre que celle de M"**
de Warens, sauf les quelques mots et correc-
tions en italique, qui sont de sa main, aiîîsi
que la fin de la lettre)
faiie ataïUions que nos houtils et équipa-
ge du liions ne se perde pas, M^ nous
ayant donner un comte de cinq li\res de
dépencc tcnt en outils que autres équipa-
ge et frais de mineurs. — Recomendent
le tout à vos bontés hordinaires j'ay
l'honeur d'êLres avec bien de la reconois-
sance et la plus parfaite considération etc.
A Chambcry ce 20^ mars 1754.
Quelques mois après, M"""^ deWarens pa-
raît cesser de faire partie de la Compagnie
des mines de la haute Maurienne, dont
elle avait été la fondatrice. Certainement,
à cette époque, elle ne possédait plus d'ac-
tions de la société. Le fait est démontré
par une collection de pièces de compta-
tabilité, du commis des mines des Four-
neaux en Maurienne, existant aux Archives
départementales de la Savoie. En effet.
40 LES DERNIERES ANNEES
jusqu'au 22 juillet 1754, le régisseur cer-
tifie ses états de la manière suivante :
« Je soussigné Etienne Durand, commis
« régisseur des minières de la haute
(( Maurienne et fabriques des Fourneaux,
« dépendente de M""*" la baronne de Wa-
(( rens, M'" Mansord et C'% certifie, etc. »
A partir de cette date, Durand change
sa formule et se dit : (( Régisseur des
Mines de la haute Maurienne et fabriques
des Fourneaux, dépendente de MM. Man-
sord, Perrichon et Compagnie. »
L'histoire possède, ainsi, la date exacte
de l'époque à laquelle la baronne fut
évincée, de fait sinon en droit, de la fa-
meuse compagnie qu'elle avait créée.
Quelques semaines auparavant. M'"'' de
Warens avait revu Jean-Jacques, qui
datait de Chambéry la dédicace de son
Discours sur l'origine et les fondejnents de
r inégalité parmi les hommes. Rousseau
dit, au Livre VIII des Confessions :
(( A Lyon, je quittai Gauffecourt, pour
prendre ma route par la Savoie, ne pou-
DE MAbAAU: DL WAKENS 4I
vaut nie rcsoudrc à passer derechef si
près de maman sans la revoir. Je la re-
vis.... Dans quel état, mon Dieu ! quel
avilissement ! Que lui restoii-il de sa ver-
tu première > Etoii-ce la même M™*= de
Warens, jadis si brillante, à qui le cure
Pontverre m'avoit adressé ? Que mon
cœur fut navre ! Je ne vis plus pour elle
d'autre ressource que de se dépayser. Je
lui réitérai vivement et vainement les ins-
tances que je lui avois faites plusieurs fois
dans mes lettres, de venir vivre paisible-
ment avec moi, qui voulois consacrer mes
jours et ceux de Thérèse à rendre les siens
heureux. Attachée à sa pension, dont ce-
pendant, quoique exactement payée, elle
ne tiroit plus rien depuis longtemps, elle
ne m'écouta pas. Je lui fis encore quelque
légère part de ma bourse, bien moins que
je n'aurois dû, bien moins que je n'aurois
fait, si je n'eusse été parfaitement sûr
qu'elle n'en profiteroit pas d'un sou. Du-
rant mon séjour à Genève, elle fît un vo-
yage en Chablais, et vint me voir à Gran-
ge-Canal. Elle manquoit d'argent pour
42 LES DERNIERES ANNEES
achever son voyage : je n'avois pas sur
moi ce qu'il falloit pour cela ; je le lui
envoyai une heure après par Thérèse. Pau-
vre maman ! Que je dise encore ce trait
de son cœur . Il ne lui restoit pour dernier
bijou qu'une petite bague ; elle Tôta de
son doigt pour la mettre à celui de Thé-
rèse, qui la remit à Tinstant au sien, en
baisant cette noble main qu'elle arrosa de
ses pleurs. »
Accompagné de Thérèse, Rousseau avait
fait route, de Paris à Lyon, avec Gauffe-
court, l'un de ses premiers amis. Or, les
Archives départementales de la Savoie
possèdent la copie d'une lettre adressée
à M. de Goffecour à Genève. Ces quatre
derniers mots, qui terminent la suscrip-
tion de la pièce, sont seuls de l'écriture de
M™^ de Warens. Le document nous initie
aux démêlés de la baronne avec son asso-
cié Perrichon, et dévoile le projet, qu'elle
caressait alors, de quitter Chambéry :
Monsieur je me suis trouvée Cy inco-
modée que je n'ay pas étés En Etat de
bb MADAME DE WAUENS 43
de vous Rendre plus tôt mes jd-Mu .icîi«»ii-)
de grâces sur les soins généreux que vous
venez encore de vous donnera mon auca-
sions ; je plain la veuglement de Mr. P.
mais comme C'est aux jcnird'huy un mal
son rcnicdc il Tau cl que cette fièvre fasse
crize ; pour moy que nay rien à me Re-
prochée, que davoir a«^nl avec trop de
zelle et de Bonne foy pour bien Etablir, je
me trouve Consolce de toutes les injustices
que Ion Exerce a mon Egards par le Bon-
heur que j'ay Eu de Bien Reussy, le temps,
fera assé connoistre La consequance de
mon ouvrage sans que je fasse mes Eloges,
jendoit Rendre a dieu deternellc actions
de grâce ; je me Retireray dens peu de
jours dans le petit hermitage que j'ay
choisy ; ce qui me mestras portée davoir
Lavantage de vivre dans votre voisinage
ce qui me flatte infiniment, sur tout Cy
josoit espérer que vous voulussié prendre
la peine de venir visiter la peauvre her-
mitte ; je vous prie Cy vous voiée Mr.
Rousseaux de luy faire mes amitiés, Cy
vous monorés de vos chère nouvelles,
44 LES DERNIERES ANNEES
passé la quinzaine je seray dans Lermitage
dont vous savez la dresse, j'ay l'honneur
destre avec la plus parfaitte Reconnais-
sance, et la Considération la plus Respec-
tueuse Mr etc
a chambery ce 2^ août 1754.
ce 2 août 1754.
Peut-être, M""^ de Warens fait-elle al-
lusion, dans cette lettre, à la maison d'un
M. Lejeune, qu'elle avait louée avec son
jardin, à Evian, ou à l'immeuble qu'elle
achètera, le 19 juin 1755, dans la même
ville, et dont elle devra résilier l'acquisi-
tion, le 27 septembre 1757, moyennant
dommages-intérêts, faute de pouvoir en
payer le prix. Quoi qu'il en soit, la mi-
sère réelle de la baronne était notoire,
à Chambery ; l'histoire en a l'indication
exacte dans un acte du 21 août 1754,
par lequel M™^ de Warens, que le no-
taire appelle pauvre dame baronne, donne
sa procuration à Wintzenried, afin de
poursuivre le procès qu'elle avait intenté
aux héritiers de Mgr de Rossillon de
UL MAUAML DL WAIŒN8 45
Bcrncx, cvcciuc de Gcncvc, qui lui avait
Ic5guc5 une pension de 150 '. par an, dont
elle n'avait jamais pu être payc^e. M"** de
Warcns veut que, sur les premiers arré-
rages, qu'il touchera, Wint/enried com-
mence par se rembourser d'une somme de
705 '., qu'il avait prctce, en 1753, à l'infor-
tunée baronne, et qu'il paie, ensuite, dans
Tannée, 200 '. à un boulanger, auquel
M"'*= de Warens les devait, pour fourni-
turc de pain. Le document figure, en ces
termes, au 2" volume de 1754, folio 903,
des registres du Tabellion de Chambéry :
^Procuration passée au sieur de Courtilles
par pauvre dame baronne de Warens,
L'an mille sept cent cinquante quatre et
le vingt-unième jour du mois d'aoust, à
Chambéry, à deux heures après midy,
dans la maison d'habitation de la dame
constituante, cy après nommé, pardevant
moy notaire royal soussigné, et présents
les témoins cy après nommés, s'est per-
sonnellement établie et constituée pauvre
46 LES DERNIÈRES ANNEES
dame Françoise-Louise Eléonorc, fille de
feu noble Jean-Baptiste de La Tour,
baronne dcWarens, natifve de Neveu (sic)
en Suisse, résident en cette ville, laquelle,
de gré constitue pour son procureur géné-
ral, sous élection de domicile, noble Jean
Samuel Rodolphe Wintzinried, fils de
noble Samuel Rodolphe de Courtilles, na-
tif de Courtilles, pays de Veaux, canton
de Berne, résident en cette ville, icy pré-
sent et ladite charge acceptant, et c'est
pour et au nom de la dame constituante,
faire touttes les poursuittes nécessaires
pour se procurer le payement de la censé
annuelle et viagère de cent cinquante li-
vres de Savoye qui luy ont été léguées
par Monseigneur de Rossillon de Bernex,
évêque et prince de Grenoble (sic) affectée
sur la terre de Sallonges, possédée par M.
le doyen de Mont St Jean, demander et
faire rendre compte de ladite censé dez le
décès dudit Révérendissime Evêque jus-
ques à cejourdhuy, et encore à Tavenir,
pendant qu'elle devra avoir lieu, et pour
ce, intenter tous procès, tant en action
UK MADAAU: UL WAKLNS 4^
•
réelle, personnelle, que mixte, soit par
nouvelle instance, soit par continuation
de celle cl<ijà commencée, et en iceux dire,
déduire, produire, communiquer et contre-
dire, tous titres fournir, et sauver touttcs
exceptions, et généralement poursuivre
lesdits procès jusqu'à sentence et arrêt
définitifs, pleine et entière exécution d'i-
ceux, s'il y échoit, avec pouvoir de transi-
ger, accepter ou révoquer tous offres, exi-
ger et passer quittance, le tout quoy elle
aprouve et rattifie dcz à présent comme
pour lors, luy donnant encore pouvoir de
poursuivre en instance sommaire ou ré-
glée le nommé Pierre Sandre, de la pa-
roisse de Chanaz, pour le payement de la
somme de cent soixante deux livres dont il
luy est débiteur, pour des causes connues
audit sieur de Courtilles , révoquant ,
pour le fait de ces deux demandes, tous
autres procureurs, cy devant constitués,
auquels ledit sieur de Courtilles pourra et
devra demander compte de leur adminis-
tration et exaction, retirer et exiger le
reliqua, en passer dû acquittement, et re-
48 LES DERNIÈRES ANNÉES
tirer d'entre les mains de M'^ Morel, pro-
cureur, les titres et procédures qu'il at à
ce sujet, et d'en faire chargé, si besoin est,
et en cas de plaid, de constituer et substi-
tuer M'"'' Vernier, procureur au sénat, et
des exactions que ledit sieur de Courtil-
les faira et devra faire, il commencera à
s'en retenir la somme de sept cent et cinq
livres qu'elle confesse et déclare luy de-
voir pour cause de prêt, dont même elle
luy a passé deux billets, le premier, sous
la datte du six mars, et le second, du
vingt-trois décembre mille sept cent cin-
quante trois, qui après ladite rétention,
seront remis à ladite dame constituante,
sur lesquels billets sera la présente anot-
té, pour avoir été convenu qu'ils ne seront
payés qu'au moyen de l'exaction desdites
censés, de plus elle l'oblige et assigne de
payer, dans une année la somme de deux
cent et quelques livres au boulanger Gi-
ron et sa femme, demeurant sous le châ-
teau, qu'elle déclare leur devoir pour du
pain fourni à sa famille, et du surplus de
ses exactions, il devra en rendre compte à
DE M ADAM L l)ï. WAKLNS 49
la dame constituante, en prc5levant ndant-
moins les frais qu'il aura suportés, occa-
sion de la présente procuration. Ce que
l'un et l'autre ont promis observer, aux
peines de tous dépens, domages intérêts,
sous l'obligation de tous leurs biens pré-
sents et avenir, qu'ils se constituent res-
pectivement tenir. Viûi prononcé en pré-
sence de noble François Daviet, seigneur
de Foncenex et de Gy, et de noble Pierre
François La Branche, habitant à Bramans,
en Mauriennc, et ce premier en cette ville,
témoins requis. Les parties et témoins
ont signé à la minutte de moy notaire re-
cevant qui ay levé le présent, pour l'office
du tabellion, contenant sur icelle, deux
pages et un quart.
Signé Petroz, notaire.
Le même registre du Tabellion contient,
au même folio, à la même date, une pro-
curation, donnée p^r paicvre dame baronne
de Warens, pour gérer, en son absence,
les affaires de sa société des mines de la
haute Maurienne et poursuivre le procès,
50 LES DERNIERES ANNEES
que la Compagnie avait par-devant le
sénat — cela devait finir ainsi — contre
le sieur iVlathieu Casse.
PROCURATION
passée par pauvre dame baronne de Wareîis
au sieur Joseph Thorin.
L'an mille sept cent cinquante quatre et
le vingt unième jour du mois d'aoust, à
Chambéry, à deux heures et un quart après
midy, dans la maison d'habitation de la
dame constituante cy après nommé, par
devant moy notaire royal soussigné, pré-
sents les témoins cy après nommés, s'est
personnellement établie et constituée pau-
vre dame Françoise Louise Eléonore, fille
de feu noble Jean-Baptiste de La Tour,
baronne de Warens, natifve de Neveu
(sic) en Suisse, résident en cette ville, la-
quelle étant obligée de s'absenter pour ses
intérêts particuliers, de gré a constitué et
constitue pour son procureur spécial le
sieur Joseph Thorin d'icy absent, moy dit
DL madaml: de warens 51
notaire pour luy présent et acceptant,
c'est pour et à son nom régir et adminis-
trer les mines et travaux dépendant de la
Compagnie formée entre la dame consti-
tuante, le seigneur Camille Périchon et le
seigneur François Mansord, en conformité
du règlement de ladite Compagnie, et
sans préjudicier au procès noué au sénat
entre lesdits associés et le sieur xMathieu
Casse, avec pouvoir qu'elle lui donne d'é-
tablir ou révoquer les cmplo^^és, faire
rendre compte par les régisseurs et gardes
magasins, vendre les mattières provenan-
tes desdites mines et fabriques au plus
grand avantage de la Compagnie, et pour-
suivre les débiteurs d'icelle, leur donner
touttes quittances et décharges, en un mot
administrer tout ce qui peut dépendre de
sa charge de directeur et caissier, à la
charge qu'il rendra compte à ladite dame
constituante, de son administration et luy
fournira tous les trois mois, ou touttes les
fois que ladite dame le requerra, les états
de la sittuation de la caisse et des mattières
qui seront par luy vendues, de celles qui
52 LES DERNIÈRES ANNEES
seront dans le magasin et de celles qui
seront tirées dans les fosses, Et en cas de
plaid, il pourra constituer ou substituer
tel procureur qu'il jugera à propos, le tout
avec élection de domicile Le tout quoy la-
dite dame constituante approuve et rattif-
fie dèz à présent comme pour lors, pro-
mettant néantmoins de le relever de tout
ce qu'il pourroit souffrir, occasion de la
présente procuration, aux peines de tous
dépens, domages intérest, sous l'obliga-
tion de tous ses biens présents et avenirs,
qu'elle se constitue tenir. Fait et prononcé
en présence de noble françois Davied, sei-
gneui de Foncenex et de Gy, habitant en
cette ville, et de noble Pierre françois
La Branche, habitant à Bramand en
Maurienne, témoins requis qui ont si-
gné, de même que ladite dame consti-
tuante sur la minutte de moy notaire
recevant qui ay levé le présent, pour l'of-
fice du tabellion contenant sur icelle une
page et demy.
Signé Petroz notaire.
DE mada^ml: dl vvaklns 53
Voici, concernant les mines de plomb
situées au-dessus de Modane et exploitées
par la société de Mme de Warens, un
très curieux extrait d'un rapport sur les
mines du duché de Savoie, adressé, le 27
août 1754, par l'intendant général de
Chambéry, au commandeur Richa, direc-
teur général du service des Mines, à Turin.
Ce document est extrait des Archives dé-
partementales de la Savoie, Série C,
N^^ 126 :
£\/^ le commendcur Tyicha
Du 27 aoust 1754
Je suis bien fâché de ne pouvoir répon-
dre d'une manière plus satisfaisante à la
lettre dont vous m'aves honoré, Mr, le 3™^
du courant ; les minières qu'on exploite
en Savoye n'étant ny en nombre ni si
abondantes en plomp pour pouvoir vous
en procurer. Outre celles de Pesey qui
doivent fournir à l'arcenal tout leur pro-
duit en plomp nous n'avons d'autres mi-
nières en activ^ité dans ce duché que celles
54 LES DERNIERES ANNEES
des huilles et celles de Maurienne au dessus
de Modane. Ceux qui exploitent les mi-
nières des huilles ou M. le comte de Mont-
joye est intéressé sont déjà astraints par
un contract de remettre tout leur plomp à
Tarscenal, et doivent avoir passé cette
soumission à votre bureau et soit faute
d'argent etc. . . ils profitent plus
tôt d'un filon de cuivre qui leur est de quel-
que plus grande utilité.
A l'égard des minières de Maurienne au
dessus de Modane qui sont exploitées par
la société de M""^ la baronne de Varrens,
les travaux se continuent toujours, mais
la difficulté de la descente de la mine des
plus hautes montagnes leur cause beaucoup
de fraix et à peine cette société peut elle
suffire aux engagement qu'elle a avec la
Direction des gabelles puisqu'elle a été
obligée de diminuer la quantité promise
aux gabelles de Savoye pour pouvoir
fournir la plus grande portion à la direction
générale des gabelles de Piedmont à la-
quelle elle addresse à Tur/n depuis quel-
que tems ses plomps. »
DE MADAME DE WARENS 55
Cependant la baronne, après avoir donne
sa procuration à Joseph Thr)rin, dtait par-
tie pour Evian. La preuve en existe dans
la lettre suivante, que lui adressait, de Tho-
non, un de ses amis, françois Daviet,
lequel figure, comme témoin, dans les
deux actes que M"'*' de Warens avait fait
passer, le 21 août précédent.
Madame
J'auray l'honneur de vous voir le plus
tôt possible M*" Fabre me presse de vous
dire quil mat parlé plusieurs fois pour
m'engager a ce voyage, l'empressement
que iay pourra vous marquer ma iuste
reconnoissance nat point diminué ; mais,
Madame, iay eu des contretems qui mont
privés de ce plaisir, Soyés en bien persua-
dée, car ie vous puis assurer que person-
ne nest avec plus de justice ny avec plus
de respect
Madame
Votre très humble et très obeiss* serviteur
Daviet de foncenex
Thonon ce 13 y^re ij^^
56 LES DERNIÈRES ANNÉES
J'ay bien remis vos lettres de Suisse
avec les instructions que iy ay joint ; M"*
votre parent etoit a notre passage a quel-
ques lieues de La tour
Madame
Madame la Baronne de Warens Baron-
ne de Latour et présentement
a Evian
En mentionnant ce document, qu'il avait
sous les yeux, Jacques Replat dit dans sa
Note sur Madajne de Warens, à propos
du post-scriptum : « Ceci nous fait pré-
sumer que, dans sa détresse, elle était
venue en Chablais pour jeter du rivage
un regard suppliant au pays natal, et pour
faire appel au toit de famille qu'elle avait
déserté. » Replat ajoute : Etait « inclus
dans cette missive le billet d'un sieur
Fabre : il prie madame de Warens d'écrire
à Genève à MM.Bérard et associés : à telle
fin que cette maison fournisse de la pelu-
che destinée à pourvoir de veste et de surtout
un sieur Joseph Piston, aux frais de la
dame, bien entendu. » Or, la lettre de
DE MADAME DE WAKEN3 57
David existe encore aux Archives de la
Socit5té riorimonlane, où Eloi Serand Ta
collationnée, exactement, pour le présent
volume ; mais le billet de T'abre a disparu.
Madame de Warens était encore absen-
te lorsque Wintzenricd lui adressa de
Chambcry, le 8 octobre 1754, la lettre ex-
trêmement curieuse, appartenant aux Ar-
chives départementales de la Savoie, dont
voici la teneur inédite pleine de révéla-
tions :
Jay reçut l'honneur de la votre par le s^
Michot quil vous dira notre situations ma
femme malade et moy qui ay la fièvre de-
puis dix jours, vous voyé par la sy ma
situations est tranquille et gracieuse sans
ma rester plus long tems sur ma situations
je vient par celle cy vous donner le dernier
avis que je crois que l'honneur et la pro-
bitté dont j'ay toujours faits profeitions
mon dicter de même qu'un Etre suprême
m'ont inspirer, le récit du s"" Michot m'a
fait entrée dans des idées afreuses de létat
58 LES DERNIÈRES ANNEES
présent ou vous vous trouvé cependant
nétant pas instruit afonds de vos ydées ny
de vos affaires, la façon de vivre que vous
avés prit jusqua présent vous ont otté tous
vos amis, vous voulé entretenir bien des
geans a de gros frais ce que le seig''le plus
opulent ne pouroit pas faire voyé Mad*" a
quoy vous sert défaire courir les monta-
gnes à fabre a 600 I. par année et cy M.
Daviet qui vous a trompé en tout et par-
tout meritte davantage votre confience le
s"" Merkel qui a 600 1. de la Compagnie
outre cela vous lentretené luy et sa famille
comment voulé vous que cela cepuisse
faire cela est impossible avec le revenu
que vous avés et l'état présent de vos
afaire demande un menagem* tout con-
traire vous avés mangé par avence vos
Cartier et je ne voit point quelle peut être
votre idées, le s*" Vidot comme jevousTay
marqué a conjedier les ouvriers du Bour-
get faute d'argent a ce qu'il dit ; M'' le
marquis de Chaumont veut être payé par
moy des 56 1. que Ion lui doit pour les
charbonniers et ne veut sans prendre
DE MADAME I)F. WAREN8 59
qiK\ moy vous sente par la ciu'il faudra
maigre moi que je me retourne contre ma
Comp"'^ et vous êtes du nombre le s"" Da-
vict et Vidot qui ont eut vos clés cela a
mis une mcficncc dans la ville entre vous
et moi qui est touttes à sa place, le s**
Vernier votre procureur ma fait la grâce de
me dire que si vous lui avies donne ou en-
voyé vos papier qui seroit party pour Lyon
cependent a vos frais à fairies, mais qu'a
l'entrée il ne le pouvoit faire ; la dessus je
vous ai donnés avis de larivée des s""'
Mensort et Denervos qui on déjà procédé
a un invantaire en morienne en l'assistence
du s*" Dupuis et le montant des fonds ou
valeur de la Compagnie suivant leur conte
ne monte qua 46 mil livres je crois avoir
trouvé un Espédient qui est le dernier
partir que vous avés aprendre est que vous
me passiez une procure Générale pour
toutte vos afaires tant de fabriques qu'au-
tre et alors je me rendray a Lyon auprès
de M"" Perichon en lui Espliquant pateti-
quem* et sans témoins votre situations et
labandont que vous faites de touttes vos
60 LES DERNIÈRES ANNEES
prétentions en sa faveur fera que vous en
pouriez tirer quelque choses pour vous
remettre dans votre courant et vivre tran-
quiiem^ dans l'endroit quil vous plaira de
choisir ou dans un couvent si mieux l'ai-
mé pour quelque tems et aportée de Cham-
bery sans en Etre Eloigné et cela ramai-
nera tous les cœurs droit en votre faveur,
et laissé pour lavenir touttes sortes d'en-
treprises puis quelle ne sauroit tourné
qua votre desavantage voila mon senti-
ment en honnette homme et que je vous
prie de pardonné la liberté que je prend
de vous les donnés mais par le vouem'
que j'ay et que j'auray toutte ma vie pour
vous qui fait qu'aujourd'huy je vous
ouvre mon cœur en entier cependent
ilfaudroit que jut tout les papiers pour
cela faire et tout seroit finit sans que per-
sonne le sut je vous diray qu'après la
rentrée il veule vous demander au sénat
les 3 mille et quelque livres que vous de-
vés avoir reçu du s'^Majan et qu'il a vendu
a M*" Perrichon, j'oubliay de vous dire
que j'ay donné avis a M' Bérard de même
DE MADAME DE WAREN8 6f
qua VOUS Icn du s"" Vidot de sa conduillc
que de la demande de M' de Chaumont
sans avoir aucune responce puis que mes
contes ne sont pas signés je vous prie de
me les renvoyé par voye sure et comme
mon conseil porte de demander a ma
Compat^nic les 5 1. que le contrat porte
pour un assosiés en route pour les afaires
de sa Compagnie outre les faux frais il
me les payeront puisquil font tcn de ditlî-
culter a me signe mes conte et moya mon
tour je demanderay une vérifications des
leurs quoy que je Tais ay signé Erreur ne
fait pas conte, je vous ay aussy marqué
que Vidot n'avoit pas remplir tous les
mémoires que vous m'avés remis signé de
votre main puis que je n'ay point eut de-
vin ainsy il me reste 15 1. 10 du dernier
argent quand il vous plaira de mccriresoit
au s'" Vidot ou Morel pour me remettre vos
papier de même qu'aux s*" Vernier La
procure vous m'obligerer je vous ay mar-
qué ce que m'avoit dit le s' Vidot ainsy
vous ne m'en parlé point que voulé vous
que je pense ci cen' est que vous ne voulé
02 LES DERNIÈRES ANNÉES
pas que je retire cest argent par Tordre
que l'on a mis sur mes billets ainsy je
vous prie Mad^ prouvé moy le contraire
dans la situations présentes ou le besoins
est très violent chés moy n'ayant point
d'autre resource vous le sçavé et point
d'amploy jatent avec beaucoup d'impa-
tience l'exécutions de vos promesses a mon
Egard pour Etre employé au nom de Dieu
ne mabandonné pas ny ma femme nom
plus, qui prend la liberté de vous présen-
ter ces profonds respect et fait chaque
jours de même que moy des vœux au Ciel
pour votre conservations et prosperitter.
j'ay l'honneur d'Etre avec le plus profonds
respect
Madame
Votre très-humble et très-
obeissant serviteur
De Courtilles
au nom de Dieu Madame ne nous laissé
pas sy long tems sans nous donner de vos
chère nouvelle et de létat de vos afaire
Chambéry ce 8" S^re 1754.
DL MADAAIL Uli WAKLNS 6)
Madame de Warcns conliiiuail de rési-
der à Evian lorsque Wintzcnricd lui écri-
vil, de nouveau, le 7 mars 1755, ^*^ lettre
suivante, qui complète celle du 8 octobre
précédent et initie l'histoire aux embar-
ras, sans nombre, qui assaillaient, alors,
la pauvre baronne :
Madame
Personne au monde ne prend plus de
part à votre indispossitions que ma femme
et moy Dieu vieuUe vous redonner la sen-
te et vous faire surmonté toutte vos pênes
et inquiettude. pour repondre a tous les
articles de Votre Lettre quoy que vous ne
mavez jamais L'honneur de me répondre
au mienne que par détour et non a mes
artilles primo — sy vous m'aviez fait
l'honneur de me repondre en son tens sur
L'articles quy me conserne par M*" Nuert
Le C^ de S' Laurent pour Lors cela au-
roit pu se faire apresent il ny faut plus
pensé qua Noël prochain voila mad*"
L'obligations que je vous ay, il ne fau-
droit plus donc qu'aussy manqué au
64 LES DERNIÈRES ANNÉES
payem^ du mandat de M'De Choiry pour la
S^ Jean pour me mettre dans le plus grand
embarat du monde Dieu vieulle que vous
ne le fassiez pas et quil soyent payé, il y a
7 mois et plus que je vous ay Ecrit pour
L'artille de M' De Chaumont vous n'avez
pas d'aigné jamais rien parlé ny a ces M"
de Genève cest artille me regarde et non
pas M'^Merkel ou fabre car vousL'aurié fait
pourquoy m'empeché de faire mes affaires
en me nonent d'un quelcun qui devoit
passé icy au commencement de février
pour achetter ma portions dittes vous et
s'arranger avec moy. Aujourd'huy vous
me faittes une propossittions dont je ne
puis pensé que ce soit La votre idée de
vouloir motter jusques au seul moyen qui
peut me rester pour pouvoir me tirer d'af-
faire. Vous savez que j'ay besoin D'argent
et non de Chimère car il faut vivre Mes'" de
Genève peuvent avoir mis en fond environt
Liv. 4500
M' Perrin 1000
) 7157
Moi 1000 1. d'un cotté ^
et 657 d'autre Fait 1657
DL MADAME DE WARENS 65
Hors la cinquicnic de 7157 I. scroit
pour mon conlc \.\^i 1. ^ Je scrois en
avance de plus de 200 1. par ainsy je ne
crains point ces messieurs il scn faut de
beaucoup car je vous prie de joindre ce
petit billet a mon conte et de ne le leurs
point faire si<i:né mais de me le renvoyé
tel autrement je seray obligé de protester
contre tous d'allieur il y a bien des frais
ou je n'entreray jamais c'est ce que je puis
vous assuré tel est aussi le projet que je
fait des charbons de tirer dans toutte nos
fausse qui monte comme cy après
a La Sarra 2000
Nova Laisse 1000
La Rochette soit Les
Ilulie 300 .
> Ti/r ^ } 16300
a Montagny en 1 a- '
rentaise 6000
a Harache en Faus-
signy 7000
et quand nous ne retirerions que dix^ sols
le quintal de tous nos charbons les uns
dans les autre nous retirerions au de la de
notre déboursé ainsy Mad^ je ne puis ac-
66 LES DERNIÈRES ANNÉES
cepter Toffrc que vous me faittes sans un
content car il faut que je vive vous le sca-
vé tout comme moj quelle sont mes facul-
ter je nay donc a cause de votre silence a
me repondre aud articles de mes Lettres
perdu pour cette année toutte ressource
du cotté de la Cour ten pour subside
qu'enploy et pour la vente de ma portions
il me faut du Contant Je ne crain nj ne
redoute ces M'"^ de Genève quoyque vous
et eux maye promis les 600 1. de Mer-
kel à son absence je vois a quoy je doit
me tenir qui est a rien aussi je ne me
donneray pas beaucoup de mouvemen
pour la Comp^^ car je ne verray rien que
lors que Ton verra par vois juridique Tem-
ploy de l'argent dans toutte les fausse
pour savoir sy le travail est fait dans
les règles et sy le travail en meritoit
la penne Je vous diray que je n'ay pas put
encore avoir les papier de M'" le procureui
Morel il me dit que vous Luj devez beau-
coup et qu'il veut être pajé vous voyé par
la que je suis dans Tembaras outre cela la
procédure qua intenté contre moy le
i)i: aiadaml: de vvarens 67
S' l'cla de MoiUa^nolc pour les billons
de sapin est dehors et en inlancc J'ay eut
dcja trois ajournement personnel ehé le
ju^e L'on est après Sandre auosy et ne
scay pas trop comme tout cecy ira,
M' Mcnsord de La ferrendierre pour qui
vous avez paye 500 1. à M*" De Carpincl a
été icy il est a Grenoble sy vous souhaité
m'envoye son billet avec la lettre et le
mettre a mon (Mxlre je me charge devant
qu'il soit peut que vous en serez payée voyé
sy vous souhaité me L'envoyé. Nous ve-
nons d'aprendre a présent la mort de M. le
Conte de Bellegarde a Paris du 26 dernier
et celle du Chevalier Didier Dindatrie a
Argentine le 4 courant ayant fait les pau-
vres de la Charité de Chambery ses héri-
tiers il doit 20 Livres à ]\L Dunoiret qui
est fort en pêne Dieu vieulle que vous
finissiez avec M*" Perrichon et ne craignié
jamais que je dise votre situations bien
loin de la car j'ay prouvé a Charbonnel et
a tous le monde que vous viendrié icy
dans le courant de may et que vous feriez
honneur a toutte chose M'" Thorin cest
68 LES DERNIÈRES ANNEES
tout ce que vous faittes a Evian car cest
luy qui madit que vous aviez asencé la
maison de M. Lejeune et son jardin Je
vous prie de me dire votre sentiment j'au-
roit envie décrire à M. Perrichon pour le
prie de me protéger et de me faire avoir
un employ en france de même qu'a
M. Rousseau car il faut absolument pensé
a faire quelque choses ou aller mendier
nôtre pain ma femme et moy sy vous
scaviez ma triste situations vous auriez
pitier de moy, ma femme prend la liberté
de vous offrir ces profond respect et se
recommende a vos bontés pour que vous
ne nous abandonnié pas. J'ay l'honneur
d'Etre avec respect Madame
Votre très humble et très obéissant
serviteur
De Courtilles
Chambéry ce 7® mars 1755
Ce document, conservé aux Archives de
la Société florimontane d'Annecy, est,
avec le précédent, d'une importance capi-
tale. Communiqué à Replat, en 1855, par
1)1 MAOAMK Di: WARENS 69
Jules Vcrnaz, procureur du roi à Cham-
béry, son existence n'était connue, jusqu'à
présent, que par une analyse succincte et
la citation de huit lignes de la A^^)/c' sur
tMjJjnic de \]\irc}is.
Cependant Madame de Warens con-
tinuait de s'endetter, sans trêve ni cesse.
Sur sa demande, M. de Lambert, baron
d'Angeville, avait, en 1754 et en 1755,
fourni, durant onze mois, la pension à un
sieur François Fabre, maître fondeur en
fer coulé.
Ce dernier avait donné, à ce sujet, le
21 mars 1755, au château d'AUonzier,
une déclaration écrite à Aimé-Louis de
Lambert d'Angeville, publiée par Jules
Vuy dans son excellent opuscule intitulé :
Lettres inédites de Madame de Warens,
Voici le texte de ce billet, dont les parties
déchirées de l'original sont entre paren-
thèses :
« Je soubsigné françois fabre, maître
« fondeur du fer coulé, certifie avoir de-
70 LES DERNIERES ANNEES
« meure en pantion, Tespasce de onse
(( moy, ches monsieur noble de Lambert
« baron Dangeville par ordre de madame
(( la baronne de Warens de La tour. An
« foy de quoy, jayfaitet signie Le présant
(( certifica pour que La dit (te dame b)
(( aronne de Warens peye ma pa (ntion
« comme el) le a Convenu par ces letres à
(( (Monsieur noble) de Lambert baron dan-
(( geville. fait a (u château d'Allonz) ier.
« Ce 21 mars 1755. françois (fab) re. ))
Néanmoins, les transactions allaient
toujours leur train, dans l'entourage de
Mme de Warens. En effet, Victor de Saint-
Genis a publié, au Y volume de son His-
toire de Savoie, document N° LXXXIII, la
pièce intéressante dont voici la teneur :
Je soussigné au nom du sieur Rodolphe
Wintzenried de Courtilles mon gendre et
de Madame la Baronne de Warens de qui
j'ai un pouvoir verbal assence et admodie
à Jean Claude Charles de la parroisse de
S*-Martin de Belleville ici présent, le droit
DE MADAMK DE WARENS 7I
d'cxcavcr lui seul dans tout le territoire
du dit s^ Martin de Helleville et des Al-
lucs, tout [filon de charbon de pierres à
l'exclusion de tous autres de la même
manière que le privilège leur en a été ac-
cordé par patentes de S. M., à la charge
qu'il payera tous les dommages qu'il cau-
sera par la dite excavation ; et c'est pour
le temps et espace de trois ans, des ce
jourd'hui commençant et par tel jour de-
voir finir sous la censé pour chaque année
de dix livres monnaie de Savoye toutes les
années payable a pareil jour que ce jour-
d'hui, a commencer d'ici en un an, sous
la condition respectivement acceptée que
venant a manquer régulièrement le paye-
ment de la dite censé, au moins huit jours
après, le présent sera censé révolu, si
ainsi le juge le dit S'" de Courtilles, ce que
l'un et l'autre avons respectivement pro-
mis observer a peine de tous dépens, dom-
mages et intérêts et à l'obligation le dit
Charles de ses biens présents et futurs, et
moi Bergonsy de ceux pour qui j'agis sous
la clause de constitut en foi de quoi avons.
72 LES DERNIERES ANNEES
signés, à Moûtiers ce vintg six avril mil
sept cent cinquante cinq.
signé : Bergonsy
Ancenay J^^s Granier.
Pour copie conforme à l'original qui est
sur papier timbré duquel le sieur Jay
hippolyte dit Bolay de Villarrencel est
possesseur.
Modeste Puget.
à Villarenger le i6 7bre 1861.
La baronne entretenait, pendant ce
temps, ses relations àThonon. Les Archi-
ves départementales de la Savoie possè-
dent, en effet, à la date du 3 mai 1755, ^^^
lettre adressée à Mme de Warens, à
Evian, par un M. de Loes, qui lui explique
les motifs qui l'ont empêché d'aller lui
rendre ses devoirs plus tôt :
A Madame
Madame la baronne de Wicarens
A Evian.
Madame
J'ettois bien à la bonne foy d'exécuter ma
DE MADAME DE WAUENS 7}
painlc «.[Liand je promis qucj'aurois l'Iioii-
ncur de vous aller voir peu de temps
après cellui que j'avois eu de vr)us aller
rendre mes obéissances à l£vian, mais la
multitude d'affaire que j'ay ne me laisse
pas le maître de faire tout ce que je devrois
et que je voudrois.
Ma femme at été fort incommodée sur
la fin de sa grossesse ce qui a à ce que je
crois contribué à acoucher plutôt que Ion
avoit conté d'un garçon qui par là ne
paroit pas d'une bonne santé. La mère
en at été fort malade et à présent le laict
lui fait une cruelle guerre. Toutes ces
circonstances me tiennent dans la gène et
pour ainsi dire dans l'esclavage.
Si cependant j'avois cru de pouvoir
trouver un cheval, je serois parti aujour-
dhui, pour vous aller rendre mes devoirs
et répondre de vive voix à toutes vos bon-
tés et confiance que vous me témoignés.
Je suis obligé par disette de fourrage de
tenir les miens dans ma campagne qui est
à 2 lieux d'icy. Demain il viendra quel-
qu'un de mes gens à qui je donneray or-
74 LES DERNIERES ANNEES
dre de Tamener et si Dieu me conserve et
qu'autre mal n'arrive à ma femme j'auray
l'honneur de vous aller trouver ces pre-
mier jour sans faute.
En attendant permettes que j'aye l'hon-
neur de me dire avec un profond respect,
Madame,
Votre très humble
et très-obeissant serviteur.
De Loes
Thonon 3 may 1755.
Le mari de M""^ de Warens était mort
quelques mois auparavant, à 66 ans, le 31
octobre 1754, et sa veuve pensait certaine-
ment, vers cette époque, à s'installer dé-
finitivement sur les bords du lac Léman,
car, le 19 juin 1755, la baronne achetait,
à Evian, une maison, dont elle devra ré-
silier l'acquisition en 1757, faute de pou-
voir en payer le prix. Elle intrigue, en
même temps, pour ses affaires de mines,
témoin le document suivant, conservé aux
Archives départementales de la Haute-Sa-
DE MADAME DE WAREN8 75
voie, au Rcfj^istrc copie des lettres de l'In-
tendance du Faucigny, années 1753 *^
1756; cette pièce a déjà été publiée par
Théophile Dufour, dans sa remarquable
étude : Jean- Jacques Rousseau et Madame
de Warens ; notes sur leur séjour à Annecy
d'après des pièces inédites.
Du 2'^ Aoust 1755
A Madame la Baronne de Warens
de La Tour
Ilestvray, Madame, que j'ay, et aurois
toujours pour vous un respect infini, sur
ce principe vous devcs être plus que per-
suadée. Madame, que je n'échaperay pas
une occasion à vous en convaincre, et de
rendre à M" vos associés que j'estime
beaucoup tous les services qui dépendront
de moy, je n'ignore point non plus les
avantages que nous procurera la Minière
abondante de bons charbons que vous
faites exploiter à Arache, et je pense que
M*"^ nos Ministres en sont informés ; mais
souffres. Madame, que je vous représente
que sans un ordre de mes supérieurs. Je
70 LES DERNIÈRES ANNÉES
ne peus donner le sentiment que vous me
demandés à cet égard, et qu'aux dits cas je
ne manqueray pas de leurs faire envisager
autant qu'il me sera possible et que l'in-
térêt du Roy et du public l'éxi geront touttes
les raisons que vous me faites l'honneur
de me suggérer dans votre dite lettre vous
prévenant néantmoins, Madame, que sans
un ordre de la Cour, je ne scaurois per-
mettre le transport des dits charbons par
des radeaux sur la rivière d'Arve.
J'ai l'honneur d'être avec un très pro-
fond respect, M™% etc.
Vers la fin du même mois, Mme de
Warens dut revenir à Chambéry ; en effet,
le 22 août, la baronne passait une procura-
tion par laquelle, étant obligée de s'ab-
senter pour des affaires particulières et
importantes, elle donnait pouvoir au sieur
Claude Vidal, de Chambéry, de toucher, à
partir de l'année 1756, les quartiers de la
pension que le roi de Sardaigne lui al-
louait,— avec la stipulation de lui en réser-
ver la moitié pour son entretien et d'appli-
i)i: MADAMi: i)i: warf.ns 77
quci" l'aiilrc à payer divers créanciers,
qu'elle avait dans ce pays.
L'acte est passc^, non à la fabrique du
Reclus, mais dans la maison du sieur
Antoine Thonin, au faubourg de Montmé-
lian, à ('hambery. L'un des témoins,
Pierre Alichal, y est qualifie secrétaire de
ladite da)uc. \^)ici la teneur de ce docu-
ment, qui figure au Y volume de 1755,
folio 197, des registres du Tabellion de
Chambéry :
PROCURATION SPÉCIALE
passée far la dame baronne de Warcns
au sieur Claude Vidal.
L'an mille sept cent cinquante cinq et le
vingt deux du mois d'aoust à Chambéry à
quattre heures après midydans la maison
d'habitation du sieur Antoine Thonin sit-
tuée au faubourg de Montmélian pardevant
moy nottaire roial soussigné, présents les
témoins cy après nommés, s'est en per-
sonne établie et constituée, dame Fran-
çoise Eléonore fille de feu noble Jean
Baptiste de La Tour baronne de Warens,
78 LES DERNIÈRES ANNEES
natifve de Vevay canton de Berne en
Suisse actuellement en cette ville ; laquelle
étant obligé de s'absenter pour des affaires
particulières et importantes, de gré a
constitué pour son procureur spécial sieur
Claude fils de sieur Philibert Vidal, natif
bourgeois et habitant en cette ville, icy
présent et ladite charge acceptant, et c'est
pour et à son nom exiger et recevoir de la
roiale thrésorerie de cette ville, les pen-
sions faittes par Sa Majesté à la dame
constituante, à devoir commencer au quar-
tier de Pâques, de Tannée prochaine mille
sept cent cinquante six ; et ainsy à devoir
continuer jusqu'à plein paiement des
créanciers de la'dame constituante comme
sera expliqué cy après ; et des sommes que
ledit sieur Vidal exigera, occasion des dites
pensions, il en tiendra compte de la moitié
à la dame constituante pour son aliment
et entretient, et du surplus elle le charge
d'en paier divers créanciers qu'elle a en ce
païs, suivant l'état et mémoire qu'elle luy
en a présentement remis, luy donnant
pouvoir de traitter avec eux, et tirer quit-
lances des sommes qu'il paiera à son
acquillcmcnt pour du loul en rendre bon
cl iklcl compte à la dame constituante, en
un mot de traitter avec lesdits créanciers
comme si elle a{4:issoit en personne, bien
entendu que si ledit sieur Vidal ctoit obli-
gé de faire quelques fraix à ce sujet, il
commencera à se les retenir sur les som-
mes qu'il exigera desdites pensions ; ap-
provant déjà par avance ladite dame
constituante tout ce qui sera par luy fait,
élisant à ces fins domicile en sa personne
luy donnant pouvoir au besoin de consti-
tuer et substituer, aussy sous élection de
domicile, promettant de relever le dit sieur
Vidal son procureur de tout ce qu'il pour-
roit souffrir occasion de la présente procu-
ration, avec peines de tous dépens doma-
ges intérest sous l'obligation de tous ses
biens présents et avenirs, qu'elle se cons-
titue tenir, obligeant de même ledit sieur
Vidal tous ses biens présents et avenirs,
avec la clause de constitut, pour la redi-
tion du compte de ses exactions, lequel il
devra poser comm'est cy devant expliqué
80 LES DERNIÈRES ANNEES
touttes les fois que ladite dame consti-
tuante le requerra. Laquelle pour faciliter
ladite exaction a présentement remis audit
sieur Vidal quattre blanc sains pour les
quattre premiers quartiers. Fait et pro-
noncé en présence du sieur Pierre Michal
secrétaire de ladite dame et d'honorable
Jean Baptiste Roux maître jardinier habi-
tant en cette ville témoins requis. Les
parties et témoins, sauf ledit Jean Bap-
tiste Roux qui est illitéré de ce requis, ont
signé à la minutte de moy notaire recevant
requis sur laqu'elle le présent qui contient
une page trois quarts d'autre, la présente
expédition levée pour Toffice du tabellion.
Signé Pétroz notaire
Cet acte est passé dans la maison du
sieur Antoine Thonin, au faubourg de
Montmélian, à Chambéry. J'ai retrouvé au
Cadastre Général de Savoie, déposé aux
Archives départementales de la Savoie,
série C, n° 2466, — Commune de Cham-
béry, Tabelle générale (cadastre récapitu-
latif), — la cote cadastrale de Thonin, Be-
noît. La voici :
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82 LES DERNIÈRES ANNEES
D'après les Registres originaux du Ca-
dastre de Chambéry hors ville, Savoye I,
598, allant de 1729 à 1738, lesquels ser-
vent de légende à la Mappe originale n" 29
du plan cadastral de la ville et sont con-
servés aux Archives départementales de la
Savoie, sous la rubrique : Cadastre géné-
ral de Savoie, série C, n''' 2457, 2459 et
2466, Commune de Chambéry ; d'après
le plan, d'autre part, fourni parlesMappes
n""^ 29 et 186, contenant la partie du terri-
toire du faubourgde Montmélian, comprise
entre les anciens remparts de la ville et
l'église des Carmélites, il n'y avait pas
d'autre Thonin propriétaire auditfaubourg,
et la cote cadastrale de Benoît donne exac-
tement le pâté de maison où M""^ de
Warens vint loger, à son retour d'Evian,
en août 1 7 5 5 . De ces maisons, celle qui avait
le n° 573, laquelle était la plus exiguë,
donnait seule sw lejaiiboiirg de Mo7itmélian.
La maison 572 était située dans la cour,
ainsi que la maison 575 et la masure 603,
cette dernière appartenant à un bourgeois
de Chambéry, Jean-Louis Ludry. Toutes
COMMUNE DE CHAMBÉRYclaMlle)
Exlra^ de la niapp.c oreyirui/e{^em cadastral) en c/atc du /i. Mai /^?^
(/c/zoiTe auœ Arc/wves ûéfiarienieri taies .
D ressé juir jwus soussi^n
Géomèére Foivsiie
cÂarae cù^ /a, Jélà'irinjce (£es ejré/nià <Av jna/Yi^/t^''cuTèlè UcMterrv/i
du. .^6' jFéivùer JSSS
CÀam6êru l&^âJuùv
rassaijes communs: 315 1 316 V2+320»321'/t + 3^ + 568*681
Jardins : 3fU3't-6+39'f+56U57O+.597t598t60u60i*6O^
Maisons :3O2*-î03t30'f+3O6t3O7* 303 t310+3ll*312+3l3*.31'(-»316*3l7*ÎI8
M3tî2l»322f32'f+3ï5+327t328i-323,J30.35K33î+3334.335-î37»338, 353-, 31-0
3'f-'t+3W+3'f9*-360+351t353+35t-+355t356,i9U393t55St557t558+559t56Ot563
5G'n-56§t566.557+571*572t573i-57'ft375,576t577»578t579t580t582t58V58V
585t586».587^-588<-590*551t532t593»595t53ô*599t539y2+6o3n,a.ur,-691.692,S3W>»
Place 30S>Tla<:tigeJ23*rUciije33f»Cour392,5â2+59*-*TlacMge 600
Passai)es el Cour 308+326*336.3*5 Couret litux comrauny352f569pasu^.tlpUM;,e
589
Moulin 3 va + Four 3W
Les dernières années de Madame de WARENS,voirpa9es8?à8/
<:^<-J«L_^
^^T'-^^^
^^^T'^^^:^^,
Hr'îv^'
Di: MADAMi: bi: W/MŒNS 83
trois masquaiciU le jardin 604, horde à
«j^auchc par les jardins 601 cl 6nj, à droite
pM les jardins 570 et 569, ce dernier livrant
passai^e eu plaine, aux confins de l'Albanc.
De nos jours, la maison 573 forme cncr>re
Taile gauche de Timmcuble portant le n" 1 6
de la rue d'Italie.
Dans un acte d'adjudication du 1 1 août
1734, Piquière notaire, Thonin est quali-
fié : auberg-iste à l'enseigne de St-Jean-
Baptiste, au faubourg Montmclian. Ne
serions-nous pas, enjin, sur la trace du
jardin du faubourg, dont il est question
dans les Confessions. Rousseau dit, en
effet. Partie I, au Livre V, qui comprend
la période de 1732 à ijyô : « Nous occu-
pions un cachot si étouffé, qu'on avoit
besoin quelquefois d'aller prendre l'air sur
la terre. Anet engagea maman à louer,
dans un faubourg, un jardin pour y mettre
des plantes. A ce jardin étoit jointe une
guinguette assez jolie qu'on meubla sui-
vant l'ordonnance : on y mit un lit. Nous
allions souvent y dîner, et j'y couchois
quelquefois. Insensiblement je m'engouai
84 I^ES DERNIÈRES ANNEES
de cette petite retraite ; j'y mis quelques
livres, beaucoup d'estampes ; je passois
une partie de mon temps à l'orner et à y
préparer à maman quelque surprise agréa-
ble lorsqu'elle s'y venoit promener. » Et
plus loin : « Tandis qu'ainsi partagé entre
le travail, le plaisir et l'instruction, je
vivois dans le plus doux repos, l'Europe
n'était pas si tranquille que moi. La France
et l'empereur venoient de s'entre-déclarer
la guerre (octobre ijyj) ; le roi de Sar-
daigne étoit entré dans la querelle, et
l'armée françoise filoit en Piémont pour
entrer dans le Milanois. Il en passa une
colonne par Chambéry, et entre autres le
régiment de Champagne, dont étoit colonel
M. le duc de La Trimouille, auquel je fus
présenté, qui me promit beaucoup de cho-
ses, et qui sûrement n'a jamais repensé à
moi. Notre petit jardin étoit précisément au
haut du faubourg par lequel entroient les
troupes, de sorte que je me rassasiois du
plaisir d'aller les voir passer, et je me
passionnois pour le succès de cette guerre
comme s'il m'eût beaucoup intéressé. »
l)i: MAhA.Mi: DE WAKLNS 85
Or, au siècle passe, on appelait le /au-
houro, à Chambéry, le faubourg de Mont-
mdlian d'alors. Les troupes, qui se ren-
daient en Italie, y passaient forcément, et
non par le faubourg de Mâche, comme
Ta dit, par erreur, un professeur du plus
grand avenir, M. Plassard, dans un excel-
lent discours : La Savoie, terre française.
Le haut du faubourg, à considérer le cin-
tre des allées anciennes qui subsistent en-
core, paraît avoir été la partie attenante à
la porte de Montmélian. De plus, la mappe
originale, donnant le plan cadastral de ce
quartier, en date du 14 Mai 1729, — con-
servée encore de nos jours aux Archives
départementales de la Savoie, — offre au
lecteur une particularité bien curieuse. La
partie du faubourg, formant le côté nord
de la rue, n'avait aucun jardin, hormis les
n^^ 341 et 346, qui bordaient le versant
absolument opposé du faubourg, au nord.
Par contre, la partie, formant le côté sud
de la rue, comprenait les jardins 394, 561,
570^ 597î 59S, 601, 602, 604, et, au centre
de ces jardins, se trouvait Timmeuble 603,
86 ij:s dernières années
qualifie de masure dans les Registres ori-
ginaux du Cadastre de la Ville de Cham-
béry : 1729-1738. Cette masure donnait
dans la cour de la maison 575, qui appar-
tenait aussi aux Thonin. Or, sans aucune
preuve absolue, mais assurément avec
toute la certitude que peuvent donner les
déductions de la critique la plus prudente,
c'est dans cette agglomération de jardins
qu'il faut chercher le petit jardin et la
guinguette oie Rousseau et Sl/""^ de Warens
vécurent leur roman d'amour. Ce fut au
faubourg de Montmélian, et nullement aux
Charmettes, que Rousseau fut heureux.
La proximité de l'auberge A Saint-Jea7i-
Baptiste explique la possibilité de l'iso-
lement imposé à Rousseau qui, pour ses
repas, n'eut pas besoin, pendant la fameuse
huitaine de préparation, de rentrer au
logis de ville de la dame. Le va-et-vient
d'une auberge et de ses alentours devait,
du reste, donner pleine sécurité aux deux
amants, dont les entrevues, ainsi, pouvaient
passer inaperçues, ou, tout le moins, res-
ter à l'abri des commentaires immédiats.
1)1. MAI •AMI. I)K WARKNS 87
De nos jours, rcnscmblc du tiuarticr, à
peu de chan*;cmcnts prcs, est resté comme
il fui dciaillc sui* la Mappe orip:inale, série
C, iV 2. 157, laquelle a été admirablement
traduite, surtout comme physionomie au
xviii*^ siècle, dans la vue de Chambéryqui
nous a été conservée au Theatrum Sabaiidiœ
de l'ingénieur Bciçronio^ dont l'édition
française fui publiée en 1725, c'est-à-dire
peu avant que Rousseau ne vécut son
idylle dans les bras de M"™* de Warens.
Mais revenons à l'année 1755.
Des les premiers jours de septembre,
M'"'' de Warens était à Genève, témoin la
minute d'une lettre, avec deux suppléments
séparés, portant tous deux, comme la
lettre, la date du 4 septembre. Dans cette
missive, qui fait partie des titres déposés
aux Archives départementales de la Sa-
voie, la baronne s'adresse à un personnage
influent, dont le nom n'est pas indiqué,
mais qui paraît habiter Chambén,-. Elle
expose au destinataire, qu'elle appelle son
88 LES DERNIÈRES ANNEES
cher et bon ami, le mauvais état de ses
affaires, et, se plaignant de la lenteur des
administrations centrales, auxquelles elle
avait dû recourir, ainsi que du découra-
gement de ses associés, elle prie son
correspondant de solliciter, en sa faveur^
la bienveillance du roi de Sardaigne et la
continuation des privilèges, qui lui avaient
été antérieurement concédés. La baronne
déclare qu'elle est totalement ruinée,
parce que ses coûteuses entreprises, qui
promettent de grands profits, n'en ont pas
encore donné.
A geneve ce 4^ ybre 1755
Monsieur
Je vous Rend Monsieur mes justes, et
sinseire actions de grâces des soins que
vous prenez de mes intérêts. Les office
généreux que vous mavez Rendu Lhiver
dernier, pour faire présenter mon placets
a sa Majesté aux sujets de notre demande
de la rivière d'Arve, pour faire transporter
jusques à Genève nos charbons d'Arache
l)i: MADAME DE WARENS 89
auroll eu le plus heureux cfet cy, sans
interruptions j'uvoit étées cegondécs de
vos soins génc3rcux et d'amy sinscirc tel
que vous Tettes, mes l'espérence que M*"
Porta avoit donez à Messieurs mes associe
de sufirc à tout et d'optenir par le crédit
qu'il at ché xM Poncet secrétaire de son
Excellence de Saint Laurent tout ce qu'il
pouvoit être nesscsaire à Totroit de nos
demande j'ay été forcée malgrés moy à
rester dcn Tinactions et à lesset en suspent
depuis plusieur moy la suittc de mes opé-
rations quy comme vous le savez m'ont
coûtés tant de peines à établir. Enfin mes
associé lassé par les continuels renvois de
Monsieur Porta, Leurs ayent communi-
quer rhoneur de votre dernière en datte
du II août 1755 il ont étés sensiblement
touché de voir les peine que vous avez
déjà pris à notre aucasions et il joigne
leurs prières aux mienes par la plume
de M"" AUexendre Bérard, pour vous
demender vos bons office sens perte d'un
instant. Votre esprit et votre dili-
gence et bonne conduitte dens les affaire
90 LES DERNIÈRES ANNEES
nous est conues Ayes donc la bontés de
vous déterminer à partir pour Turin pour
informer en notre faveurM^^ de La Cham-
bre des Comtes voir ce qu'il y at encore à
faire dans Tétat présent, savoir ce que
notre placets et devenus dont je joint copie
dans la letres de M'" le président Bens
avec le verbal du chatelin et sindique du
lieux d'Arache. Comme le tout et à cachet
volent vous êtes prié dens fère lecture et
copie s'il est nessésaire pour pouvoir con-
férer avec les diférens seigneurs de cette
Chambre et autres protecteurs et trouver
le moiens de nous les rendre favorable
Enfin c'est le moment de faire usage du
canal des grâce pour une plus pronte
expédition afins que nous ne passions
pas, après gens que vous conoissés à
Chambéry et à Genève quy ce sont lié
ensemble pour demender à la Cour l'ex-
ploitation des boiz de Foussigny et de les
pouvoir conduire à Genève par la rivière
d'Arve. La chose est la veillie de leur être
accordée Tout ce que nous deziront c'est
d'être les premiers décrétés en conséquance
i)i: MAi>AMi: hi: wakens 91
des pciiu's et retards que nous soufronds
depuis lonj^lens et de riinporlcncc de nos
lra\eau\. Je laisse le soins à M*" Allexan-
dre de s'expliquer plus cmplcmcnl cl sur
kl reconoissance que nous devront à vos
soins et à vos bontés pour nous et sur ce
que vous poure/. juger convenir aux canal
des grâces ou autre gens hutile a nos
intérêts dens cette affaire que je vous
prie aux nom de Dieu de ne plus perdre
de vue. \'ous savez, Monsieur et cher et
bon amy à quel point je vous suis atachée,
et content avec les sentiment que vous
me conoissé, sur le même retour de votre
part je vous prie d'être aucy persuadé de
la seinsérité de la reconoissance que je
conserveray toute ma vie pour vous ; que
des sentiment distingués et la très parfaitte
considération avec laquelle j'ay Thoneur
d'être
Genève ce 4 ybre 1755
Cy vous aies à Turin comme j'ose m'en
flater à la prière de M' Bérard conoissant
votre bon cœur pour moy souvenez vous
LES DERNIERES ANNEES
que c'est le moment de parler aux Roy
pour me conserver les droits quy conserne
le travails du fert en Savoye, c'est votre
profit tout comme le miens de prendre
nos sûretés et faire considérer que le fert
étant purement matière mercantiles et
comersable que pour vue que je soit assu-
rée de la protection du Roy dens mes
traveaux que j'espeire faire entrer sinq cent
mille livres en Savoye de l'argent de l'é-
tranger pour le soutient de nos traveaux
sur le fert.
Il faud demender que le privillège de
ma fabrique en moulage me soit continué
personelement puisque mes assosié on
détruit mes ouvrage auxlieu de les soute-
nir, et que les mine de fert que j'ay décou-
vert en diférends endroit de Savoye soit
de préférence à moy qui les ay découvertes ;
ce qui est juste
Je vous préviens sur tout cela à pressent,
mon cher et bon amy parceque je ne puis
éviter de dire dens mon avis au public
que tous mes traveaux son sou la protec-
tion du Roy et qu'il a eu la bonté de me
i)i: maI)AME 1)K warens 93
confirmer pcrsoncllcnicnl mon privillcgc
de poterie cl l^utc sorte de moulage en
fert coulcfs et que le Roy vairat avec plaisir
que dens nos grands fourneaux et forge
il cy fassoncra des fert de tous calibres,
ce quy n'avoit pas éiés pratique jusques à
présent en Savoye malgrés la bontés natu-
relles de ces fert et cela par le manque
d'uzage et de conoissancc des ouvriers du
païs, auxquels nous donerons les lumières
nessésaire pour aquérir en peu de temps
la bonne main d'hcuvrc des païs étranger,
et que par Tapliquation qu'on y apor-
teras on et assurez d'êtres soutenus dans
tous les traveaux que nous établirons, de
la protections de S. M., ce qui seras un
grand encouragement pour tous ceux quy
prendront un intérest dans mes billiets.
Genève ce 4 ybre 1755
Vous aurez encore la bonté de vous
resouvenir, Mon cher Monsieur qu'il faud
faire observer à xM'" le Président Bens et à
ces Messieurs de la Chambre des comtes
que j'ay étably des traveaux dans chaque
94 LES DERNIERES ANNEES
province, sur les charbons de pierre ou de
terre, dont j'orois envoyer des verbeaux
par les chatelin et syndic des lieux ; mes
me trouvent totalement ruinées par la
dépences et longueurs de tens de mes
traveaux dont nous n'avont pas encore put
tirer un denier par les traverses qu'on
nous at sucité mal à propos, je me suis
bornée par nessésités de n'envoyer pour
le présent de n'envoyer que le verbal con-
sernant Arache dont il est questions de la
demende portée dens mon placet, sur
laquelle demende du placest vous ette prié
de faire observer à ces Messieurs de la
Chambre des conte les avantage qu'il en
résulte pour la province sans craindre
auxcun événement douteux à cest égard
car le peu de boiz dont nous nous servi-
ront pour faire nos radeaux pourisse sur
plante par leur situations sens pouvoir
jamés devenir daucune hutilité à laditte
province, aux lieux que l'argend content
que nous y feront entrer par la vante de
nos charbons assure un revenus solide et
ennuels à la Savoye. ï>
DL ."MADA.ML DL WAKLNa 95
Quelque temps après, WiiU/enried passe
un acte par lequel il \'cnd,aux sieurs Si-
mon el Pierre Hérard de Genève, le droit
qui lui appartenait en vertu des privilèges
obtenus, conjointement avec M""" de Wa-
rens, le 30 octobre 1752. L'acte est passé
à Chambdry, djns Ihotcl de la dame
baronne de Zhurcns, c'est-à-dire, proba-
blement, dans la maison de Thonin,
l'aubergiste A Saint-Jcan-Daptistc. Le
document figure, en ces termes, au pre-
mier volume de 1756, folio 99, des regis-
tres du Tabellion de Chambéry :
VENTE
pour le sieur Sùnond ^érara
passée par le sieur ^audaulphe de Courtille
de L. 1,000
L'an mille sept cent cinquante cinq et
le onze du mois de décembre à Chambéry
avant midy dans l'hotel de la dame ba-
ronne de Vuarens pardcvant mo}' notaire
royal soussigné et présents les témoins
enfin nommés s'est personnellement éta-
bly et constitué le sieur Jean Raudaulphe
QÔ LES DERNIÈRES ANNEES
à feu Samuel de Courtilles natif du pays
de Vaux habittant de la présente ville
lequel de gré pour luy et les siens vend
purement et simplement de la meilleure
manière que faire se peut de droit au sieur
Simond fils de sieur Pierre Bérard natif
et habittant de la ville de Genève agissant
au nom du sieur Pierre Bérard et fils Icy
présent et acceptant scavoir tout le droit
appartenant au sieur vendeur en vertu des
privilèges par luy obtenus conjointement
avec dame Françoise Louise Eléonore de
Vuarens de latour pour la recherche et
excavation des minières de charbon de
pierre et de terre soit houllie rière toutes
les provinces de Savoye lesdits privilèges
accordés par Sa Majesté le Roy de Sar-
daigne, sous la date du trente octobre
mille sept cent cinquante deux ceddant
ledit vendeur tout le droit qu'il a et peut
avoir dans la Compagnie contractée oca-
sion et en exécution desdits privilèges en
quoi que le tout consiste tant en argent
debourcé par le sieur vendeur pour le
fond de ladite société qu'en marchandises
DE MADAME DE WARENS 97
qui peuvent être en (nnd le Iniit ncaiil-
moins relativement au\ eomptes de ladite
sociét(5 qui ont 6t6s prcfsentc5s par le sieur
vendeur et sipfnés par ledit sieur Bérard
de manière que le sieur vendeur vend
généralement tous droits et fonds à luy
appartenants dans ladite compagnie sans
s'y rien rcscr\er ny retenir avec promesse
de remettre au sieur Hcrard les originaux
des privillèges accordés par Sa Majesté
qui ont étés cy dessus désignés dans le
terme du paiement du prix de la présente
qui serat cy après fixé, de même que tous
les contrats titres et littérés dont il est
saisi concernant ladite compagnie laquelle
vente est faitte pour et moienant le prix et
somme de mille livres que ledit sieur
Bérard promet paier au sieur vendeur
dans quattre mois dez cette datte pendant
les quels ledit sieur Bérard pourrat traiter
et disposer des susdits droits ainsy et
comm'il verrat à faire avec conventions
néantmoins qu'il sera facultatif audit sieur
Bérard de prévaloir ou nom de la présente
^ente à la fin du susdit terme de façon
98 LES DERNIÈRES ANNEES
que voulant s'en prévaloir il sera tenu de
paier la susdite somme et ne la payant
pas la vente cy dessus resterat sans effet
et le présent comme non advenu ledit
sieur Courtilles rentrant audit cas sans
autre qu'en vertu du présent et sans figure
de procès dans touts les droits par luy cy
dessus vendu Et tout ce que dessus les
parties ont promis observer chacune en ce
qui la concerne aux peines respectives de
tous dépends dômages et intérests et à
l'obligation et constitution de tous leurs
biens présents et avenirs. Fait et pro-
noncé audit lieu en présence de spectable
Gaspard Bonety et du sieur Claude Vi-
dal tous deux habittants de cette ville
témoins requis qui ont signés au bas de
ma minutte avec lesdites parties et moy
notaire soussigné ay reçu écrit et pro-
noncé la présente contenant sur ladite mi-
nutte deux pages et demy, j'ai icelle expé-
dié pour l'office du tabellion après due
collation faitte quoique par autre soit
écrit.
Signé Daviet, notaire. »
DK M AI) ami: I)i: warmns 99
Par cet acte, Wintzcnricd cédait aux
Bcrard tous les droits qu'il pouvait avoir
dans la compagnie formée le i" août
1752. Or, le même jour, Simon Bérard
passait à M"''' de Warcns, de retour à
Chambéry, une procuration en règle pour
vendre la part de droits, dans la Compa-
gnie des houillères du duché de Savoie,
que ledit Bérard venait d'acquérir de
Wintzcnried. L'acte est passé, comme le
précédent, C3^a;ïs l hôtel de la dame baromiede
Vuarcns ; voici sa teneur, extraite des
registres du Tabellion de Chambéry, i'^'"
volume de 1756, folio 99.
PROCURATION
four dame Françoise-Eléonore de La Tour
baronne de VuarenSy à elle passé par
le sieur Simond Gérard — L. 1,000.
L'an mille sept cent cinquante cinq et
le onze du mois de décembre à Chambéry
après midy dans l'hôtel de la dame baron-
ne de ^''uarens pardevant moy notaire
roial soussigné et présents les témoins en
fin nommés s'est personnellement établi
100 LES DERNIÈRES ANNEES
et constitué le sieur Simone! fils de sieur
Pierre Bérard natif citoyen et habittant de
la ville de Genève agissant au nom des
sieurs Pierre Bérard et fils lequel de gré
pour luy ses associés et les leurs a fait et
constitué pour procuratrice spéciale et gé-
nérale Tune des qualités ne dérogeant à
l'autre n'y au contraire sçavoir dame
Françoise Eléonore fille de feu noble Jean
Baptiste de Latour native deVevey canton
de Berne en Suisse Et c'est pour et au
nom dudit sieur constituant vendre allié-
ner céder et négotier ainsy et comme bon
luy semblerat la portion que ledit sieur
constituant at acquis ce jourdhuy du sieur
Jean Raudaulphe de Courtilles par contrat
reçu par moy notaire soussigné occasion
des privilèges accordés par Sa Majesté
tant à la dite dame baronne de Vuarens
qui est icy présente et la susdite charge
acceptante qu'audit sieur de Courtilles
pour l'excavation des minières de charbon
de pierre et de terre et de la compagnie
de société qui a été formée en conséquence
de la manière que le tout est expliqué
Di: MADAMi: Dt: VVARENS ICI
dans ledit coniral d'acquis qui a clc fait
pour mille li\rcs cl auciucl contrat la prc-
scntc est relative pour cjuc ladite dame
puisse vendre et aliéner la susdite portion
vendue pour le prix sous les clauses et de
la manière que bon luy semblerat luy
donnant à ces lins pouvoir de passer
tous contrats tant de vente cession qu'au-
tres qui pourront être nécessaires pour ce
regard lesquels le sieur constituant avoue
approuve et-i'atifie dès à présent comme
pour lors à la charge que ladite dame
rendrat bon compte de son administration
à quel effet il sera remis à ladite dame
une expédition du sus désigné contrat d'ac-
quis reçu par moy dit notaire et tout ce
que dessus les parties ont promis obser-
ver chacun en ce qui le concerne aux
peines respectives de tous dépends doma-
ges intérests et à l'obligation et constitu-
tion de tous leurs biens présents et avenirs
fait et prononcé audit lieu en présence de
spectable Gaspard Bonety et du sieur
Dominique Sulpis tous deux habittants de
la présente ville témoins requis qui ont si-
102 LES DERNIERES ANNEES
gnés au bas de ma minutte avec lesdites
parties et moy dit notaire soussigné qui
ay reçu écrit et prononcé la présente con-
tenant sur ma ditte minutte deux pages
compris mon verbal J'ay icelle expédié
pour Tofice du tabellion après due colla-
tion faitte quoique par autre soit écrit.
Signé Daviet, notaire.
Vers la même époque, Jean-Jacques
renonça complètement à Tespoir, qu'il avait
encore nourri jusqu'alors, de vivre avec
jy/^mc jg Warens. A l'année 1756, — seconde
Partie, Livre IX des Confessions, — le cé-
lèbre écrivain dit : (( J'ai toujours regardé
le jour qui m'unit à ma Thérèse comme
celui qui fixa mon être moral. J'avais be-
soin d'un attachement, puisque enfin celui
qui devoit me suffire avoit été si cruellement
rompu. La soif du bonheur ne s'éteint
point dans le cœur de l'homme. Maman
vieillissoit et s^avilissoit ! il m' étoit prouvé
qiLelle ne poiiv oit plus être heureuse ici-bas.
Restoit à chercher un bonheur qui me fût
propre, ayant perdu tout espoir de jamais
bK AlAlJA.Mi: l)K WAUENS IO3
pjrlji^cr le sien. )) Rousseau avait clc re-
cueilli par M'"'' clc Warcns en 1728; en
1756, seulement, il lit la connaissance clc
Thc^rèse. Le pau\ rc jcan-Jacc]ues resta
donc, près clc 27 ans, lidèlc à l'affection
qu'il avait eue pour sa maman, avant d'acU
mctti-e une auti-e femme à son foyer. Ames
sensibles, qui avez tant chargé la mémoire
de Rousseau, rengainez votre vertueuse
indignation ; elle n'est plus de mise.
La barque de M'"'' de Warens allait som-
brer; sa misère s'accentuait. Dans son ex-
cellent opuscule. Lettres inédites de Madame
deWarens, Jules Vuy a donné, pour la pre-
mière fois, le texte d'une lettre extrême-
ment curieuse, que la baronne adressait,
aux premiers jours de 1756, à M. de Lam-
bert d'Angeville, au sujet de François Fa-
bre. La pauvre femme s'humilie ; elle dé-
clare que ce qui doit lui être le plus sensi-
ble, aujourd'hui, cest le pain quotidien :
Ce 12'' de 1756 chambéry
Monsieur
Jay bien lieu mon cher Baron de Re-
104 LES DERNIERES ANNEES
conoitre de plus en plus vôtre bon cœur,
a mon égards; par la manière cordialle
dont vous vous Exprimé sur ce qui
me Regarde, continué je vous prie dens
Les aucasion et ne craigne jamais que
mon amour, propre, savise de ce jendar-
mer, il lias longtens que je luy imposé si-
lence, la mauvaise fortune quy me persé-
cute depuis cy longtens mauroit guéry ra-
dicalement de cette maladie, cy je lavoit
Eu autre foy ; soie trenquille sur mon
comte a ce sujet, je vous prie, ce quy doit
maitre le plus sensible aux jour duy cest
Le pain cotidiens, et La trenquillités je
travailles sens. Relâche pour me mètre
En état de jouir de Lun et de lautre ; cy
la bontés divine veut bénir mon travail
jespaire dy parvenir, afin que par ce
moiens, je puisse mocuper uniquement, de
La seulle chose nessesaire quy et de tra-
vallier aux salut de mon ame, je me Re-
commende a ce sujets a vos bonne priè-
res ; vous me faitte un vray plaisir de ma-
prendre que vous devez venir icy dens
quelque tens ; vous chosirez vous même
DE MADAMK UK WARKNS I05
Ix Lcdrasquy VOUS conviendras Le mieux
et ferez faire Labits en même temps, ccst
par celte Raison que je ne vous Envoie pas
desT^chantilion paicest hordinaire, cepen-
dant cy vous Les juge a propos, vous Les
aurez sur votre premier avis, pour ce quy
consernc M' fabre que je vous prie de vou-
loir saluer, de ma part ajez la bontés mon
cher Baron, de vouloir luy faire compren-
dre quil est très ynutilequil ce présente a
la trésorerie pour son argends puisque ce
net que sur Le Cartier de paque, que je
Lay assignes ce quy ceras paie aux cou-
rands cest adiré ver la fin davrils prochain,
dabort après Les fêtes de paque ; je conte
Le faire venir icy ; il tireras son argends ;
et jespaire qu'il feras d'une pierre deux
coup cestadire quands même tens il ce
trouveras, une place pour Loccuper dune
manière que je crois quy luy seras conve-
nable ; cy M'" fabre sopstine avenir avant
ce tens la cela porte un grands préjudice
a mes affaires dont Le détail cerois trop
long dens une Lètre, joray Ihoneur de
vous expliquer toutes ces chose a première
I06 LES DERNIÈRES ANNEES
vue, je VOUS prie Engrace de vouloir le
garder chèvous jusques ace tens La, après
quoy des que je vous aura}^ Explique mes
affaires ; je prendray tous les arrenge-
ments Les plus convenable et par préfé-
rence, je suivray ceux que vous aurez La
bontés de me conseillier ; je me recom-
mende a la continuation de votre amietu
et de vos sage conseils, et jay Ihoneur de
vous assurer que je suis pour La vie avec
tous Les sentiments que vous mérites, et
Laplus Respectueuse considérations Mon-
sieur et cher Baron
votre très humble et très obeissente
servante
La Barone De Warens De La Tour.
Le contre-coup de sa pénurie d'argent
se faisait sentir, même en haut lieu. Les
Archives départementales de la Savoie
possèdent, en effet, — Série C, N^ 209, —
une lettre du comte de Grégory, ministre
des finances, au comte Ferraris, intendant
général de Savoie, traitant successivement
de plusieurs affaires et finissant ainsi :
i)i: MADAMi; bi: waklns 107
M'"^' la baronne de Warcns ayant fail
une assijj^nalion en faveur du sieur Si-
mond Dumercier actuellement en cette
ville, sur la pension que sa Majesté luy a
accordée, avant que de faire payer icy
l'assignation susdite, je souhaiterois sca-
voir si sur la pension susmentionnée il y
eut ou nm\ des séquestres à cette trésore-
rie, contre ladite M'"*' la baronne, et j'ay
l'honneur d'être avec respectueuse consi-
dération.
Monsieur
Turin, le 17 mars 1756
P. S. Je vous prie aussi de m'informer
jusques à quel temps ladite M""*" la baron-
ne a été payée
Le trcs-humblc et très obéissant
serviteur.
Signé de Grégory.
Les précautions n'étaient pas inutiles, à
l'égard de la baronne, et l'administration,
quoique bienveillante, était fort prudente
avec elle. Pour s'en convaincre il suffira
de lire la lettre suivante, dont l'original
I08 LES DERNIÈRES ANNEES
est la propriété de M. Jean Faga, à Cham-
béry . Ce document inédit est le commentaire
écœurant de la procuration que la baron-
ne passa à Claude Vidal, le 22 août 1755;
la lettre porte, au dos, une suscription de
classement : Du 3 Avril 1756
M"'" La Baronne de la Tour
Voici la teneur de cette pièce autographe,
signée, très probablement adressée à l'In-
tendant général de Chambéry, qui avait
eu souvent à s'occuper des affaires pécuni-
aires ou commerciales de M""^ de Warens.
En Savoie, le titre d'Excellence n'était
donné, officiellement, qu'au Gouverneur
général du duché, mais les solliciteurs le
prodiguaient volontiers. L'Intendant gé-
néral était, en 1756, le comte Ferraris de
La Tour d'Isola, en Savoie depuis 1749 ;
M. Goybet, à cette époque, était intendant
de la province de Chablais.
Monsieur
je doit Rendre à votre Excellence d'é-
ternelles actions de grâce de Lacharites
quelle vient dexercer a mon Egards, en
i)i: MADA.Mi: i)i: wakkns U)()
faisant cloncr mon carlicr, de paquc, sui-
vant Larctcs de comte que ja\(>it fait a
Evian, avec le s' fabre Entre les main de
M"* Lintandant Goibet ; et suivant que je
lavoit déclarc5 a M"* vidai, en passant mes
convantions avec Luy ; et par un malheur
pour moy M' vidai ce trouvant avoir apré-
sent besoin de cette somme ; il avoit oblié
les promesse quil mavoit fait a cest Egards
verbalement ; parceque majant fait rc-
mettres Entre ses main ; mes quatre
blancsein de cette années, a cause de mes
créanciers quils setoit En gajer de paicr ;
il pretendoit faire voir que je feroit un
double Emplois de ma pentions ; quoy
quil savoit bien en consience mes intan-
tion a cest Egards ; ma consolation aux-
jourduy ; cest de pouvoir dire avec vérités
a votre Excellence ; que je nay james fait
tort à persone, ny seu profiter du bien
dautruit je laisse a Dieu et aux tens, de
faire conoitre la vérités de toutes choses
il me Reste après avoir remersie votre
Excellence de ces bontés ; de Luy demen-
der Encore une Grâce, des que je pouray
I 10 LES DERNIERES ANNEES
avoir Les force de sortir de ma chambre,
jose Luy dcmender un cardheure de ces
moment presieux ; pour que je puisse en
particuUier; Luy donerdesEclairsissement
sur des chose quy sont de conséquance,
et quy Regarde Lavantage de Létat ;
je prie dieu pour les prospérités de vo-
tre Excellence, et jay Ihoneur detre avec
Leplus profonds Respect ;
Monsieur
De votre Excellence
La très humble et très obeissente
servante
La Barone De Warens De La Tour,
a Chambéry
ce 3^" avril
1756
Après ceux de Chambéry et du Chablais,
un troisième intendant eut à s'occuper
encore, à la même époque, des affai-
res de la baronne, témoin la lettre sui-
vante, extraite du Registre copie des let-
tres de rintendance du Faucigny, années
Di: AiAbAiMic Dr: warkns i i i
1753 à 175^, conserve au\ Archives clcpar-
icmciUalcs clc la 1 laulc-Savoie :
Du 5 Avril I 756
A Madame la Baronne de \'uarcns
Madame
J'ai l'honneur, Madame, de vous assu-
rer que je seray toujours très attentif en
toute occasion pour vos intérêts, et de
M" vos associés, et particulièrement pour
ce qui regarde les minières de charbons
dont Tentreprise ne peut être que très
avantageuse au public.
Agréez je vous prie les nouvelles assu-
rances du très parfait respect avec lequel
J'ay rhonneur d'être etc.
Cependant le baron d'Angeville pressait
aigrement la rentrée de sa créance ; M™*
de Warens, à la date du 10 avril, lui écrit
une lettre dont l'humilité fait peine. Ce
document a déjà été publié par Jules \^uy,
dans son excellent opuscule intitulé :
112 LES DERNIERES ANNEES
Lettres inédites de Madame de Warens , La
baronne s'exprime ainsi :
Monsieur
Soie persuadé mon cher Baron que tout
ce quy me vien de vôtre part, me fait plai-
sir, et me consolle; quand même ce se-
rois des Reproche continuel, que je nay
sûrement pas mérites, il met aisé de sen-
tir dou parte, Les mauvay office, que Lon
me rends chaque jour près de vous; en
Recompense de mes bienfaits ; je garde Le
silence sur le tout et Laisse a Dieu La
vangence ne voulent me plaindre de per-
sonne; soie bien persuade mon cher Ba-
ron que je nay point dautre dcsir que ce-
luy de me retirer de tous les Embaras du
monde; dont jay et prouves les cruelles
amertume par La mauvaise foy de ceux
avec quy jay Eu affaire, ce qui me doit
bien Engager a finir toutes affaires s'il est
possible avec de telle gens, incy vous ne
devez pas douter que cy on veut me Realli-
serLes dix mille Livre que je ne les ac-
septe bien vittes, et soie bien aucy per-
DE MADAME DE WARENS I I3
suadé, que Le premier argcnds ; dont je
pourray, disposer, seras pour paier Les
dix moy de pensions, du S' fabre, comme
il a bien Reseu en trésorerie Les 3 1 5 L.
que je luy avoit promis pour fins de tous
comtes entre luy et moy, il peut dezor-
mais aler ou bon Luy sembleras, ce net
plus à moy pour Lavenir, a me mcller de
ces afiairc encore moins de chercher ny a
Les savoir, ny a les aprofondir, qui bien
feras bien trouvera Jay pris le party de ne
mocuper qua prier Dieu, pour Le Salut
de mon ame et pour La conservations et
prospérités de ceux quy auront. Eu l'ame
asse généreuse pour vouloir me Rendre
quelque service, comme vous Ette du
nombre mon cher Baron, je vous prie de
vouloir acsepter les prière sinseire que ja-
dresse aux ciels tous Les jour, pour que
dieu vous acorde Longue vies avec toutes
les prospérités que vous mérites, et que je
vous souhaitte de cy bon cœur, soie je
vous prie aucy persuadé de La sinserites
de ma Reconoissance que de celle du
parfet et très Respectueux atachement,
I 14 LES DERNIERES ANNEES
avec Lequel joray Thoneur detre toute ma
vie
Monsieur Votre très humble
aChambéry ce et très obeissentes servante
lo*" Avril 1756. LaBaroneDe Warens
De La Tour.
Au dos : (( Vous aurez la bontés mon
cher Baron de menvoier Le Billiet tout fait
tel que vous Le souhaites, et je le signe-
ray et vous le renvoieray tout de suitte ou
je le remetray icy Entre les main de
M*" votre Procureur, quy pouras vous En
acuser la Resption, il est juste que je vous
done vos suretez puis que vous avez bien
voulu Exercer Les heuvres de charités, a
ma prières ; dont je vous conserveray une
Eternelle Reconnoissance »
o4 la suite se trouvent ces mots d'une autre
écriture : Lettre de Mad^ De Warens où
elle parle de payer la pension de fabre et
de passer un billiet à M'" le Baron dange-
ville. —
Une autre lettre complète les renseigne-
ments qui découlent de la précédente ;
1)ï: MAUA.Mi: DL WAKl.NS II5
clic a clef adjii{.;cc pour jod IV. a lùicnnc
Charavay, dans la vente d'une précieuse
colleclion de lettres autof^'-raphes, laquel-
le eut lieu, les 15 et 16 mars 1887, à la
salle Drouot, à Paris;lc célèbre archiviste-
paléographe a bien voulu m'en envoyer
copie:
Monsieur et cher Baron
Je vous sauray toute ma vie un grès in-
fîny, du service, quil vous a plus, de me
rendre, en acordent jénéreusement vostres
tbale au s"" fabre, a ma prières, soie per-
suadé cher Baron que mes intention son
droite, et que je nay rien tent a cœur que
de vous paier les deux cent et quinze livres
que je vous doit a ce sujets, quoy que mon
zelle a conserver dens ce pais, Lindustrie
des fonderies de fert coules ; que jy avoit
fet Entrer avec tent de peines ; me coûte
aujourduy ma ruine, et me cause de plus
aujourduit les chagrain les plus sensible ;
je ne puis me résoudre de me Repentir,
davoir fait du bien a Létat ; et quoy que
je soit traitées injustement a ce sujets jofre
I l6 LES DERNIERES ANNEES
a Dieu ma peines, et sest de sa bontés di-
vine, que jatent ma Recompence ; et nom
des créature ; et je pence que tout ce que
vous meditte et vray lors que vous maver-
tissé, que je doit matendre, a toutes les
disgrasse, que La malice et Lingratitude
des humain ; peut nous faire Eprouver
damertume par toutes celle que Lon ma
fait resentir jusques, a présent je ; doit
pencer a quoy jay lieu de matendre pour la
venir ; jay Ihoneur de vous joindre icy, mon
billietahordre pour les courants de Lan-
neesprochainepourLaquitements des deux
cent et quinze livres que jay promis paier
pour la pentions, du s"" fabres. jesuis per-
suadées que lorsque vous serez icy pour
vos prosses que M'" vidai ne vous refuseras
pas mon papié en paiement des marchan-
dize que vous pouries prendre che Luy.
comme il est chargé de Retirer cette en-
nees et la prochaine les deniers ; de ma
pentions, et ce paieras par ses mains ; les
pot pouris que M*" fabres ma fait par icy,
lorsquil y et venus son cause quil ma falus
prometres a M"" Vidais ; de ne doner aucun
l)i: MADAME I>i: WAKKNS II7
mcndat a pcrsonc quii Luy sur la Trczo-
rcric pour cette années et la prochaine ;
aux moiens de quoy il continués a paier
icy, mes dettes pendent ce tems la ; je
vous prie, monsieur Baron de ne point
parler a pcrsonc de ce que jay Ihoncur de
vcus confier quands vous serez icy je pou-
ray vous ouvrir entièrement mon cœur
ce que je ne puis quan foiblc parties sur
le papier, au Reste soie bien assurez et de
maparfaitte Rcconnoissance a vos hontes,
et de lenvie que je conserve a trouver des
aucasions a vous en doner des preuve ;
pour vous convincre, de mon parfait de-
vouement, et de latrès Respectueuse et
parfaitte considérations avec laquelle je
seray toute ma vie.
Monsieur et cher Baron
Votre très humble et très obéis-
sante servante
La Baronne De Warens de la Tour
ce 16^ mav
ml
1756
Chambery
Il8 LES DERNIÈRES ANNEES
Vous aurez la bonté de me doner avis
de la Reseptions de mon billiets
Adresse :
Monsieur
Monsieur De Lembert Baron Dengevillé
à La Caillies près Dannecy
A La Caillie
A cet autographe était jointe, selon le
Catalogue de la vente précité, la lettre
suivante du sieur Fabre, concernant le
même sujet :
+
Monsieur,
Je suis persuadé que par L'amittié que
vous mavait toujour témoinié durant le
tan que jay demeure chez vous, vous de-
vait être impacian daprandre de mes nou-
velles dememe que de ma situation qui
est asé triste pour moy; comme je compte
que monsieur de Sainte Colombe avotre
considération auroitpu me proqurer quel-
que plasce ou dune fasson ou dautre, jat-
DF. MADAME DE WARENS I I9
tcndoit ce momanl pour pouvoir vous Le
faire asavoir, il est ccpandant vray que
monsieur Le Compte de Mongioy et mon-
sieur de Sainte Colombe on fait tout ce
quils on pu pour ce fait la, il mon donne
des Laitres de recommandation pour toutes
Les fabriques an fer des anvirons de
Chambcry, mais il ny a pas eu Lieu de
rien faire ; voilà une queinsenc de jour
que je cour tan du coté de La moriainnc
que des bogies sans quil meye été possi-
ble de trouver au cune plasce je ne say a
quel sein me promaitre, je me suis même
jeté au piet du gouverneur pour pouvoir
avoir une plasce auprait des fabriques de
monsieur le chevalié Derubilan il ma fait
réponse quil était innutile décrire au pie-
mont pour cella attandu que les fabriques
atait aba depuis trois moy et que Les ou-
vries était tout parti ; le fameu monsieur
Cimon qui cetait donne savoir faire Le fer
blan par La Lecture de tiorie que Madame
de Warans Lui avait aprit, ne Luy
apa pu reusir non plus que dan le tan
quil Lavait antepri au fabriques dargi-
120 LES DERNIERES ANNEES
antines il est arivé a Chambcry de-
puis une quinzaine de jour. Madame de
Warans le garde avec elle ils sont aprait a
chercher des asocies du coté de geneve
pour antreprandre une nouvelle fabrique
an fer blan et autres ouvrages de piere
quils ont an Chablay jay peur que Leurs
teorie ne leurs cerat pas plus favorable a
geneve qualieur et quils auront peine de
trouver des associes Le fameut guarson
perutie et rantre dans Les bonnes grasce
de Madamme de Sajon quil sont trois
rongieurs dans sa maison ; jay ete deux
foy a son apartemant pour la voir elle ma
fait dire quelle netait pas visible ; quand
les mesieu me rancontre par les rues ils
font samblan de ne mavoir jamait connu
acauze que je me suis fait payer, jay ran-
contre dimanche pascé lo du moy a ar-
giantine monsieur Lintandant gênerai qui
san aie a Turein il a été fait ministre il me
dit, quil avait laisce mon biliet a monsieur
perein, sustitu de Leintandance et quil
Le Luy avait bien recommande, il est fort
regrete de toute la ville, Lon attan de jour
I)i: .MA DAM i: DK WAKKNS I Jl
a autre ccluy qui doit cire a sa plascc qui
est piémontcf ; Lon vient de publier aujour-
dliuy un nouvau edi des espcsces qui a etc
afiché par toute la ville qui conciste que
ceux qui auront des demi sequeins des
ecu de Lannce 1736 dememe que les ecu
patagons Les pièces de ceiq sou vielles et
neuves dememe que Les pièces de dix Liars
seront obligé de les porter an trésorerie
avant la fcin du mpy daout pour les chan-
gier contre des espesces nouvelles et Lon
donnera la même valeur des espesces jus-
ques au tan dit et le terme échu elles n'au-
ront poin de cour, ci je pouvait vous
être utile an quelque chose ou que vous
puisiez me proqurer quelque maison de
vos cotes je vous serait bien obligié de
me Le procurer je me contanteroit de peu
de chose, je nose pas masarder daller
an france crainte detre areté, Les ouvriers
qui travailie a la fabrique an Soye on
voulu sasarder de retourner a Lyon ils ont
ete reconu et par concequant areté, j'at-
tant cette grasce Monsieur de vos bontés
ordinaires vous priant de me croire avec
bien de respect
122 LES DERNIERES ANNEES
Monsieur Le plus humble et le plus
a Chambery obéissant de vos serviteurs
ce 14 juilliet 1756. Fabre.
mes respect sil vous plait a monsieur
votre frère et mademoiselle
La cour La Marion et sa nièce
Ci vous monorait dun mot de réponse je
suis logié ches monsieur Perrein maitre
cirqutié a Chambery.
Parmi les singulières choses qu'elle ré-
vèle à l'histoire, cette lettre dévoile que
Wintzenried, malgré ses prétentions nobi-
liaires, était familièrement désigné, bien
avant les Coiifessions, dans l'entourage de
M""^ de Warens, par l'appellation dérisoire
de guarson periitié. En manière de con-
clusion, ce Fabre paraît avoir haï M™'- de
Warens de la façon spéciale des ingrats,
à qui la reconnaissance ne saurait conve-
nir. Une lettre de lui, datée du 26 juillet
1756 et publiée en partie par Jules Vuy,
constate, avec une sorte de joie sourde,
que M""® de Warens avait été expulsée de
sa fabrique, vers le 18, et qu'elle était
DE MAUAML: de WAKLNS I2J
venue habiter, cnlîiK an faubour^^ Ne/in,
la maison où elle clc\ail mourir. Vr)ici
les misérables lignes du fondeur, adres-
sées au baron d' Angcvillc :
(( aleg:uard des affaires de madame de
Warans, elle est toujour dans ces idées
baroques elle a étée condannee de nouvau
a payer Lon Lamise hort de La fabrique
depuis huit jours elle demeure actuelle-
mant a nesein a La maison de monsieur
flandrein »
Madame de Warens n'avait pas été prise
au dépourvu ; il ressort du bail qu'elle
passa avec le notaire Crépine, le 15 avril
1761, qu'elle avait loué du sieur Flandin,
le précédent propriétaire, et dès le 20 mai
1756, le petit logement qu'elle ne devait
quitter que pour descendre dans la tombe.
LES DERNIERES ANNEES
DE
MADAME DE WARENS
II
1756— 1762
gs:
LES DERNIF.RRS ANNEES
MADAME DE WARICNS
II
1756 — 1762
La renommée de Rousseau grandissait
de jour en jour. Déjà, en septembre 1756,
le roi du siècle, Voltaire, écrivait à Jean-
Jacques : (( Comptez que , de tous ceux
qui vous ont lu, personne ne vous estime
plus que moi, malgré mes mauvaises
plaisanteries. )) L'histoire peut placer, vers
cette époque, le brouillon d'une lettre at-
tribuée à M'"''' de Warens, sans date ni
indication de destinataii^e, dans laquelle
la baronne se plaint de ses associés qui
veulent établir une fonderie en Maurienne,
128 LES DERNIÈRES ANNÉES
après avoir détruit rétablissement qu'elle
avait créé à Chambéry. La pauvre femme
est malade de chagrin, au point qu'elle
désespère, elle-même, de pouvoir jamais
guérir :
Monsieur
Je suis fort sensible aux sage conseils
que vous avez la bontés de me doner II
est sertin que la patiance et le plus grand
de tous les remaide II y at longtens que
j'en fais l'expérience Je m'étois flatée,
Monsieur, en exersent cette vertu que
vous ariveriés dens ce païs et que je pou-
rois vous doner part et vous expliquer les
afaires importentes quy conserne les mi-
nières de ce païs et les établicements quy
conviennent en conséquance Mais M*" je
prends la liberté de vous faire observer
que le poix est trop grand pour que je
puisse me soutenir plus longtens par moy
même II faud que je recourent de nou-
veaux aux secours Etrengers ce que je ne
veut faire que par votre agrément et par
vos sage conseils Voila ma fabrique de
DK MADA.Mi: DF. WAKENS I 29
poteries et de toutes sorte de moula^^cs
en fert eoule^s, qu'on a détruit par maliec
Je irouveray des étrangers quy me four-
niront de quoy la relever pourveu que les
privillègc soit à moy seullc et que ma
Compagnie n'y aie plu rien à voir, ce qui
parois bien juste puisqu'il ont détruit
mon ouvrage quoy que parfait dizent seu-
lement pour toute raison que cela leur
coutoit trop à Chambéry et qu'il Téta-
blirois dens la suite en Moriane, ce qui
et une apsurdité des plus grande en fait
de fabrique.*
Que votre bontés, Monsieur, m'optien-
nc le droit de continuer mes ouvrage
dens ma fonderies et lorsque ces Mes-
sieurs ceront prêt à pouvoir établir en
Moriane je m'ofre encore pour lors quoy
qu'il ne le mérite pas de leur rendre en-
core service cil parviène aux point de
pouvoir étably dens la fabrique de fert
de Moriane. Je crois Monsieur que Ion
ne peut rien auposé de contraire à mes
propositions cy tôt que Ion se voudras
doner la peine d'envizager les avanta-
130 LES DERNIERES ANNEES
ges de l'état. Au reste, Monsieur, pour
ce quy conserne les découvertes et les
iraveaux des autres mines que celle de
fert j'orois trop à dire et il me faudroit
un volume pour vous expliquer toutes
mes raison de plainte. Je vous demende
seulement Monsieur que vous ayes la
bontés de me recommender à Monsieur
Fintandant générais pour qu'il donne hor-
dre aux sieur Torin régisseur de nos
fabrique et fonderie de me fournir tous le
nessesaire que je demenderay pour le
faire exercer par le sieur Merkell afin
qu'il puisse faire telle épreuve qu'il me
plairas sur les mines. Cela contiendras un
peu ces gens la quy ne cherche qu'à dé-
truire et non à bien étably, et joray l'ho-
neur, Monsieur, de vous faire part chaque
moy des épreuves que j'oray fait faire
aux sieur Merkell, ne pouvant plus tra-
vailler par moy même à cause de la ma-
ladie ou les chagrin et les injustice que
l'on m'a fait soufrir m'on plongée et
don je suis hor d'espérence de pouvoir
guérir.
DE MADAMi: I>i: WAKKNS I3I
(A la lin de la lettre se trouNc le para-
graphe addilioiincl sui\ant, avec un as-
térique indiquant, sous forme de renvoi,
l'endroit de celle épîlre où il doit élrc
intercalé).
"^Yous savez, Monsieur, par expérience
que Ion ne doit jamés détruire une fabri-
que pour la transplanter alieur que tout
l'emplacement qu'on propose ne soit fait
et eu étal de Iravallier avant que de pro-
poser le changement de lieu et il faud
être en état de faire voir l'ouvrage fait et
parfait aux nouvel emplacement avant de
faire sesser l'ouvrage aux premier empla-
cement. Vous aves trop de lumières et
d'expérience, Monsieur, pour ne pas goû-
ter la solidités de mes raison c'est pour-
quoy je recour à votre équités pour que
Sa Majesté daigne accorder à moy sculle
en faveur de mon travail ce que les autre
eux ne feron qu'en parolle et non (un
mot déchiré). ))
Ce document, extrait des titres déposés
aux Archives départementales de la Sa-
voie, peut servir, en quelque sorte, d'in-
132 LES DERNIERES ANNEES
troduction à un mémoire, daté du 17
août 1756, par lequel le baron de Valei-
rieux, l'un des actionnaires de la société
formée par M™^ de Warens pour l'exploi-
tation des mines de houille de la Savoie,
demande au roi de Sardaigne, au nom de
la Compagnie, le privilège exclusif de
transporter, par radeaux, à Genève, sur
la rivière d'Arve, les charbons extraits à
Arache, dans la province de Faucigny :
^Mémoire de (M. le baron de Valeirieiix,
par lequel il demande le privilège exclu-
sif d'extraire, par le moyen de radeaux
sur la rivière d'Arve, tant à son nom
que de sa Compagnie, les charbons de
pierre approvisionnés à oAras (Arache en
FaucignyJ 27 novonbre ij^6.
Par le privilège exclusif que le Roy
daignât accorder, sous la date du 30 8''"
1752, à la dame Françoise Louise Eléo-
nore de Warens baronne de La Tour,
conjointement à Jean Rodolphe de Cour-
tilles, natif du pays de Veaud habitant à
Chambéry, pour la recherche et excava-
DE MADAML DE WAUENS Ijj
ûon du charbon de pierre et de Icrre, soit
houille (sic), dans les proxinces de Savo-
yc, les susnommés formèrent une Com-
pagnie de cinq actions, lesquelles vendues
et revendues, se trouvent aujourdhuy en
former six, qui appartiennent à Messieurs
La Corbière et Bérard, de Genève, pour
trois, et les trois autres à laditte baronne
de Warens, au sieur Portas, natif, habi-
tant et bourgeois de Chambéry, et au
soussigné qui n'acceptera cette sixième
qu'autant qu'il résultera, comme il le
pense, un bien pour l'Etat, de luy accor-
der ce qu'il demande au nom de la Com-
pagnie.
Comme au moyen de beaucoup de dé-
pence, il y a beaucoup de charbons ex-
traits à Arache, dont la débitte ne peut
être qu'à Genève, et en Suisse, et que le
transport par terre excèderoit le produit
la Compagnie demande en grâce au Roy,
de vouloir luy permettre avec privilège
exclusif, la quantité de radeaux nécessaire
pour faire floter sur Arve, le transport,
au moyen des bois qu'elle achètera dans
134 LES DERNIERES ANNEES
la province de Faucigny, sous l'indication
et inspection de Monsieur l'intendant de
cette province, ou de tel autre que Sa
Majesté voudra y fère commettre, offrant,
à cet effet, d'indemniser les Royales
finances des fraix qu'elle pourroit supor-
ter, par paye de qui sera commis, comme
aussy de se soumettre à tout ce qui sera
jugé devoir être établis contre les abus et
tout ce qui pourroit tendre à la destruc-
tion des bois ; de même de donner ledit
sieur Portas pour répondant et caution,
en forme des peines pécuniaires imposées
contre les contraventeurs aux conventions
et en un mot de se soumettre à tout ce
qui sera exigé d'elle.
La Compagnie demande en outre que
Ton veuille être exactement informé du
bien qui résultera dans cette province,
des quinze ou vingt radeaux qu'on peut
d'abord luy permettre, et qu'en cas qu'il
ne soit pas évident ou qu'on trouve que
cela put occasioner ou seulement faire
craindre la destruction des bois, on retire
le privillège accordé, encore que cette
I)i: MADAMH DE WARKNS I35
quanliU(5 de radeaux n'auroit pas pu
suffire aux transport des charbons extraits
à Arrache, où il en est prêt à se perdre
pour phis de six mille franc courant. —
\V\cn entendu encore qu'il sera établis que
lesdits radeaux ne pourront transporter
aucunes autres choses, pour ne point
troubler le commerce des chariots de mu-
lets qui quoyque très-médiocre, forme un,
objet pour les particuliers qui l'exercent
mais que si tout est trouve à forme de
l'objet, qui est l'intérêt de l'Etat, par le
bien de cette province, qu'il soit promis à
cette Compagnie de la privillégier pour
la suitte de cette permission.
J'observe icy que tant la continuation
de l'extraction des charbons que leurs
chargements, la couppe des bois, la cons-
truction et conduitte des radeaux, le tout
occuperat plus de cinquante ouvriers par
jour. Cela, joint aux déboursés pour
l'achapt des bois, forme un objet bien
considérable pour une province qui n'a
de commerce et de moyens que par les
gens qui en absentent, sept ou huit mois
136 LES DERNIÈRES ANNÉES
de l'année pour chercher la vie de leur
famille dans le pays étranger, ce qui ne
réussisant pas à tous, fait que plusieurs
y restent et qu'insensiblement elle se dé-
peuple. Il est vray que l'Etat gagneroit
plus s'il fournissoit tous les membres de
la Compagnie, puisque le profit qu'elle
peut faire y resteroit en entier, mais les
avances sont fortes et les moyens d'une
Compagnie de sujets sont faibles. C'est
déjà quelque chose que la moittié y soit
asseuré, et il est fort aisé qu'insensible-
ment le tout y reste. Il me paroit qu'il est
question de mettre la chose en train, et
au moyen du stile et des réserves qu'on
pourroit employer dans le privilège accor-
dé de vingt radeaux, il sera facile de
pourvoir de façon, en après, que tout le
profit reste dans les Etats.
J'avertis icy que conséquemment à une
permission que le Roy accorda au mois
d'août 1754, je crois à la réquisition de la
Cour de France, à certains entrepreneurs
du Pont des Rousses, ceux-cy commirent
à Genève le sieur Sadet qui y est encore
iji: MADAAii: i)i: wauens 157
à présent. Il éUnt question pour la cons-
truction âc ce pont, de je crois, vingt
plantes de bois dur, et soixante ou quatre
vin^l platteaux de mesme, que cependant
peu de jours a\'ant mon départ de Cham-
béry, le neuf du courant, il est arrivé à
Genève le douzième radeau au compte
dudit sieur Sadet. A scavoir cependant
s'il n'a point eu d'autres permissions,
je l'ignore, et j'ay tout sujet d'en dout-
ter. Je scay seulement avec certitude
qu'il a payé dix huit livres des pièces
de bois des trois derniers radeaux, que
pour les premiers il n'a payé que quattre
livres.
Je finis en exposant que je suis munis
de tous les moyens pour donner touttes
les surettes qu'on jugera devoir exiger.
Turin le 17 août 1756
Signé : Le baron de Valérieux
Ce document, qui donne divers détails
sur l'organisation et le personnel de la
Compagnie, se trouve annexé, en date
138 LES DERNIERES ANNEES
du 27 novembre 1756, à un volumineux
rapport de l'Intendant général de Savoie,
lequel examine, successivement, toutes les
raisons alléguées par l'auteur du mémoire,
et, en principe, finit par conclure au rejet
de la demande, en indiquant, toutefois,
les mesures restrictives à imposer à la
Compagnie, dans le cas où la Cour de
Turin se déciderait à accorder, tempo-
rairement, une partie de ce que le ba-
ron de Valérieux sollicitait. Le rapport
de l'Intendant ajoute que, d'ailleurs, on
n'avait employé, encore, que deux ou-
vriers aux mines d'Arache, et que, par
conséquent, l'encombrement des charbons,
extraits, ne devait pas être aussi considé-
rable que le prétendait l'auteur visé du
mémoire.
Peu de jours auparavant, M""^ de Wa-
rens avait adressé la lettre suivante au
baron d'Angeville : cette missive a déjà
été publiée, comme suit, en 1855, par
Jacques Replat, dans sa ^ote sur Madame
de Warens,
DE MADAMi: l)i: WAKKNS I ]()
ADRESSE :
t
(( ci ^Monsieur
V^Ionsicur de I.aïuhcrl Tiarnn
T>cngcvtllcs à la C a il lie prés
d'c/Xnnecy
à La Cailles. ))
Chambôry ce 15* octobre 1756.
Monsieur
II vous est bien aizc de badiner mon
cher Baron parce que Dieu mercy il ne
vous menque de Rien plus a Dieu que jeu
des Barils de ferblanc à ma disposition je
ne me feroit pas tirer Loriellie pour vous
en envoler bien au contraire, je me ferois
sûrement un devoir et un empressement
de vous en présenter ; je suis cy éloignée
auxjourduy de penser à établir des nou-
velles fabrique, que je mocupe à vandre
toutes les prétentions que gy puis encore
avoir, c'est dens ces vue que jay pris la li-
bertés de demender mon prolong aux
Rov ; ne dezirends aue détre débarassée
de toutes sorte dafaire pour emploier uni-
140 LES DERNIERES ANNEES
quement le peu de temps quy me reste a
vivre à louvrage de mon salut ce
l'objet quy mocupe, aujourduy en
je vous prie bien persuadé, et je vous de-
mende avec une part dans vos bonnes priè-
res pour que Dieu veullies macorder la
grâce de persévérer dans les bonnes reso-
lutions que jay prise cy jay tardé davoir
riioneur de repondre a vos chère letres
cest que jesperois dun jour a lautre de
pouvoir vous aprendre quelque chose de
positifs sur la fins de mes affaires ; mais
elle vont si lentement quil ne fauds pas
moins que la patience de Griselidy pour
pouvoir tenir a tous les ennuis que cela me
cause ; vous serez sûrement un des pre-
miers aquy je feray part de larengement
que mes affaires prendront, soie je vous
prie persuade que je ne pert pas un mo-
ment de vue les deux cent quinze livre que
je vous doit pour avoir noury le Sr Fabre;
cette dette me tient trop a cœur pour ne
p iter avec honneur cy tôt que la
sera a mon pouvoir je vous prie mon cher
baron de vouloir me continuer Ihonneur
DK MADAMK bi: WARKNS 141
cic votre souvenir, je cle/irc ardcntmcnt de
pouvoir mdritcr ccluy de votre amitié que
je culliveray toute nia \ie, vous prient de
vouloir conter sin- moy dens tous ce quy
ccras en mon pouvoir ; cy la cruelle for-
tune me dcvenois un instant favorable je
ne restcrois sûrement pas en arrière a vo-
tre e«.Tards Dieu conois mon cœur et vous
me rcndres justice un jour, je suis cy ma-
lade par tout les emharas que jay qua
peine puigc tenir la plume , et dens ce
triste état ma servante et malade, et mon
secrétaire ce meur dun absés dans la poi-
trine y vient de resevoir tous ces sacre-
ments voila ma situations, je prie Dieu
tous les jours pour votre guerison, et pour
votre chère conservations et prospérités,
et jay Ihonneur de vous assurer mon cher
Baron que je vous seray jusque aux sen-
dres ; avec le plus sinceire et le plus res-
pectueux atachement
Monsieur
Votre très humble et
très obeysente servante
La Barone de Warens de la Tour.
142 LES DERNIERES ANNEES
Que signifiait le passage de cette lettre,
relatif à Griselidy> s'était demandé Replat,
et, pour avoir le mot de l'énigme, il avait
écrit à son ami Léon Ménabréa, l'un des
plus spirituels littérateurs de la Savoie.
Voici l'explication qui lui fut donnée :
(( Dans la série des marquis fabuleux de
Saluées, il ne faut pas oublier le fan-
tasque Gauthier, dont l'épouse Griseldis
est devenue le sujet d'une des traditions
les plus populaires de l'Italie. Griseldis,
vainquant par sa douceur, sa patience, sa
résignation, la feinte jalousie et les cruels
caprices de son mari, a été si souvent cé-
lébrée par les poètes et les romanciers
qu'il serait difficile de faire l'énumération
de ceux qui ont tour à tour essayé de re-
produire l'angélique figure de cette fem-
me, type touchant de la longanimité con-
jugale. Boccace y a puisé le texte de la
dernière nouvelle de son T>écajnéron. Le
père Bernard de Montfaucon, dans sa ©î-
bliotheca nova m^^, a indiqué plusieurs
romans du moyen-âge existant de son
temps dans plusieurs bibliothèques de
DE madaail: i)i: wakkns 14}
l'^rancc, d'Ilalic cl d'Anf,^lctcrrc, reprodui-
sant la fable iiUcrcssantc de Gauthier et
de Griseldis. Thomas III, marquis de
Saluées, dans son roman manuscrit, mille
fois curieux, le Livre du Chevalier er-
rant^ évoque en maintes circonstances
l'ombre charmante de Griseldis; il la fait
assister enlr'aulrcs à la bataille du Dieu
d'Amour contre l'empereur des Jaloux, à
côté de Belle-Rose, de la reine Genèvre,
d'Hélène, de Médée, de Cléopâtre, etc. »
Ainsi, malade au point de ne pouvoir
tenir la plume qu'avec peine, la pauvre
femme gardait encore, dans sa correspon-
dance, l'humeur enjouée de3 anciens
beaux jours.
Cependant, la dette, contractée peur
nourrir Fabre, inquiétait sans cesse la ba-
ronne ; d'Angeville ne lui laissait aucun
répit. Clouée depuis deux mois sur un lit
de douleur, ^^Ime de Warens écrivait,
au sieur de Lambert, pour l'apaiser, les li-
gnes suivantes, déjà publiées, en 1870, par
Jules Vuy, dans son excellent opuscule
précédemm.ent cité :
144 LES DERNIERES ANNEES
Ce 7*^ février 1757 Nezin.
Monsieur
Cest avec bien du Regret mon très cher
Baron que j'aprends que la triste situa-
tions de votre santés Ressemble a La
miene, qui est Reduitte aucy a ne pouvoir
quiter ny le lit ny la chambre, je norais
pus vous Lecrire plus tôt maigres tout
mon Empressement a mentretenir avec
vous, depui les fêtes de noel jay tenus le
lit par des douleur de goûte sur Les 4
membre quy mon fait Enfler Les pie et
Les main et causé une fluction de poitrine
des plus fâcheuse et quy me tourmente
autent que mes dettes cest tout dire, car il
niât point de plus grande croix pour un
honette homme que celle de devoir et ne
pouvoir pas paier aucy tôt qu'on Le sou-
haiterois, cest le cas malheureux ou je me
trouve, soie persuade mon très cher
Baron que les deux cent et quinze livre
que je vous doit pour avoir nourry le S*"
fabre me tiene plus a cœur qua vous, jus-
ques asse que vous En soie satisfait, je
nay put comprendre ce que vous me ditte
Di: MADA.Mi: DE WARENS 1.15
dcns votre ciicrc clcrnicrc, aux sujet du S'
{\\h\c ccsl a vous mou cher Baron a qui je
dn\[ ; et non a luy. je ne luy doif pas un
deniers grâce a dieu, je serois bien dou-
blement charmées de \<)ir ai'i\er paques
puis que ce tens hi doit me procurer La
consolation de vous voir icy ce quy ceroit
pour moy un plaisir des plus semsiblc,
Dieu vous ameine bientôt En bone santés;
que je regrarde comme le plus presieux
bien de la vie cy tôt quelle est perdue tout
le reste, et moin que rien ; car soufrir des
grande douleur dens un lit doré ou soub
un toit de paillie cela et Egal suivant
moy. Cydieu vouloit me rendre la santé ;
je la prefererois a la plus briliantc fortune,
mais nul nal a choisir, son sort, La vo-
lontés de Dieu doit Etre la raigle de la no-
tre, sens plainte et sen murmure ; se sou-
metre a nôtres sort quel quil puisse Etre
voila ce que je me propose de faire avec
Laide de Dieu Le reste de mes jour, cest
ce qui fait que je vous passe soub silences
toutes les injustices, que Ion me fait ; il
faudrois des volumes^ pour pouvoir vous
146 LES DERNIÈRES ANNEES
en Expliquer une partie ; et je prie dieu
quy vous conserve, et vous rétablice, et je
vous suplie mon cher Baron de macorder
toute la vie une petite part dens votre cher
souvenir, cy vous lizie bien dens Le fonds
de mon cœur, vous vous trouverie satis-
fait de mes sentiments a votre Egards,
protégé toujour un peu une peuvre veufve
infortunées et doner souvant de vos chère
nouvelles ; agrées les sentiments de ma
reconoissance a vos bontés, et La Res-
pectueuse, et très parfaitte considérations
avec Laquelle jay Ihoneur d'être
Monsieur
Votre très humble
et très obeissente servante
La Barone De Warens De La Tour.
La misère de la pauvre femme était irré-
fragable et sa ruine consommée. Le 27
septembre de la même année, la malheu-
reuse était forcée de résilier, enfin, l'acqui-
sition d'une maison qu'elle avait faite à
Evian, en 1755. Ne pouvant pas en payer
le prix à Noël Joudon, fils de Jean-Fran-
L)L M.VbwUli: DE WAHLNS 147
çois qui lui avait code riiiuiicublc, M""" de
Warcns est oblij^ée, à titre de dommages
iatc5rèts, de faire abandon, au dit sieur
Joudon, d'une somme de J15 ', à prélever
— bien entendu — à la trésorerie de
Chambéry, et en deux, termes, sur deux
quartiers, désignés, de la pension qu'elle
tenait des libéralités du roi de Sardaigne.
La transaetion figure, en ces termes, au
troisième volume de 1757, f"" 474, des re-
gistres du Tabellion de Chambéry :
DÉPARTEMENT DE VEiNTE
en faveur du sieur Je.in-françois Joiidoii^
notaire à Evi.in, par dame Françoise-
Louise-Eléonore de la tour^ haromie de
Vuarens.
L'an mil sept cent cinquante sept et le
vingt sept du mois de septembre, à
Chambéry à trois heures après midy,
dans la maison qu'occupe la dame ba-
ronne de Warens, au faux bourg du Re-
clus, procédée du sieur Flandin, parde-
vant moy notaire roial soussigné, présents
les témoins cy après nommés s'est person-
148 LES DERNIÈRES ANNEES
nellement établie et constituée dame
Françoise Louise Eléonore à feu noble
Jean Baptiste de La Tour native de la
ville D'avevey en Suisse canton de Berne,
veuve de noble Isaac Sébastien de Louis
de Villarden baron de Vuarens domicilié
en la présente ville, qui de grez pour elle
et les siens s'est départie, ainsi que par le
présent elle se départ en faveur de
M^'^Noel fils de feu sieur Jean-François
Joudon natif notaire coUégié secrétaire
bourgeois habitant la ville d'Evian et de
ses amis à élire pour le tout ou en partie,
à Tacceptation de Messire Charles fils de
feu Messire Joseph Métrai seigneur de
Châtillon, natif habitant la présente ville,
pour icelluy avec moy dit notaire accep-
tant, de la vente passée en faveur de la-
dite dame barone de Vuarens par ledit
M^ Joudon, par acte du dix-neuf juin mil
sept cents cinquante cinq reçu par M^
Buttet notaire, de la maison granges y
spécifiés indiqués sous les numéros de la
mappe dudit Evian, deux milles deux
cents quatorze, deux milles deux cents
DE MADAME DE WARENS I49
cinquante deux, cl deux milles deux cents
cinquante-trois, avec touttes appartenan-
ces et dépendances, et c'est à deffaut du
payement de la somme de deux milles
cinq cents livres de Savoye et cent livres
pour épin^^des non payé du prix de ladite
vente en se départant de tous droits de
propriété qui auroient pus luy être acquis,
dont au besoin elle s'est démise et dévê-
tue et ledit Joudon invélu par touttes dé-
vestitures et investitures requises et audit
cas nécessaires à l'acceptation de qui
dessus et pour raison des dommages in-
térêts et pour tout ce que ledit M" Joudon
at pu souffrir et seroit dans le cas de
souffrir et supporter pour raison de
ladite vente ladite dame baronne de
Wuarens luy a assigné ainsi que par le
présent elle luy assigne en exécution du
susdit contract de vente la somme de qua-
tre cents quinze livres à prendre et exiger
sur la pension annuelle dont elle joui des
libéralités de sa ^Majesté à exiger de la
Trésorerie en la présente ville dont elle se
reconnoit luy être débitrice et à tant en-
150 LES DERNIERES ANNEES
tr'eux réglés pour raison de quoy elle a
présentement et réellement remis audit
seigneur Métrai de Chatillon deux man-
dats dont l'un de deux cents livres et le
second de deux cents quinze livres à exi-
ger sur ladite pension le premier sur le
quartier de la St Jean prochain et le
second sur celluy de la Noël suivante
compensation faitte de tous plus amples
dommages que pourront prétendre ledit
M"" Joudon contre tout ce qu'il peut avoir
perçu et retiré à ladite maison et dépen-
dances dez la vente d'icelle il ne rentre
dans la propriété des choses vendues que
suivant les revenus insérés dans le sus
désigné contract et le droit de propriété
qu'il s'étoit expressément renoncé à def-
faut du susdit payement et le tout ainsy
par ladite dame veuve de Vuarens en ce
qui la concerne convenu et promis obser-
ver avec promesse de ne venir au contraire
sous l'obligation constitution de ses biens
et la stipulation de tous dépends domma-
ges intérêts fait et prononcé au lieu que
dessus en présence du sieur Nicolas An-
DE MADAME DE WAREN8 I5I
toinc Riva de Turin, cl de François
PioUct de La Val de Crucnnc habitant la
présente ville témoins requis. (....) par
un droit au tabellion trente sols ledit Piol-
let est illitc5rc5 de ce enquls par moy not-
taire soussigné le présent qui contient
deux pages en ma niinutte recevoir requis
que j'ay expédié pour le tabellion.
Signe Buisson, notaire.
Wintzenricd se démenait de son côté,
afin d'obtenir du gouvernement un emploi
fixe, qui lui permît de gagner son pain.
Les titres déposés aux Archives départe-
mentales de la Savoie, en effet, révèlent
à l'histoire un rapport favorable, adressé
au Ministre de Turin par l'Intendant gé-
néral de Chambéry, sur les antécédents et
les aptitudes de l'associé de M"''' de Wa-
rens, devenu solliciteur. Voici la teneur
de ce très curieux document qui donne,
outre une foule de particularités, la date
exacte des premiers rapports de Wintzen-
ricd avec la baronne :
152 LES DERNIERES ANNEES
RELATION
concernant les talens, les occicpatioîis et la
conduite du sieur de Coiirtille, habitant
depuis 20 ans en la ville de Chamhèry,
suivant les connoissances que je soussigné j
j'ai pris, en exécution des ordres de sa
3\Iajesté, portés par lettre de iM. le cheva-
lier Fei'raris, du ly 8bre iy^6.
Le sieur Jean Samuel de Courtille,
natif dudit Courtille, canton de Berne,
étant sorti fort jeune de son pays, pour
voyager, passa en 173 i, à Chambéry, où
il fît connoissance avec Madame la baron-
ne de Warens de La Tour, de la même
nation.
Après quelques années de voyage, ayant
embrassé la religion catholique, apostoli-
que et romaine, revint en 1737 à Chambéry
où la susdite dame baronne de Warens
l'engagea à y rester au moyen des secours
qu'elle lui fournit, en vue apparemment
de lui donner de l'occupation.
Pendant l'occupation de la Savoie par
DE iMADA.ML DL NVAKLNb l^J
les lilspagnols, M' le comte prcsidcnl Gar-
hillon, pour lors avocat général au scuat,
et de la Délectation générale établie en
cette ville, a donné plusieurs commissions
audit sieur de Courtilles, dont il s'est
bien acquitté.
En 1749, Madame la baronne de Wd-
rcns et M" Mansord, de la ville de Cham-
béry, et Perrichon, de celle de Lyon, ac-
quéreurs des mines de la haute-Maurien-
nc, et entrepreneurs associés des fabriques
ont élus et députe ledit sieur de Courtil-
les inspecteur, et controlleur aux mines
et fabriques susdittes, pendant l'espace de
neuf années, avec Tappointement de douze
cent livres par an, sa table sur le pied de
trois cent livres, et le logement et l'en-
tretien d'un cheval, ainsi qu'il résulte
par ses conventions qu'il m'a exhibées, du
14 8bre 1749, et 12 7bre 1750.
Ensuite des susdites conventions, il en-
tra aussitôt en exercice de Temploy qu'on
luy avoit confié et a continué d'en faire
les fonctions jusqu'au mois de mars 1752,
auquel temps la susditte Compagnie ayant
154 LES DERNIERES ANNEES
par un nouveau règlement député le nom-
mé Thoring directeur général des mines
et fabriques susdittes, il entra en négocia-
tion avec le sieur de Courtilles afin de le
porter à renoncer à son employ d'inspec-
teur et controlleur d'icelles, comme en effet
par contrat du 12 mars 1752 il s'en départit
moyennant la pension de six cents livres
par ans, que ladite Compagnie luy a ac-
cordée pendant six années à commencer
le i^*" juillet de ladite année 1752, et à finir
le 30 juin 1758, qui est justement le terme
que devoit durer son employ d'inspecteur
et controlleur.
En outre la ditte Compagnie a expédié
en faveur dudit sieur de Courtilles, un
certificat en datte du 14 mars 1752, por-
tant sa déclaration qu'il avoit exercé pen-
dant trois années le susdit employ avec
toute habileté activité fidélité et probité.
Dans la même année 1752, Sa Majesté,
par des pattentes du 30 8bre, a accordé à
Madame la baronne de Warens et audit
sieur de Courtilles le privilège exclusif de
ia recherche et excavation du charbon de
DE MADAMi: l)i: WAREN8 I55
pierre et de terre, soit trouille (sic;, dans
les provinces de Savoyc. — Comme ils
n'avoienl pas les f(Mids à ce nécessaires,
ils ont associés M" La Courbière et Bé-
rard, de Genève qui ont entrepris l'excava-
tion du charbon à Arraches, dans la pro-
vince de Fanci^my, mais jusqu'ici laditte
entreprise n'a pas produit l'effet qu'on s'c-
toit proposé et l'excavation en est arrestée.
Apres avoir dctaillc les occupations que
ledit sieur de Courtilles a eu pendant l'es-
pace de 20 ans qu'il resta à Chambcry, je
passe aux qualités personnelles que je lui
ai connu à la suitte de plusieurs entretiens
qu'à ces fins j'ai eu avec lui
Il a de l'esprit de la vivacité. Il marque
du goût, et quelque intelligence en tout ce
qui ressort de l'exploitation des mines et
l'excavation du charbon. Il s'énonce bien.
Il parle un peu volontiers et même il scait
bien faire valoir tout ce qu'il a fait. Bail-
leurs par les connoissances exactes que
j'ai pris il ne m'est revenu rien d'équivo-
que ni sur sa conduite ni sur ses mœurs.
Il s'est marié il y a quatre ans avec la
156 LES DERNIÈRES ANNEES
fille du nommé sieur Bergonsi de la ville
de Moutiers et jusqu'ici heureusement
pour lui il n'a point d'enfans.
Suivant les ordres de Sa Majesté portés
par la lettre de M*" le chevalier Ferraris du
... de Tannée dernière, je donnai audit
sieur de Courtilles la commission d'inspec-
teur aux réparations des chemins pendant
l'été passé dont il s'en est bien acquitté,
mais comme la pension de L. 600 dont il
est fait mention ci-dessus touche bientôt
à sa fin il est certain que cette inspection
ne pourroitpas lui fournir de quoi subsis-
ter puisque les travaux qui se font en ré-
paration des chemins ne pourroient l'oc-
cuper que par intervalle pendant l'espace
de quatre ou cinq mois tout au plus. —
Un poste fixe dont il pût faire usage des
connoissances acquises seroit vraiment ce
qui lui conviendroit. — C'est aussi ce qu'il
demande pour se procurer une subsistance,
mais la Savoye n'en fournissant aucun à
présent, ce n'est que de là les monts qu'il
pourroit l'obtenir, en cas que Sa Majesté
veuille daigner le lui accorder, et l'en-
DE MADAMF. DK WAKKNS I57
couraji^cr parla h persévérer dans la religion
qu'il a embrassée.
Chambcry le i8 xbre 1737.
Quelques semaines après, les deux as-
sociés envoyaient encore la supplique sui-
vante au Comte Capris de Castcllamont,
pour obtenir l'autorisation d'afficher la
mise en vente des charbons qu'ils avaient
extraits de leur houillère d'Arache :
REQUÊTE ET DÉCRET
de la ci a tue Eléonoie de Warrens de Lx
Tour et du sieur de Curtilles four la
vente de charbons de pierre
Supplie humblement dame Françoise
Louise Elconore de Warrens de La Tour
et le sieur Jean Rodolphe de Courtilles et
Compagnie :
Disant qu'il auroit plu à Sa .Majesté,
par ses pattentes du 30 8bre 1752, d'accor-
der à ces deux premiers le privilège d'ex-
caveret faire excaver les minières de char-
bon de pierre ou de terre, soit bouillie
privativement à toute autre personne dans
158 LES DERNIÈRES ANNEES
l'étendue du duché de Savoie, de la ma-
nière et aux conditions exprimées par les-
dittespattentes, par lesquelles il est spéci-
fié, article 2. Que dès que les suppliants
auroient fait la découverte desdittes mi-
nières ils seroient tenus de les dénoncer
sans délay au seigneur intendant général
en Savoye et de luy en présenter en mô-
me temps des échantillons, pour être par
luy envoyés à Turin es mains du Chef du
Congre établi pour les minières, aux fins
que la reconnoissance et Tessay desdits
échantillons soient faits dans l'arsenal de
Sa Majesté.
Il est aussi porté par l'article 3 que les
suppliants feroient travailler à l'excava-
tion desdittes minières de charbon avec
tout le bon ordre et règle de l'art, en
observant encor toutes les dispositions et
instructions qui seroient données par le
seigneur chevallier de Robillant inspecteur
général des minières ou par qui seroit par
luy à ce proposé.
Par l'article 5 il est porté qu'il sera fa-
cultatif aux suppliants hors des Etats de
DE MADAML: UK WAKKN8 I 59
Sa Majesté le susdit charbon après cepen-
dant qu'il en auroii clc entièrement pour-
vu à prix convenable au besoin de la Sa-
voyc, des salines et autres fabriques et
fonderies de Sa dite Majesté, tant en Sa-
voie qu'aillicurs, toutes fois et quant ils
en seroient requis, à condition encor que
l'extraction dudit charbon hors des Etats
ne pourroit être faille sans en avoir préal-
lablemcnl concinc la quanlilc audit sci-
g-ncur intendant général qui ordonneroit
sur ce, les précautions nécessaires.
Les suppliants ont faite entre autres ex-
caver une minière dans la paroisse d'ha-
rache sur Cku;cs en Foussigny et ont re-
mis en 1756 et 1757 à votre bureau, des
échantillons et comme ils en ont audit
harache une assez grande quantité d'ex-
traits, pour pouvoir les débiter, ils vici:-
nent recourir :
A ce qu'il vous plaise, Monsieur, en tant
que Sa Majesté n'auroit pas besoin dudit
charbon, pour ses sallines ou autres fa-
briques et pour que les suppliants puis-
sent extraire celuy dont les sujets de S
l6o LES DERNIÈRES ANNEES
Majesté n'auront pas besoin, leurs permet-
tre de faire publier par des affiches publi-
ques, dans les endroits qu'il vous plaira,
que ceux qui voudront s'assortir dudit
charbon aient à le déclarer à votre bureau
ou à ceux qu'il vous plaira, dans le terme
qui sera par vous préfîgé pour qu'en con-
séquence il vous plaise donner les disposi-
tions convenables pour l'extration desdits
charbons. Ef sur ce, plaise pourvoir.
Signé M^ Bertier, procureur.
Cette supplique, qui fait partie des ti-
tres déposés aux Archives départemen-
tales de la Savoie, est suivie d'une ordon-
nance de l'Intendant général de la Savoie,
faisant droit à la demande de ]\1™^ de
Warens :
T)écret de V Intendant général sur la
présente requête
Vu les pattentes accordées par Sa Ma-
jesté le trentième octobre mil sept cent
cinquante deux à la dame Françoise Loui-
se Eléonore de Warens de La Tour, con-
DE AlADAMi: DK WARKNS l6l
joiiUcmciU au sieur Jean Rodolphe de
Courlilles, portant privilè*:cc de la recher-
che et excavation des minières de char-
bons de pierre et de terre, soit houille
dans toutes les provinces de Savoie, priva-
tivement à toute autre personne, moicn-
nant les conditions et résci'\'es y exprimés.
Attendu que par l'article 5 desdittes
pattentes il leurs est accorde la faculté
d'extraire hors des Etats de Savoie les
charbons qu'ils auront cxcavés, après ce-
pendant qu'il aura été entièrement pourvu,
à prix convenable, aux besoins de la Sa-
voie.
Et vu que ladittc Dame et son associé
ont satisfait au contenu dans le second
article d'icelles, portant dénonciation des-
dittes minières et remission des échantil-
lons des charbons en provenants, à l'in-
tendant général de Savoie soussigné ;
Avant que de permettre l'extraction
suppliée en la requête cy dessus ; Ordon-
nons que le vente des charbons qui se
trouve déjà excavés sera publiée aux lieux
et manière accoutumée, dans toute la pro-
102 LES DERNIÈRES ANNÉES
vince de Foussigny, eu égard que les autres
provinces de ce duché ne sont pas à portée
de s'en prévalloir avec avantage ; que la ven-
te d'iceux se fera à juste prix, lequel au be-
soin sera môme déterminé et fixé dans les
publications, par Monsieur l'intendant de
celle de Foucigny, Graffion, ainsy que
nous Ton chargeons; et que ces charbons
seront exposés et mis en vente publique,
pendant l'espace de quinze jours consécu-
tifs, tant en gros qu'en détail, en assignant
par les publications, les lieux et magasin
où elle se fera pendant le susdit terme.
Déclarons que pour que les suppliants
puissent vous faire contester (sic; sans
doute faute de copiste, pour conster), soit
de la publication dont s'agit, soit s'il ne
se sera présenté aucun achepteur, les res-
pectifs secrettaires de chaque parroisse,ou
à leur absence les chatellains des lieux de-
vront, en même temps qu'ils feront les pu-
blications dont il est parlé, notifier que
ceux qui voudront achepter de ces char-
bons aient à se concigner à eux, affin que
dans le cas qu'il ne se présente aucun
I)i: A\AhAMi; hi: VVARKNS 163
achcptcur, ledits sccrcllaircs ou chalcllains
soient à mcnic d'en pouvoir expédier leurs
ccitilicats en authentique forme ; lesquels
de mcmc que ceux des publications nous
seront rapportés avec le présent décret
pour être ensuite pourvu, ainsy qu'il sera
reconnu de justice.
Ft comme le présent décret doit être
rendu public dans toute la province de
Foussigny, nous permettons au suppliant
de le faire imprimer à leurs fraix, de mê-
me que la requête qui le précède, et les
affiches pour la vente dont s'agit, par le
sieur imprimeur du Roy, Gorrin.
A Chambéry, au bureau de l'intendance
générale de Savoie, le seize février mil
sept cent cinquante huit. —
Signé par le seigneur de Capris de Cas-
tellamont, et par le sieur Beauregard.
Une autre demande, puisée au même
fonds, fut adresr^ée, en avril 1758, au
comte Capris de Castellamont parles deux
associés, afin d'obtenir Tautorisation de
faire sortir des Etats du roi, pour être
164 LES DERNIÈRES ANNEES
transportés économiquement à Genève,
par la rivière d'Arve, i 5,000 quintaux de
charbon de pierre provenant de la mine
d'Arache et dont la vente n'avait pu se
faire dans le pays :
Au seigneur Comte Capris de Castellamont
Intendant Général en Savoie
Supplie humblement dame Françoise
Eléonore de Warens de La Tour et le
sieur Jean Rodolphe de Courtille et Com-
pagnie :
Disant qu'ensuite des privilèges ac-
cordés par Sa Majesté aux deux premiers,
par ses patentes du 30 8bre 1752, ils au-
roient fait excaver dans la paroisse d'Ara-
che en Foncigni une assez grande quan-
tité de charbons de pierre, et comme par
l'article cinq des mêmes patentes, il est
porté qu'il sera facultatif aux suppliants
d'extraire hors des Etats de Sa Majesté
ledit charbon, après cependant qu'il en
auroit été entièrement pourvu à prix con-
venable, aux besoins de la Savoye, des
salines et des autres fabriques et fonderies
DE MADAME DE WAREN8 165
de Sa Majcslc, lant en Savoyc que ailleurs,
toutes fois et quant ils en seroient requis,
à condition encor que l'extraction desdits
charbons hors des Ktats ne pourroit être
faitte sans en avoir préalablement concî-
nné la quantité à Votre Seigneurie qui or-
donneroit sur ce, les précautions néces-
saires.
Les supplians qui ont actuellement en-
viron quinze mille quintaux desdits char-
bons d'excavc, ainsi que résulte du certi-
ficat du Conseil dudit Arache, du 6 de ce
mois, cy joint (Le certificat manque dans le
registre), ont exécutes ce qu'il vous a plu
de leur préfiger, par votre décret du i6
février dernier en le faisant publier dans
toutes les paroisses du Foucigni ; et com-
me il conste des certificats cy joints que
personne ne s'est présenté pour en
acheter, quoique le prix en fut taxé à un
prix si modique qu'à peine suffit il pour
l'excavation, et qu'ils peuvent tirer un bé-
néfice en le faisant passer à Genève, et
qu'à terme desdits privilèges, c'est vous,
Monsieur, qui êtes commis pour en per-
l66 LES DERNIÈRES ANNÉES
mettre Textraction hors des Etats, et or-
donner les précautions nécessaires à ce
sujet; C'est pour obtenir cette permission
que les supplians viennent recourir :
A ce qu'il vous plaise, Monsieur, per-
mettre aux supplians, de faire conduire à
Genève, ledit charbon qui se trouve ex-
cavé, et comme la voiture par terre seroit
si dispendieuse que le produit desdits
charbons ne pourroit pas suffire pour
payer les fraix du transport, et d'excava-
tion, d'autant qu'il leur coûte déjà consi-
dérablement pour le descendre de la
montagne permettre aux supplians de
transporter ledit charbon sur la rivière
d'Arve et sur des battaux bâtard, pour la
construction desquels il ne faut que très
peu de bois qui ne seront pris que dans
les endroits qui seront fixés par Monsieur
l'intendant du Foucigni et qui seront
payés par les supplians au prix qu'il luy
plaira de fixer ; vous suppliant de faire at-
tention qu'au moyen de ce, l'on fera en-
trer dans le païs de l'argent d'une chose
qui jusqu'icy n'a rien produit, et qui peut
Di: .MADA.ML DL NYAKLNS 1 67
lournir une occupation cl cnlrciicn à nom-
bre d'ouvriers, tant par l'exlraclion de la
minière que pour descendre lesdils char-
bons depuis la monta<jrnc jusqu'à ladittc
rivière, qui sera un objet assés considéra-
ble. Les suppliants étant prêt de se sou-
mettre à toutes les précautions qu'il vous
plaira de déterminer.
Signé : Bertier
Cette requête fut suivie d'une ordon-
nance, qui fait également partie des titres
déposés aux Archives départementales de
la Savoie, par laquelle l'Intendant géné-
ral permettait Texportation des 15,000
quintaux de charbon, mais par voie de
terre seulement :
Vu les certificats des syndic et conseil de
la communauté d'Arachc du 6 du courant,
duquel il résulte que la dame Françoise
Eléonore de Vuarens de La Tour, et le
sieur Jean Rodolphe de Courtille et Com-
pagnie se trouvent avoir actuellement en
fond la quantité de quinze mille quintaux
l68 LES DERNIÈRES ANNEES
de charbons de pierre qu'ils ont fait tirer
et excaver de la minière dudit Arache en
Foucigni.
Vu les déclarations et certificats des
châtelains et secrétaires de toutes les pa-
roisses de la ditte province, portan que
lesdits charbons excavés au lieu que des-
sus ayant été exposé en vente publique
tant en gros qu'en détail et au prix fixé
par M*" l'intendant du Foucigni conformé-
ment à ce qui est prescrit par notre décret
du i6 février dernier, personne ne s'étoit
présenté pour les acheter en gros ni en
détail.
Les supplians ayant satisfait à ce qui
est porté par les lettres patentes du 30
8bre 1752 que Sa Majesté leur a accordé,
de même qu'à ce qui leur a été enjoint par
notre décret susdésigné, en exécution
d'icelles.
NOUS déclarons que les susdits sup-
plians sont dans le cas de jouir de la li-
berté accordée par lesdittes patentes d'ex-
traire hors des Etats de Savoye la susdit-
te quantité de charbons qui se trouve ac-
DE MADAME DE WARENS 169
lucllcmciU cil fond audil Arachc, cl en
conscqucncc nous leur permettons d'effec-
tuer ladille extraction par terre tant seule-
ment et par les routes accoutum<;s, et
moyennant qu'à mesure qu'ils les extrai-
ront ils en concignent la quantité au sieur
receveur de la douane de Sa Majesté à
Carouge ou autres receveurs, sans aucun
fraix des endroits où l'extraction pourra
être faitte aussi par terre, à l'effet de quoi
les supplians leur communiqueront la
présente pour qu'ils s'y conforment et
tiennent notte de la quantité desdits char-
bons qui seront extraits.
Chambéry le 24 avril 1758
signé Capris de Castellamont
Cependant, la première Société, fondée
par M"'' de Warens, fonctionnait toujours,
car les Archives départementales de la
Savoie possèdent, à la même époque, les
Lettres patentes par lesquelles le roi Char-
les-Emmanuel III accordait l'exemption
des droits d'aubaine aux membres de la
Compagnie des mines de la haute Mau-
lyO LES DERNIERES ANNEES
rienne et à tous les employés et ouvriers
étrangers qui y étaient attachés. Ce docu-
ment est surtout remarquable, parce qu'il
donne l'état complet du personnel étran-
ger de la Compagnie :
7 Avril 1758
Lettres patentes àe M' le chevalier Camille
Perrichon, de Lyon.
Par ces lettres-patentes, le roi Charles-
Enmanuel III accorde l'exemption du droit
d'aubaine au chevalier Camille Perrichon,
de la ville de Lyon, principal intéressé
aux minières de la Haute-Maurienne, à
ses héritiers ou ayant cause et aux autres
intéressés actuels ou avenir dans la Com-
pagnie ; ainsi qu'aux directeurs, commis,
employés et ouvriers^ travaillant actuel-
lement ou qui travailleront à l'avenir pour
l'avantage de ladite Compagnie, auxdites
minières.
NOTTE DES ÉTRANGERS
actuellement intéressés, employés et ou-
DE iMADAML DL WAKLNS I7I
vricrs travaillaiiL aux minières de la haute
Maurienne, présentée à la Royale Cham-
bre des Comptes, en conformitc5 des Lettres
pattentes de Sa Majesté du 7 avril der-
nier pour la 1(W d'aubaine
Camille Pcrrichon, chevalier de l'Ordre
du Roy, conseiller d'Etat ordinaire, ancien
prévost des marchands et commandant de
la ville de Lyon, principal intéressé.
François Perraud La Branche, conseiller
du Roy Membre de TUniversitc de Paris,
cessîonnaire et associé aux mines situées
dans la paroisse de Bramans.
Etienne Durand, commis, natif de Mont
Carrât en Dauphiné.
Thomas huieling, natif de Fielberg,
province de Deux-Ponts ;
Frédéric Kraous, caporal mineur, saxon;
Godlip Pennot, id, mineur ;
Godlip Vogt, id ;
David Vogt, id ;
Jean Repail, mineur, Tirolien ;
Paul Tessonster, id ;
Antoine Bourga, id ;
Jean Bourga, id ;
172 LES DERNIERES ANNEES
Joseph Bergner, id ;
Ignace Berlioz, id ;
Jean Bessay, mineur, Forisien ;
Joseph Canova, charbonier, Milanois ;
Dominique Jengana, id ;
Je soussigné, Joseph Thorin, de la
paroisse de Chesne, en qualité de direc-
teur des mines de la haute Maurienne,
dépendant de M. Perrichon, déclare que
tous les susnommés sont actuellement
employés aux travaux desdites minières.
En foy de quo}^ j'ai signé la présente
notte, par ordre dudit M. Perrichon.
Chambéry le 16 juillet 1758.
Signé Thorin, directeur.
De son côté, Mme de Warens, pauvre
au point de ne pouvoir disposer d'un écu,
écrivait encore au baron d'Angeville :
Ce 21 septembre 1758 Nezin.
Monsieur
Je n'ay put me résoudre mon cher
Baron, d'avoir Ihoneur de vous écrire,
que je neu enfin quelque chose de ter-
DE AtADAMI. Di: WARENS I73
mine/, ccpcndciU comme il faudroils des
volume pour vous instruire par écri des
avantures quil mariven, aux sujets de ma
peauvre fabrique de terraillies, qui me
douent pour le moins autcnt de peines
que le fameux d<Miquichotte de la menche,
en éprouvât autre foy dens sa montagne
noire, pour vous mètre tout a coup aux
fets de toutes ces choses, je prends la
resolution des que je pouray avoir un
ecus a ma dispositions, de vous envoier
mon embassadeur, qui vous expliqueras
le tout, et vous vairez mon très cher
Baron par preuve, que bien loins que
votre stille sinseire mèloigne de vous, que
je vous suis sinseirement atachees pour le
reste de ma vie et vous en vairez des
preuvent, lorsque mon embassadeur auras
Ihoneur de vous faire sa reverance ce qui
seras le plus tôt quil me seras possible,
par la raison que je vous ait expliques cy
dessus prenez un moment de patience, je
vous prie, et conservez moy vôtre chère
amitié, ne doutes james de la sinserites
de la mienes et me croire jusques aux
174 LES DERNIERES ANNEES
trépas avec un entier dévouements et la
plus respectueuse considérations
Monsieur et très cher Baron
Votre très humble et très obeisscnte
servante
La Barone De Warens De La Tour.
Chambery
ce 2 1 7bre
1758
M"" Danel vous présente ces très hum-
bles obeissence et remersiements de Iho-
neur de votre souvenir.
En publiant ce document dans sa Note
sur Madame de Warens, Jacques Replat
fait remarquer que cette lettre a, comme
suscription, la même adresse que celle du
15 octobre 1756; il ajoute. (( Celte fois,
madame de Warens n'a pas scellé de son
cachet aristocratique, de son grand ca-
chet d'homme-d'affaires ; mais elle a
mis un tout petit cachet qui représente
un discret amour, le doigt sur la bouche,
et entouré de cette devise : Muto non sicco
(muet, mais toujours tendre).
1)1 A\AI>\^\I. 1)1. WAlUùNS 175
(( Au bas de la Ictlic du 15 octobre 1756
cl de celle de 21 septembre 1758, où do-
minent les sentiments religieux et graves,
ce petit cachet avec sa devise ne complète-
l-il pas nuuhiinc de ^\^lrc^s > 11 montre
bien ce qu'elle ctail : à la fois pieuse et
légère. El ce cachet mignon n'est-il pas
un argument pour ncUrc adage de tout à
l'heure : a La vieillesse n'est permise
qu'aux hommes > ))
Replat fait ensuite, au sujet du post-
scriptum de la IcUrc du 21 septembre
1758, une série de conjectures, sans portée
depuis la publication que fit M. de Saint-
Genis. en 1S69, dans son Histoire de
Savoie, de l 'acte mortuaire de Claude Anet,
enterré à Chambéry le 14 mars 1734.
Dans son livre Les C h. innettes, Arsène
lîoussaye cite en note, page 264, un bil-
let sans date de Mme de Warens (( qui
prouve, dit le spirituel écrivain, une fois
de plus sa folie pour les simples » :
Cy Monsieur le Baron vouloit ce don-
176 LES DERNIERES ANNEES
ncr la peine de livrer une copie de ce
manuscrit pendant un jour que M. Danel
aura l'honneur de rester au près du luy ;
et de sinformer a Annecy combien il en
couterois pour en faire imprimer deux
cent exemplaire en bon caractère de saint-
ogustin et bon papie, je lui serois fort
oblige de mendoner réponse ; je trouve
que cela conviendrois bien mieu d'être
donez aux public que les orviétan et il
y aurois plus d'honneur et de profit à ce
remède, que je recommande à la protec-
tion de mon sieur le baron Daneville et
il obligeras sa très humble servante,
La baronne De Warens De La Tour.
Ces quelques lignes paraissent complé-
ter la missive du 21 septembre 1758, par
l'exécution de la promesse que la baronne
y avait faite, au destinataire, de lui envoyer
son embassadeur. Quoi qu'il en soit, Mme
de Warens écrivait encore, dès les pre-
miers jours de Tannée suivante, à son
créancier d'Annecy :
DE MADAME DE WAREN8 I77
cA tMonsi'cur [Monsieur 'Dr Lambert^ baron
d'cAtii^^cvillc, à La Caille près ci* ^Annecy
A La Caille.
Ce 20'' janvier 1759. Nezin.
Monsieur,
Serait-il possible, mon cher baron, que
vous eussiez le courage de continuer votre
silence dans cette nouvelle année > Je vous
ai offert mes vœux les plus sincères [à V]
occasion des saintes fêtes de Noël ; je vous
les réitère dans ce renouvellement d'an-
née, priant Dieu qu'il lui plaise vous l'ac-
corder des plus heureuses, avec grand
nombre d'autres comblées de toutes sortes
de bénédictions, et que, dans tout le cours
de vos prospérités, que vous ayez la bonté
de ne pas oublier entièrement la pauvre
veuve qui prie Dieu tous les jours pour
vous. Soyez-en, je vous prie, bien per-
suadé, de môme que du parfait attache-
ment et du respect avec lequel j'ai l'hon-
neur d'être
Monsieur et très-cher baron
Votre très humble
et très obéissante servante
La baronne De Warens De La Tour.
178 LES DERNIÈRES ANNEES
Le pauvre M' Dancl est comme moi très
en peine de votre silence ; il vous prie de
vouloir agréer son plus profond respect.»
L'original de cette lettre est à la Biblio-
thèque de Genève ; en la publiant dans sa
remarquable étude, Jean-Jacques Rous-
seau et Madame de Warens ; notes sur leur
séjour à Annecy d'après des pièces inédites,
Théophile Dufour a dit fort judicieuse-
ment : (( Elle offre, comme la missive du
21 septembre 1758, un post-scriptum qui
mentionne le pauvre ?i/. T>anel. Replat (qui
écrivait en 1855) a pris ce personnage
pour Claude Anet, dont on n'avait pas,
encore, retrouvé l'acte de décès, comme
si Jean-Jacques avait pu inventer de toutes
pièces le récit de la mort de l'herboriste !
En réalité, Mme de Warens, qui avait
perdu Claude Anet en 1734, a eu à son
service, plus de vingt ans après, en 1758
et 1759, un sieur Danel. Est-ce toujours
le secrétaire qui, le 15 octobre 1756, se
mourait d'un abcès dans la poitrine et
venait de recevoir tous ses sacrements ?
DE MADAME DE WAREN8 I79
Est-ce son successeur } Je l'ignore, mais
une chose paraît certaine : c'est en allant
aii\ informations, vers 1785, auprès des
vieillards qui avaient connu Mme de
Warens et son intérieur, que le médecin
Doppet aura appris l'existence de ce Da-
nel, dont on pouvait fort bien se souvenir,
surtout s'il a\ait vraiment survécu à sa
maîtresse, et, c'est grâce à la ressemblan-
ce fortuite de ces deux noms, Ajict et ©j-
iicl, qu'il a pu échafauder ses romans, les
(Mémoires de (Mme de Warens, les tMé-
vioires de Claude cAnet, les Méjiioires du
chevalier de Courtille, ces absurdes et
plates supercheries qu'on s'étonne de voir
encore citées de nos jours. ))
Cependant, les démarches que Wint-
zenried et Mme Warens avaient commen-
cées, au printemps de 1758, pour l'écou-
lement à Genève du charbon provenant
de leur mine d'Arache, — lesquelles
avaient abouti à la permission d'exporter
15000 quintaux, mais par voie de terre
seulement, — semblaient entrer dans une
l80 LES DERNIÈRES ANNEES
phase décisive. En effet, le Registre copie
des lettres de l'Intendance Générale de Sa-
voie-Genevois, années 17 59- 1760, conser-
vé aux Archives départementales de la
Haute-Savoie, contient le document sui-
vant :
U Intendant Général, SV/^" Joseph Capris,
comte de Castellamont à (M, Passier, In-
tendant à Annecy,
— Du 9 juillet 1759 —
Madame la baronne de Vuarens de La
Tour ayant supplié S . M . de lui accorder la
permission de faire descendre par la rivière
d'Arve jusqu'à Genève six à sept radeaux
chaque année pour le transport à la dite
ville, du charbon qu'elle fait exploiter à
Araches. Il m'est nécessaire de savoir si
ces radeaux pourront flotter sans que l'on
ait à faire des ouvrages où sur les bords
où dans les fonds, et en quoi ils peuvent
consister et qu'elle en seroit la dépense.
Comme S. M. avant de se déterminer à
accorder la permission dont Elle a été
DE MADA.MF UF. WARKNS l8l
supplice, veut cire (îclaircc sur ces faits.
Je m'adresse à vous, M', qui connaissez la
dite rivière et savez les clTcts que peut
faire le flottement des radeaux en vous
priant de me procurer au plus tôt possible
tous les éclaircissements dont s'agit ,
accompagnés de toutes vos rcflections sur
cette affaire qui ne saurait être plus déli-
cate. J'ai l'honneur etc.
La mcmc registre contient aussi la ré-
ponse que fit l'Intendant :
Monsieur
J'ai eu l'honneur de vous envoyer.
Monsieur, avec ma lettre du i^*" octobre
1756, un mémoire assez étendu au sujet
d'une demande de M*" le Baron de Vallé-
rieux, à peu près de même nature que
celle que Madame la Baronne de Warens
De La Tour fait aujourd'huy à S. M., et je
crois que les notices, qu'il renferme pour-
ront suffire pour vous mettre en état de
donner votre avis sur la requête de cette
Dame. Vous observerés en particulier
l82 LES DERNIÈRES ANNÉES
que les radeaux, pour lesquels elle de-
mande la permission, n'exigent aucun
ouvrage à faire sur les bords de la rivière
d'Arve ; puisque non seulement le S"" Sad-
det y en a fait flotter depuis la paroisse
d'Arenthon ; mais qu'il en est encore venu
clandestinement il y a quelques années
depuis le Haut-Faucigny jusques à Genève
sur cette rivière.
Ce qui établit sans réplique la possibi-
lité du flottement de ces radeaux, bien loin
de porter aucun préjudice à qui que ce soit,
servent au contraire à rendre les rivières
insensiblement navigables, et à prévenir
les dégâts, qui suivent ordinairement leurs
excrescences causées par la fonte des neiges
et de grandes pluyes. En ce que ces ra-
deaux, en heurtant contre les bancs de
sable, donnent lieu aux cours de l'eau de
s'y insinuer ; et par conséquent d'en dé-
barrasser le lit de ces mêmes rivières.
Si cependant vous souhaitiés quelques
informations ultérieures sur cette matière,
Je me ferai un plaisir, et un devoir de vous
les communiquer aussitôt.
1)K MADAME DE WAREN8 183
Votre 1res humble et trcs obéissant
serviteur
Dl Passier
Annecy ce lo Juillet 1759
M*" Le Comte Capris De Cam llla.mo.nt
Chambéry
M"'^ de Warcns descendait alors les
derniers échelons de la misère. L'hist')irc
en a la preuve dans le document suivant
reproduit, mais en anglais, dans le remar-
quable ouvrage de Bayle St-John : The
subalpine Kingdom.
En traduisant le IIî' chapitre du pre-
mier volume de cet ouvrage, la Revue
britannique de juin 1856, huitième série,
i'"'' année, donne, aux pages 381 et 382,
avec les réflexions de Fauteur cité, la subs-
tance, d'après le texte anglais, de cette
lettre, datée du 10 mars 1760 : (( On y voit
Mme de Warens, réduite à la plus triste
condition, cherchant à vendre l'influence
qu'elle possède sur quelques personnages
puissants. Nous ne savons à qui elle est
adressée. ))
184 LES DERNIÈRES ANNEES
Monsieur, suivant le mandat que vous
m'avez donné de rechercher les titres dont
vous avez besoin pour obtenir, au profit
de votre Compagnie, une solution favo-
rable dans l'affaire Lalement, j'ai décou-
vert, grâce à l'aide de mes patrons, un
moyen assuré de me procurer en original
la pièce que vous savez, si toutefois elle
existe encore dans les bureaux du minis-
tère espagnol. Si l'on ne parvenait pas à
la découvrir, nous obtiendrions de l'infant
D. Philippe un ordre pour le marquis de
Lancerade, ou l'intendant Deville, lesquels
fourniraient une déclaration authentique
certifiant que le document a existé à la
date mentionnée dans le mémoire que
vous m'avez remis. Voilà ce que je suis
prête à faire pour vous, moyennant que
vous me procuriez, par le moyen de vos
associés de Lyon, une somme de vingt à
vingt-cinq louis, devant servir aux dé-
penses indispensables. Je vous rendrai
compte de l'emploi de cette somme. Vous
savez que vous pouvez vous fier à moi,
ma conduite et ma probité vous sont assez
DE MADAME DE WARENS 185
connues, ainsi que mon zèle pour votre
service. Si vous voulez que nous réussis-
sions, il se faut hâter, la personne qui doit
agir se trouvant sur le point de se rendre
auprès de l'infant, etc., etc.
Quant à la récompense que vous
m'avez promise en cas de succès, je compte
bien que vous tiendrez votre parole. Je
ferai tout au monde pour mener l'affaire
à bien. Mais si vous ne m'envoyez pas im-
médiatement le petit secours que je vous
demande, rien ne peut réussir. Rien ne
sort de rien.
La baronne de Warens de La Tour.
(( Le sentiment d'une nécessité pres-
sante a pu seul dicter ces lignes, qui sans
doute furent écrites la rougeur au front»,
ajoute Bayle St-John. Cet écrivain, s'ex-
primant il y a près de trente-cinq ans,
formulait, dès lors, un jugement remar-
quablement pondéré sur la baronne, dans
l'ensemble du IIP chapitre, qu'il lui con-
sacrait, au premier volume de son ouvrage,
auquel tout critique, s'intéressant à Jean-
l86 LES DERNIÈRES ANNEES
Jacques, devra toujours se reporter quel-
que peu, pour échapper aux absurdes
déductions du rigorisme puritain.
Cependant il était écrit que Mme de
Warens ne sortirait jamais de l'engrenage
des affaires. Le croirait-on > peu de temps
après avoir commis la lettre du lo mars
1760, la baronne rachète, d'un sieur Char-
don, une part d'associé dans ses entre-
prises et abandonne, en paiement, des
quartiers de la pension que lui faisait le
roi de Sardaigne ! L'acte figure, en ces
termes, au 2^*^ volume de 1760, folio 173,
des registres du Tabellion de Chambéry :
RETROCESSION
pour la dame baronne de Warens de La
Tour, par le sieur cAntoine Chardon, né,
bourgeois, et habitant de Chambéry,
portant la somme de L. 11 jg. 18. 2.
L'an mille sept cent soixante, et le vingt
huict du moisde may,à Chambéry, à deux
heures après midy, au feaubourg de
Nezin, dans la maison ou habite la dame
baronne de Warens de La Tour : parde-
nn MADAMR DK WARENS 187
vaiU mni noUairc royal collcgié soussi-
gné, et présents les témoins bas nommés,
s'est en personne établi et constitué le
sieur Antoine fils à feu humbcrt Char-
don, ne, bour^^eois et habitant de la pré-
sente ville ; lequel de gré pour luy et les
siens, recède, quitte, remet, transporte, et
rétrocède à dame Françoise Louise Eléo-
nore, fille de feu noble Jean Baptiste de
La Tour, baron d'empire, épouse de feu
Isaac Sebastien de Warens, native de
Vevay païs de veau en Suisse canton de
Berne, habitante dudit Chambéry, ici
présente et acceptante pour elle et les
siens, à scavoir généralement tous les mê-
mes droits et prérogatives qui luy ont
été faittes, et au sieur Claude Vidal son
associé par feu spectable Jean Charles
Perrin, par contract passé entre eux le
septième aoust mille sept cent cinquante
sept, receu par je nottaire soussigné, icel-
lui dérivant d'un autre contract portant
département en faveur de ladite dame
baronne de Warens, par ledit feu sieur
Perrin, du huictième mars mille sept cent
l88 LES DERNIÈRES ANNEES
cinquante quatre, receu de même par ]é
dis nottaire soussigné, à la teneur des-
quels les parties se raportent pour la gé-
néralité des choses rétroceddées, tout
comme si par le présent ils étoient répé-
tés de mot à mot, et sous les mômes clau-
ses y contenues, ceddant le dit sieur
Chardon par exprès à la ditte dame
baronne de Warens toutes antériorités de
dattes, primauté d'hypothèque, nature,
privillège de créances et clauses de cons-
titut dérivants d'yceux, La met et subro-
ge en son propre lieu, droit, et place, la
constitue pour sa procuratrice spéciale et
générale, avec pouvoir de constituer et
substituer, sous toute due élection de do-
micile, tant pour agir que pour exciper,
ainsi et comme elle verra à faire, néan-
moins contre tous autres, que contre le
dit ceddant, le présent transport, et rétro-
cession faitte de la part dudit sieur ced-
dant à laditte dame baronne de Warens,
pour, et moyenant le prix, et somme
d'onze cent septante neuf livres dix huict
sols deux deniers, eue et reçue réellement
DE MADAME DE WAREN8 189
ladillc somme par Icclil siciir Chardon, en
la remission que luy a fait ladilte dame
baronne de Warcns, de partie de ses
quartiers à prendre sur la thrésorerie gé-
nérale de cette ville, provenant de la pen-
sion via<^^àre que Sa Majesté luy a fait,
jusques à concurrance de laditte somme
d'onze cent septante neuf li\ res dix huict
sols deux deniers, et suivant le compte
amiablement fait entre lesdittes parties,
en la présence dudit Vidal associé pour
lors dudit sieur Chardon, ainsi qu'icclles
parties le déclarent, en présence de moi
ditnottaire, et témoins, icellui compte ar-
retté sous la datte du dix neuf mars mille
sept cent cinquante huict, à laquelle som-
me d'onze cent septante neuf livres dix
huict sols deux deniers, le capital et inté-
rêts, de même que la facture du contract
du septième aoust mille sept cent cin-
quante sept a été réduit, jusqu'à ce jour ;
et comme bien content, et satisfait ledit
sieur Chardon, tant à son nom qu'au
nom dudit sieur Vidal d'ici absent, en
quitte et libère laditte dame baronne de
igO LES DERNIERES ANNEES
Warens, avec promesse de n'en plus ja-
mais rien demander ny rechercher, en
jugement ny dehors, aux peines que cy
après, et en signe de vrai acquittement et
libération, ledit sieur Chardon a manuel-
lement remis à laditte dame baronne de
Warens, les sus indiqués contracts, sur
lesquels il a été annotté par moi dit not-
taire soussigné, qu'au moyen du présent
ils se trouvent duement solvittés, et ce
ont fait lesdittes parties par mutuelle et
réciproque stipulation et acceptation, ont
promis et promettent inviolablement exé-
cuter le présent, ny d'y venir au contraire,
directement ny indirectement, aux peines
respectives de tous dépens, dommages,
intérêts, à l'obligation réciproque de tous
et un chacun leurs biens présents et
avenirs, avec constitution d'yceux, et au-
tres clauses requises de droit, fait, et pro-
noncé audit lieu, les an, jour, et heure que
dessus, en présence de M^ Louis Sognoz,
procureur au sénat, et de M^ Jean Danel,
tous deux habitants de la présente ville,
témoins requis, lesquels avec lesdittes
DE MADAME DE ^ARENS I9I
parties ont sij^^ncs sur la niinuttc de je not-
tairc soussigné, de ce recevant requis,
contenant le pressent et par moi écrit, y
compris mon verbal, et sii^niature deux
payées et demi, que j'ai levé pour le tabel-
lion, après due collation faittc sur madit-
te minuUe.
Signé Cagnon, notaire.
Il y a plus fort. L'année suivante Mme
de Warcns passait un nouvel acte par le-
quel noble de Courtilles lui vendait tous
les droits résultant, pour lui, des privilèges
qui leur avaient été accordés, conjointe-
ment, dans les Patentes royales du 30
octobre 1752. Wintzenried cédait, en
outre, tout ce qui pouvait lui revenir ou
lui être dû, comme actionnaire de la so-
ciété qu'ils avaient formée pour Texploi-
tation de leurs privilèges. Pour prix de
cette cession complète, Mme de Warens
fromettait de payer 1,355 livres, par
annuités de 150 1., à prendre, à partir
du 23 avTil 1762, sur la pension qui lui
192 LES DERNIERES ANNEES
avait ctc Icguéc par Mgr de Rossillon de
Bernex, et, d'autre part, par un verse-
ment annuel de 100 livres. Le sieur de
Courtilles abandonnait ce qui pouvait lui
être dû, pour avoir dirigé les travaux de
mines, en Tarentaise, du 28 octobre 1753
au 24 juillet 1754 ; il remettait ses comp-
tes de recettes et dépenses, ainsi que le
Livre des délibérations de la Société^ tenu
par lui. Voici l'acte probant, tel qu'il est
inséré, folio 182, au deuxième volume,
année 1761, des registres du Tabellion de
Chambéry :
VENTE
en faveur de dame Françoise Louise Eléo-
nore de Latour, baronne de Ware?is, par
noble Jean Samuel Rodolphe Wintzin-
dried de Cour tille portant en capital la
somme de L. /J55.
L'an mille sept cent soixante un, et le
huictième may, à Chambéry, au feaubourg
de Nezin de la présente ville, dans la mai-
Uh AiAi>A.MK hL WAKEN8 I93
son criKihilali< 'Il iIl la daine baronne de
Waien.s, mit les trois heures après midy,
pardevaiU moi notaire royal coUé^né
soussigné, et présents les témoins bas
nommés, s'est pers(Miii(:llcniciU établi, et
eonsiituc noble Jean Sanuicl Rodolphe
de Courtille, natif de Courtillcs, païs de
Veaux, canton de Hcrne en Suisse, rési-
dant en la présente \illc, lequel de gré,
pour lui et les siens, vend, cedde, quitte,
remet, transporte, et abandonne, pure-
ment et simplement, de la meilleure ma-
nière que faire se peut, de droit, à laditte
dame Françoise Louise Eléonore, fille de
feu noble Jean-Baptiste de La Tour, ba-
ronne de Warcns. native de \''cvay en
Suisse, aussi résidente de cette ville, icy
présente et acceptante, pour elle et les
siens, à sçavoir tout le droit appartenant
audit noble vendeur en conséquence des
privillèges par lui obtenus, conjointement
avec laditte dame achepteuse, concernant
la recherche, et excavation des minières
de charbon de pierre, de terre, soit houl-
lie, rière toutes les provinces de Savoye,
194 LES DERNIERES ANNEES
comme se voit des privillcges à eux accor-
dés par Sa Majesté le Roy de Sardaigne,
s'ous la datte du trente octobre mille sept
cent cinquante deux, en un mot ledit no-
ble vendeur vend, cedde, remet, quitte,
trans porte, abandonne et relâche à laditte
dame baronne de Warens, la généralité de
tous ces mêmes droits, en quoy qu'ils
consistent, et puissent consister, portés
par contract qu'il a passé le onzième dé-
cembre mille sept cent cinquante cinq Da-
viet notaire avec le sieur Simon fils de sieur
Pierre Bérard de Genève, agissant tant à
son nom, qu'à cellui desdits sieurs Pierre
Bérard et fils, voulant lesdittes parties, et
entendant que ledit contract fasse corps
au présent, tout comme si son contenu
étoit répété de mot à mot au sujet de la-
ditte vente, cession et relâchement des
droits cy dessus ceddés, eu égard que
ledit sieur Bérard ne s'est exécuté dans le
tems en ce qui pouvoit le concerner, a
teneur dudit contract, et en outre ledit
noble de Cortilles, vend, cedde quitte et
remet à ladite dame, tous droits et fonds
UK AULiAMK bK WAUbNS I95
a lui appartenants clans ladittc compagnie,
sans s'y rien rcscivcr, ainsi et de la même
manière qu'est stipulé dans le susdésigné
contract de vcntc,dc même que tout ce qui
peut lui cire dcuh, à Icncontre de laditte
compagnie, suivant l'état de receple et
dépenses qu'il a faittes par la recherche et
excavation dcsdittcs mines de charbon en
Tarcnlaise, commencé le vingt huit octo-
bre mille sept cent cent cinquante trois,
et qui a finit au vingt quatre juUict mille
sept cent cinquante quatre, lesquels comp-
tes de receptc et dépenses ont étés approu-
vés et signés, le onzième décembre mille
sept cent cinquante cinq, par la dittc dame
baronne de Warens, et par lesdits sieurs
Pierre Bérard, et fils, at lesquels comptes
le dit noble de Courtilles et manuellement
remis à ladite dame baronne de Warens,
au vu de moi notaire et témoins, de môme
que le livre de délibérations par lui tenu,
concernant la société contractée entre eux,
occasion desdittes minières, ensemble les
origmaux des privillège.s accordés par Sa
Majesté, avec encore le susdit contract de
IQÔ LES DERNIÈRES ANNÉES
vente fait audit Bérard, le onze décembre
mille sept cent cinquante cinq Daviet
notaire, de tous lesquels droits laditte
dame pourra en exciper, et exp. . . . contre
qui elle verra à faire desdits associés,
néamoins contre tous autres, que contre
son cédant, ledit noble de Courtilles met-
tant et coUoquant laditte dame, en son
proprie lieu, droit, et place, la constituant
pour sa procuratrice spéciale et générale,
avec pouvoir de constituer, et substituer,
sous due élection de domicile, et sans
dérogation à la cession cy devant, la pré-
sente vente, cession, relâchement, trans-
port et abandon, fait pour et moyenant le
prix et somme de treize cent cinquante
cinq livres, que laditte dame promet payer
audit sieur decourtilles, comme sera cy-
après expliqué, premièrement en l'assi-
gnation de la somme de cent cinquante
livres, qu^elle luy donne à prendre chaque
année, envers le fermier du seigneur
doyen de Mont St Jean pour une pention
viagère à elle due, et léguée par monsieur
de Ro % illon de Bernex, évèque, et prince
UK A\ADA.Mi: hi: WARKNS I97
de Cjcnèvc, affcclcc sur la terre de Sallon-
^c, à commencer le i^iemier payement, le
vin«xt tr(»is avril mille sept cent soixante
deux, cl cil la promesse c]iie fait encore
laditte dame audit noble decourtilles de
luy compter aussi chaque année la somme
de cent livres de Savoye, dont le premier
payement écherra aussi le susdit jour
vingt trois avril de Tannée prochaine, et
répartitement d'année en année, jusqu'à
extinction et (niai payement de la ditlc
somme de treize cent cinquante cinq livres,
néanmoins sans intérest pendant tout ledit
tems, et pour que ledit noble de Cour-
tilles puisse retirer chaque année du fer-
mier de Sallonge laditte somme de cent
cinquante livres donné en assignation, et
pour en poursuivre l'exaction, laditte dame
lui a laissé la même procure qu'elle lui
avoit passé le vingt un aoust mille sept
cent cinquante quatre reçue Pétroz no-
taire, avec liberté néanmoins de se ser-
vir de tel procureur que bon lui semble-
ra, en déclarant encore laditte dame que
le dit noble de Cortilles lui a fait un
198 LES DERNIÈRES ANNEES
compte exact peu auparavant le présent de
la gestion qu'il at eu occasion de ladite
procure, le tenant pour duement libéré
par la promesse qu'il fait de remettre à
laditte dame la quittance du Boulanger
dont est parlé dans ycelle, et au moyen de
laditte promesse et de l'effectuation des
engagements portés par le présent, de la
part de laditte dame baronne de Warens,
ledit noble decourtilles en étant bien con-
tent, et satisfait, la quitte et libère des à
présent comme pour lors, de laditte som-
me de treize cent cinquante cinq livres,
prix de la ditte cession, avec promesse de
n'en plus jamais rien demander, ny re-
chercher en jugement ny dehors aux
peines que cy après ; promettant aussi de
son costé laditte dame de relever des à pré-
sent ledit noble de courtilles envers ses dits
associés, de tous engagements générale-
ment quelconques qu'il pourroit avoir
prit, tant par écrit de main privé, public,
qu'autrement, et de quelle manière que ce
soit, aussi de tout le passé jusqu'à cejour-
dhuy, occasion de leur ditte société, et de
DK MADAMi: DK WAKKN8 I99
le relever des à présent, ainsi qu'elle le
relève des à présent, ainsi cju'elle le
relève de toute niolestie qui pourroit lui
être faitte à l'avenir aussi aux mêmes
peines que cy après ; étant convenu en
nutre entre lesdittes parties que laditte
dame ne pourra point donner aucun man-
dat à qui que ce soit sur le fermier de
laditte terre de Sallon^e, qu'au préalable
ledit sieur de Courtilles ne soit payé de la
somme capitale cy dessus, à défaut de
quoy lesdits mandats seront censés comme
non faits, et de nulle valleur, et ce ont fait
lesdittes parties par mutuelle et réciproque
stipulation, et acceptation, ont promis, et
promettent observer tout le contenu au
présent, chacune en ce qui la concerne,
aux peines respectives de tous dépens,
dommages, intérêts, à l'obligation, et
constitution réciproque de tous et un cha-
cun leurs biens présents et avenirs, qu"à
ces fins elles se constituent respectivement
tenir, et sous toutes autres dues promesses,
soumissions, renonciation et autres clauses
requises de droit, fait et prononcé audit
200 LES DERNIERES ANNEES
lieu, les an, jour et heure que dessus, en
présence du sieur Jean Danel, ancien ci-
toyen de la ville de Genève, et du sieur
Pierre de Sale marchand épicier tous deux
habitants de la présente ville, témoins
requis, lesquels avec lesdittes parties ont
signés au bas de ma minutte, contenant
le présent sur ycelle, et par moi écrit y
compris mon verbal, et signature cinq
pages, Levé et expédié pour le tabellion,
après due collation faitte sur ycelle, quoi-
que par autre soit levé. Ainsi est.
Signé Cagnon, notaire.
Ainsi, la conclusion, à tirer de ce docu-
ment, est lumineuse comme le jour. En-
gagé de rester à Chambéry par la baron-
ne, dès 1737, c'est-à-dire, à l'époque mê-
me où elle s'associait au fameux Mathieu
Casse de la paroisse d'Orelle ; investi en
175 1 de sa procuration spéciale et géné-
rale, Wintzenried a dominé la vie de M™^
de Warens au point que le dernier acte
notarié de la pauvre femme sera passé en
sa faveur et que, surprise par la mort, elle
ur. MADAMi: i)\: wakicns 201
restera insolvable à l'cgard de son acolylc.
Rousseau n'est donc aucunement responsa-
ble, ni (le la dircclioiî cjuc M""= de Wa-
rens donnait à sa vie après son départ, ni
des tracas sans nombre qui assaillirent
l'ûge mur cl la vieillesse delà baronne. La
mémoire du f^rand écrivain est enfin la-
vée, au tribunal de rilistoirc. de tous les
reproches dont les phraseurs l'ont acca-
blée, jusqu'à nos jours.
M'"*" de Warens avait loué, par asscn-
cemenl privé, le 20 mai 1756, du sieur
Flandin, le petit logement qu'elle occupait
à Nezin ; le i 5 avril 1761, clic passait un
nouveau bail, partant du i""" juillet sui-
vant, au loyer annuel de 125 livres, avec
le notaire Claude Crépine, acquéreur de
l'immeuble. Le 29 juillet 1762, à dix heu-
res du soir, elle mourait dans cette mai-
son, qui existe encore. Le dénûment de la
baronne était tel que le genevois Jean
Danel, son homme d'affaires, qui vivait
auprès d'elle, dut faire l'avance des frais
d'enterrement.
APRES LA MORT
DE
MADAME DE WARENS
APRÈS LA MORT
Dli
MADAME m: WARENS
La cote de la maison mortuaire de M*"*^
de Warcns lig:ure, parmi les propriétés
de Charles Flandrin, au Cadastre général
— 1738 — de Fancienne commune de Pu-
gnet La Croix-Rouge, dont le territoire
fait, aujourd'hui, partie de la commune de
Chambéry. Les biens de Charles Flandrin
étaient devenus, avant 1761, la propriété
de Claude Crépine, dont le fils les vendit,
en 181 3, aux frères Benoit. D'après les
données du Cadastre général, conservé
aux Archives départementales de la Sa-
voie, — Série C. N*" 3695, — la dernière
maison qu'habita l'amie de Jean-Jacques,
ici-bas, porte, de nos jours, le SY° 66, et
non 56 comme je l'indiquais dans La
conversion de (Mme de Warens.
206 APRÈS LA MORT
Cette maison joua un certain rôle dans
la succession de la célèbre baronne qui,
le croirait-on, ne fut liquidée qu'en 1776.
Déterminons toutes les phases de cette
singulière affaire.
Dès le mois, qui suivit le décès de Mme
de Warens, Jean Danel demanda la gra-
tification de Yaubaine de la morte. En ef-
fet, le registre des minutes de lettres de
l'Intendant général de Savoie, 1760-1765,
conservé aux Archives départementales de
la Savoie, — Série C. N° 132, — contient,
à la date des 28 août et 17 novembre 1762,
les deux lettres suivantes de l'Intendant gé.
néral de Savoie, le comte Capris de Cas-
tellamont, à M. Mazé (qualifié, dans d'au-
tres titres des Archives départementales,
(( Officier du bureau des Affaires Internes,
à Turin » ), au sujet des meubles de peu
de valeur laissés, à son décès, par Mme de
Warens :
Du 28 aoust 1762
M. Mazé. — Je prendrai les connois-
sances nécessaires sur la supplique de
I)i: iMAhAMi: l)K WANKNS 2O7
Jean Oancl de Genève, habilanl à (>ham-
béry que j'ai rcv;u jointe à la lettre dont
vous m'avés honoré, Monsieur, le 25 de
ce mois, au sujet de la gratification qu'il
demande de l'aubcinc de feue Madame la
barronne de Warens pour vous la resti-
tuer accompagnée de ma relation, mais je
prévois déjà que les dettes qu'elle a laissé
absorberont cl au delà le peu de meubles
qu'elle a\'oit.
Du 17 novembre
M. Mazé. — En accusant la réception
de la lettre que vous avés addressé à M.
le Subdélégué Masson le 13 de ce mois,
qui ne me fournit aucun sujet de réponse,
j'ai en même tems l'honneur de vous res-
tituer cy inclus, Monsieur, la supplique de
Jean Danet de Genève, qui me parvint
dans celle du 25 aoust dernier, au sujet de
l'aubeine de feue Madame la baronne de
Warens.
Comm'après son décès je fis à toutes
bonnes fins cachetter la chambre dans la-
quelle le peu de meubles par elle délais-
208 APRÈS LA MORT
SCS étoient renfermés, et que j'en fis en-
suite dresser l'inventaire, j'en addressai
les verbaux à M*" le Procureur général du
Roy, par lettre du 1 1 ybre dernier.
J'eus l'honneur de vous prévenir, Mon-
sieur, par la mienne du 28 aoust précé-
dent, que je prévoyois bien que les dettes
qu'elle avoit laissé absorberoient au delà
le peu de meubles qu'elle avoit. J'en pré-
viens également M'" le procureur général,
et c'est naturellement par cette raison et
celle du peu de valeur d'iceux qu'il n'a pas
cru devoir m'accuser la réception de ces
verbaux, ni me rien mander à cet égard,
ou peut-être ses occupations ne lui en ont
pas donné le tems.
Si vous jugez à propos, Monsieur de
lui en parler, vous serés à même de voir
ce qu'en conséquence il conviendra de
faire, relativement au contenu en ladite
supplique.
J'ai etc.
Ces minutes ne sont pas signées par
l'Intendant général de Chambéry, qui,
i)i: AiADAAii: i)i: waiu.ns 209
dès le 3 septembre, rendait l'ordonnance
suivante, conservc^e aii\ Archives dcfpar-
tementales de la Savoie, — C, 62, — par la-
quelle il prcscfi\ail la rédaction d'un in-
ventaire des meubles et effets dcilaissds par
Madame de Warens qui tombait, en sa
qualité d'étrangère, sous l'application de
la loi d'aubaine :
Du 3'-'"'' 7bre 1762
Ordre à M'' Ruffard, g-rcfficr
Ayant été informé que dcm*'"'' Eléonore
de Varens barone de LaTour est décèdée
en cette ville ab intestat et étant du servi-
ce d'empêcher que les meubles et effets
qu'elle* a délaissé ne s'écartent pas, nous
commettons à touttes bonnes fins M""*
Ruffard greffier de cette intendance géné-
rale pour procéder à l'inventaire d'iceux
et pour en établir gardiateur Claude
Danet qui étoit au service de ladite feu
dem"^^'^ et qui occupe encore le logement
qu'elle avoit chargons ledit M'^ Ruffard
de dresser verbal de ce que dessus pour
210 APRES LA MORT
nous être rapporté et en faire usage sui-
vant que besoin sera
A Chambéry le 3 7bre 1762.
Ruffard fit l'inventaire, qu'il lui était
commandé, le jour même et le lende-
mainde Tordonnance ; ce document, dres-
sé et signé le i i septembre, n'a pu être
retrouvé aux Archives départementales
de la Savoie. Après de longues recher-
ches, le Surintendant des Archives Pié-
montaises, Bollati di St Pierre, écrivait
de Turin, le 4 mars 1889, au sujet de ce
même inventaire, à l'Archiviste de la
Savoie :
(( Ni dans les registres des Délégations,
qui embrassent la longue période de 1752
à 1789, ni dans les procès, suivis en Sa-
voie, pour l'application de la loi d'aubaine
qui se terminent à l'année 1778, ni dans
les documents delà Chambre des Comptes,
pour la région savoisienne, on n'a pu
trouver aucune trace de l'inventaire, qui a
été fait le 3 septembre 1762, des meu-
DE MAUAMi: l>i: WARENS 31 |
Mes cl effets délaisses, en mourant, par
la baronne Louise-Kldonore de La 'I'r)ur
l\c W'arens.
La seule pièce, ayant trait à cet inven-
taire, est un recours au Roi, d'un nommé
Claude C'rcpinc, notaire, propriétaire de
le maison tenue à bail par Mme de Wa-
rens, qui demande qu'on lui paie les ar-
rérap:es de son loyer, et qu'on lui rende
sa maison disponible, en vendant les
meubles et effets qui a\aicnt été inven-
toriés.
A ce recours sont annexés, en copie, le
décret de l'Intendant général en Savoie,
du 3 septembre 1762, qui ordonne le ré-
daction de l'inventaire ; un autre décret
du même intendant général, en date du
22 juillet 1768, exigeant le transport, au
bureau de l'Intendance générale, de tous
les objets inventoriés, et enfin un procès-
verbal de (( Revêtissement d'inventaire »
du 27 juillet 1768, qui fut fait à l'occasion
de ce transfert. Ce dernier présente quel-
ques particularités sur le contenu de l'in-
ventaire du 3 septembre 1762. »
212 APRES LA MORT
Le présent chapitre contient, plus loin,
le texte in-extenso des pièces désignées
dans cette lettre. Pour en finir incidem-
ment, le registre des minutes de lettres
de l'Intendant général de Savoie, con-
servé aux Archives départementales de la
Savoie. — Série C. N*^ 132, — donne la
minute, non signée, d'une autre lettre du
comte Capris de Castellamont, informant
le Procureur général du Sénat qu'il a fait
apposer les scellés sur les meubles trouvés
chez M"''' de Warens, à son décès :
1 1 septembre 1762.
M. Bréal. — Ainsi que je vous Tavois
précédemment annoncé, j'ai l'honneur de
vous transmettre cy inclus. Monsieur, les
verbaux de cachettement des maisons
qu'occupoit dem^^^ Marie Laurent, veuve
de feu spectable Claude Morel, en qualité
d'usufructuaire, tant rière cette ville de
Chambéry que rière la parroisse du Vi-
vier.
Je joins en même tems icy les verbaux
somt (sic) inventaire des effets délaissés
i)i: MADAMi: i)i: warkns 213
par Madame Elconorc Louise Françoise
de La roui', en son \ivant cpousc de M*"
le baron de Warens nali\c de Vevey, can-
ton de Berne en Suisse.
Je dois à cet c«j:ard vous prévenir. Mon-
sieur, ainsi que vous \c \erres par ledit
inventaire, qu'elle a laissé peu de meu-
bles, ils sont môme d'une petite valeur et
infiniment au dessous des dettes qu'elle a
laissé.
Il est vrai qu'elle avoit obtenu de Sa
Majesté une concession pour l'exploitation
des minières de charbons de pierre et de
terre ricre la parroisse d'Arache en Fauci-
gny par patentes du 3 octobre 7762 (sic)
mais j'ai été informé que tant elle que ses
trois associés l'ont presque abandonné par
infructuosité de travail.
J'ai etc.
Puis, merveille des merveilles, les
meubles et effets de M™^ de Warens restè-
rent, jusqu'en 1768, sous la garde de Jean
Danel, en attendant que le roi de Sardai-
gne mît fin, en 1 776, à la situation imposée
214 APRLS LA MORT
à Crépine, en ordonnant de l'indemniser.
Rousseau n'avait appris la mort de sa
pauvre maman qu'en 1762, par son ancien
ami des Charmcttes, M. de Conzié :
(( Vous voulez que je vous parle de notre
digne amie la baronne de Warens : je vous
dirai qu'elle est actuellement heureuse,
puisqu'elle a quitté ce bas monde, où elle
vivait accablée de maladie, de misère. J'ai
toujours respecté cette aimable femme,
surtout depuis l'aveu confident qu'elle me
fit des motifs qu'elle avait de ne vouloir
partager son cœur avec d'autres qu'avec
vous, mon cher Rousseau.
(( Comme elle est morte quelques jours
après mon départ de Chambéry, on m'a
informé que nos financiers royaux, sous le
prétexte d'aubaine, avaient fait cacheter
sa cabane ; mais leur cupidité aura resté
peu assouvie, puisqu'ils n'auront trouvé
chez elle que des témoignages de piété, et
des preuves de sa misérable situation. »
Jean-Jacques reçut ces lignes à Môtiers,
en octobre 1762, quelques mois avant que.
L»i: .MAbA.ML DE WAKIiNS 21 5
dans son cc(curcmcnt, il n'abdiquât à pcr-
pdluitt^ son droit de bourgeoisie et de cité
dans la ville et république de Genève. Que
do souvenirs se réveillèrent, alors, dans son
C(eur, au souxcnircic son amie ! « (>rai-
^nant de contristcr son cœur pai* le récit
de mes désastres, dit-il au Livre XII des
Conjessions, je ne lui avois point écrit de-
puis mon arri\ ce en Suisse ; mais j'écri-
vis à M. de Conzié pour m'informer d'elle,
et ce fut lui qui m'apprit qu'elle avoit
cessé de soulager ceux qui soulïroient, et
de souffrir elle-même. . . Allez, àme douce
et bienfaisante, auprès des Fénelon, des
Bernex, des Catinat, et de ceux qui, dans
un état plus humble, ont ouvert comme
eux leurs cœurs à la charité véritable ;
allez goûter le fruit de la vôtre, et prépa-
rer à votre élève la place qu'il espère un
jour occuper près de vous ! Heureuse,
dans vos infortunes, que le ciel en les
terminant vous ait épargné le cruel spec-
tacle des siennes ! ))
Peut-être le cher souvenir de iM""^ de
2l6 APRÈS LA MORT
Warens ne fut-il pas étranger au projet,
que Rousseau semble avoir caressé, à cette
époque, de finir ses jours en Savoie. Il
avait pensé visiter M. de Conzié, dans sa
paisible solitude des Charmettes, au cou-
rant de l'été 1763 ; peu après, il lui adres-
sait la lettre suivante, dont la copie, con-
servée à la Bibliothèque de Chambéry,
a été publiée par Gustave Vallier, en
1883, dans le tome XXVI du Bulletin de
r Institut National Genevois :
A Motier le 7 décembre 1763.
je voudrois, mon cher Comte, voire mul-
tiplier encore le nombre de mes agres-
seurs, si chacun de leurs ouvrages me va-
loit un témoignage de votre souvenir, je
reçois avec plaisir et reconnaissance celui
que vous me donnez en m'envoyant l'é-
crit du p. Gerdil. quoiqu'en effet cet écrit
me paroisse un peu froid je le trouve assés
gentil pour un moine, je vous avoue ce-
pendant que je ne partage pas la haute
opinion qu'il paroit avoir de sa logique, et
je trouve dès sa préface une division in-
DL mada.ml: di: wakens 217
complcUc. ('ar lorsqu'il dit que p(>>ur me
justifier il faut prouver que je n'ai pas dit
ce qu'il m'impute, ou que ce qu'il m'im-
pute est bien dit, il oublie un troisième
cas qui rend la justification superflue ;
c'est lorsque l'accusateur ne sait ce qu'il
dit.—
j'avois chargé M' de Gauffecours de
vous témoigner mon regret de ne pouvoir
vous aller voir cet été comme je l'avois
résolu. Le commencement de l'hiver m'a
jette dans un état si triste qu'il ne me per-
met guères de faire des projets pour l'ave-
nir, toutefois si la belle saison me rend
les forces que le froid m'ôtc,jc me propose
toujours d'en user pour vous aller voir.
S'il arrivoit que vous vous rapprochas-
siez du Chablais comme l'année dernière,
cela me seroitbien comode, et en ce cas je
vous prierai de m'en prévenir. Si vous
faisiez quelqu'autre voyage qui vous
éloignât de Chambéri, je vous prierai de
m'en prévenir aussi : car ne pouvant déter-
miner d'avance le temps de mon voyage
il me seroit bien cruel de l'avoir fait à
2l8 APRÈS LA MORT
pure perle et crallcr jusques là sans vous
y trouver. Soyez persuadé que rien ne
peut ralentir l'ardent désir que j'ai de
vous voir et de vous embrasser, il me
semble qu'un moment si doux me rendra
tous les temps heureux que je regrette, et
me fera oublier tous ceux qui m'en ont
si tristement séparé. Moi qui suis si dé-
sabusé de la vie et qui ne forme plus de
projets, je ne puis renoncer à celui là.
Après avoir tout comparé je ne trouve
point de meilleur peuple que le vôtre ;
je voudrois de tout mon cœur passer
dans son sein le reste de mes jours, et me
mettre de cette manière à portée d'écouter
au moins de temps à autre le besoin que
mon cœur a de vous.
J. J. Rousseau.
Ce document, communiqué à M. Bise,
bibliothécaire, par M^^^ Debry de Cham-
béry, avait déjà été publié dans le Jour-
nal de Savoie^ année 1820, n"" 39, page 9.
Certainement Rousseau n'eût pas été
UK MADAME DK WARENS 2I9
bien tranquille, en Savoie, s'il s'y lui ic-
lirc, car le Registre copie des lettres de
l'Intendance du Genevois, années 17^)4-
1765, conser\é au.\ Archives départemen-
tales de la Ilaulc-Savoie, contient la pièce
suivante :
Du 18 Février 1765
A Monsieur Boûer à Genève
Je vous remercie bien, Monsieur, de
votre attention à me communiquer dans
la lettre que vous avez pris la peine de
m'écrire, Monsieur, le 1 5 de ce moi^, la
déclaration que le Conseil de la Répu-
blique de Genève a donné conséquement
au livre de Rousseau, la pièce est com-
plette, et je suis bien charmé d'apprendre
qu'elle a mis fins aux mauvaises inten-
tions d'un méchant autheur.
J'ai l'honneur ect.
Les mêmes archives possèdent la lettre
du sieur Boûer de Genève, adressée à
l'Intendant du Genevois à Annecy :
Monsieur
Vous aurés sans doute été informé,
220 APRES LA MORT
Monsieur, des mauvaises insinuations que
le livre de Rousseau et autres brochures
ont voulu donner contre les Conseils et
principalement contre le Petit Conseil le-
quel après avoir examiné avec attention
le parti qu'il y avoit à prendre, crut de-
voir porter au Conseil du T>eux Cent le
4*" de ce mois, la démission de leurs
emplois qui fut approuvée dans un pre-
mier tour en deux cent le 6^ de ce mois et
auxquels se joignirent un grand nombre
des membres du Deux Cent pour suivre
leur exemple. Si les cytoyens et Bourgeois
ne venoient reconnoitre que le Conseil
étoit une assemblée de bons et fidèles
magistrats, les cytoyens et bourgeois ef-
fra3^és avec raison d'une telle démarche
vinrent en foule et au nombre de plus de
mille assurer M'"^ les Sindics qu'ils hon-
noroient le Conseil ect.
Ainsi le Conseil pour constater toutte
son indignation contre le livre de Rous-
seau et autres brochures, a donné hier la
déclaration ci-jointe comme est telle que
les circonstances peuvent Texiger. Je me
i)i: MAi)AMi: i)i: wakkns 221
fais un plaisii', Monsieur, de vous la com-
muniquer comme une marque de mou
respect cl de mou attachemeni. A>aiU
l'honneur d'être avec beaucoup de consi-
dération, Monsieur,
Votre très humble et très obéissant
serviteur
Joseph Douer
Genève 15 février 1765
Wintzenried, de son côté, au début de
cette année même, semble avoir été, de
nouveau, à la recherche d'une position
sociale, car il est fort question de lui
dans une missive de l'intendant Tarraglio,
premier officier du bureau général des
finances. Cette pièce, extraite de la cor-
respondance de ce dernier, conservée aux
Archives départementales de la Haute-
Savoie, a déjà été publiée, en 1878, par
Théophile Dufour, dans son excellente
étude : Jean-Jacques Rousseau et Madame
de Warens ; jiotcs sur leur séjour à Aîinecy,
(( Cette lettre, dit Dufour, semble être
arrivée trop tard, car, dès le 28 janvier
222 APRES LA MORT
1765, à Turin, on nommait trésorier du
Faucigny Joseph-Thérèse Jacquier ; il est
probable que Tidée d'un économe fut
abandonnée. »
1765 le 9 Février
Apres avoir fait procéder à la descrip-
tion, saisie et séquestre des meubles,
biens et effets appartenants à feu M""
François Perrin Sénateur au Sénat de
Savoie et à M"" Charle Perrin substitut
avocat fiscal général au même Sénat, fils
et héritier de feu Noble Joseph Perrin
cautions du sieur Charle Perrin leur frère
et ci-devant Trésorier de la province de
Faucigny, Je n'ay pas manqué de faire
pendant longtemps les recherches les plus
empressées pour y établir un économe,
mais malgré les plus vives invitations et
sollicitations faites et réitérées à plu-
sieurs, toutes ces diligences ont été in-
fructueuses, personne n'ayant voulu ac-
cepter cet œconomat.
Ne sachant plus ou me tourner j'ay
jette les yeux sur le sieur De CiirtUles,
DC MADAMK DH WARMNS 22}
que j'avois dcpulc pour Inspecteur ai x
lra\aii\ clu Cnjcrf?-), cl lui eu ayant fait la
proposition, il m'a i'ep(»nclu cju'il accep-
tcroit cette commission, et qu'il se don-
neroit tous les soins pour la remplir
exactement, mais étant étranger et ne
possédant aucuns biens il n'étoit pas dans
le cas de donner une caution.
Le dit Sieur De Curtillcs est Suisse
d'origine, il a embrasse la rclii;ion catho-
lique, il habite en Savoye depuis environ
25 ans ou il s'est marie, et n'a point
d'enfans ; S. M. lui fait payer chaque
année de sa cassete secrète la somme de
1300 : livres pour Tayder à subsister et
c'est par ses ordres que de tems à autre
je lu}^ ay donné de l'occupation dans les
différentes inspections pour les répara-
tions des chemins, luy ayant toujours
connu de l'activité et une conduite sans
le moindre reproche.
Quoique par le tableau que je viens de
vous faire du dit S' De Ciirtilles, j'aye
lieu d'être persuadé qu'il s'acquittera bien
de cette commission pour le mériter de
224 APRES LA MORT
plus en plus la continuation des grâces
de S. M.
Le défaut de caution m'étant cependant
un obstacle à la lui donner je vous en
fais part, Monsieur, pour m'aviser les
déterminations convenables.
Quoique Rousseau ne donnât pas suite
à ses velléités de se fixer en Savoie, il ne
put, dès lors, s'empêcher de revivre, en
pensée, les plus belles années de sa
vie. Le souvenir de M""^ de Warens, à
cette époque, ne le quitta plus ; dès le
mois de mars 1766, Rousseau se mit à
écrire, dans sa retraite de Wootton, ces
premiers livres des Confessions, qui con-
tiennent les pages les plus fraîches et les
plus ravissantes de la littérature française.
j^/^me j^ Warens y occupe le centre du ta-
bleau ; désormais son charmant souvenir
s'identifiera complètement au chef-d'œu-
vre de Jean-Jacques.
Qui osera, jamais, mettre en doute l'af-
fection sincère que Rousseau eut pour sa
bienfaitrice ? Quelle femme saurait lire.
DE MADAME DE WAREN3 225
sans éinolioii, entre les lij^Mies, la cu-
rieuse lettre que le pauvre philosophe
écrivit de Grenoble, le 25 juillet 1768, à
trois heures du matin, à Thérèse Le
Vasscur, qu'il faisait appeler Mademoiselle
Rcnou. Ah ! méprisons les hypocrites in-
dignations des rhéteurs ! Le cri du cœur
est là, en trois lignes : (( Moji principal
objet est bien, dans ce petit voyage, d'aller
sur la toivibe de celte tendre mère que vous
avez connue, pleurer le malheur que f ai eu
de lui survivre. »
Rousseau ne fit que passer à Cham-
béry; le 16 août, il correspond de Bourgoin,
avec M. le comte de Tonnerre. Dans une
lettre du 25 juillet, il appelle encore Thérèse
((chère sœur.» Dans sa missive du 31 août,
à M. Laliaud, il la nomme pour la pre-
mière fois ma femme ; il y avait, alors,
treize ans qu'il vivait, dans une tendre et
pure fraternité, avec celle qui fut l'op-
probre de ses derniers jours. C'est bien en
juin 1754, à 42 ans, qu'il avait, à Cham-
béry, réitéré, vivement et vainement, les
instances qu'il avait faites, plusieurs fois,
220 APRÈS LA MORT
à Madame de Warens, dans ses lettres,
de venir vivre paisiblement avec lui. Et,
cependant, ce ne fut qu'en 1767, que la
première lueur d'une meilleure fortune
brillait pour celui qui, en 1770, écrivait
encore à un jeune homme : ((Je connois
l'indigence et son poids. . . »
Revenons à la pauvre succession de
Madame de Warens. Alors que Jean-
Jacques se préparait à faire un pèlerinage
sur sa tombe, l'Intendant général de Sa-
voie rendait, le 22 juillet, une ordonnance
ainsi conçue :
Joseph Capris, comte de Castellamonl,
Intendant Général de Justice, Police et
Finances pour S. M. deçà les Monts.
M^ Claude Crépine Commissaire d'Ex-
tentes habitant de la présente Ville ayant
fait diverses jnstances aux fins que les
chambres de la maison qu'il possède rière
le faubourg de Nezin parroisse de St
Pierre de Lement qu'il avoit loue a feue
dame Eleonore de Vuarens Baronne de
la Tour soient évacuées, et debarassées de
i)i: MADA.Mi: Di: wakens 227
tous les meubles, et effets qui s'y trou-
\eient lors de son deee/, et \ îi notre or-
donnance du troisième septembre mil sept
cent soixante deux portant commission a
M'. Riiffard Cireffier de cette intendance
pour procédera jnventaire d'jccux, de mê-
me que l'acte jnvcntorial qu'il en dressât
et signé l'on/e septembre susdit par le-
quel le S' Jean a feu Estienne Danel fut
établi gardiateur de tous les meubles ef-
fets jnventaries avec promesses de les re-
présenter toutes fois, et quantes il en
seioit requis
En conséquence étant juste de debaras-
scr les susd*"'^ chambres des effets susdits
pour que M^ Crépine puisse être a même
de les louer a qui bon lu}- semblera, Nous
ordonnons que M^ Ruffard, et en cas
d'empêchement que M^ Cabuat son subs-
titut fera revêtir le d^ jnventaire par le
d^ S'. Jean Danel qui sera a ces fins ap-
pelle, et qu'jceluy étant revêtu tous les
meubles, et effets dont s'agit seront trans-
portés à notre Bureau, ou ils resteront
deposités jusqu'à ce qu'il soit autrement
228 APRES LA MORT
ordonne cl que les clefs des dites cham-
bres seront remises au d^ M*" Crépine
pour s'en servir ainsy qu'il verra a faire
Chambery le vingt deux juillet mil sept
cent soixante huit signé par le seigneur
Comte Capris de Castellamont.
Cette ordonnance, conservée aux Archi-
ves d'Etat, à Turin, est complétée, au mô-
me fonds, par l'extrait suivant (( de Ver-
bal de Revetissement d'Jnventaire fait par
M^ Cabuat substitut de M^ Ruffard du
27 juillet 1768 )) :
L'an mil sept cent soixante huit et le
vingt sept du mois de juillet je soubsigné.
Jean François Cabuat Notaire Collegié
substitut de M^ Ruffard Greffier de Tjn-
tendance générale.
Fais sçavoir a vous Monsieur le Comte
Capris de Castellamont jntendant gênerai
de justice. Police, et finances pour S. M.
dans le Duché de Savoye qu'ayant été
commis par votre ordonnance du vingt
deux de ce mois aux fins de me trasporter
au faubourg de Nezin paroisse de S^ Pier-
I)K MAl>AMi: I)i: VVAHKNS 229
rc de Lciiiciil, cl clans la inais(.n de ]\l'.
Claude Crépine Corn"" d'Iixtenles, Jcelle
cy devant occupc^e par loue Dame Iilconorc
de \'uarcns Haronnc Oc la 'r(»ur pour y
procéder par rentreniisc du S^ Jean
Danel son homme d'affaii'c en revelissc-
mcnl de rjnvenlairc fait par AU. Ruiïard
les trois et quatre septembre mil sept cent
soixante deux des meubles et effets délais-
sés dans la ditte maison par la ditte feue
Dame dont le d^ Danel fut Etably Gar-
diateur sous l'obligation de les représen-
ter toutes fois, et quantes il en seroit re-
quis aux peines de tous dépens, domma-
ges, jnterets avec constitution de tous ses
biens, et le d^ acte de rcvetissement ache-
vé, faire transporter les d^^ meubles, et
effets au Bureau de TJntendance, évacuer
la d^ maison, et en remettre ensuite les
eléfs au d^ M^ Crépine, de laquelle sus
d^ commission désirant m'acquitter
A ces fins Tan, et jour que dessus je me
suis transporté avec le S'. Joseph Marie
Ruffard, et hon^^^ Claude Guelard dit
Panvin que j'ay pris pour m'assister au
230 APRES LA MORT
d^ acte au d'. faubourg de Nezin et en la
sus d^ maison accompagne du d^ S^
Danel auquel j'aurois lu le contenu en
Pjnventaire fait par M^ pierre Ruffard et
donné a entendre l'obligation ou il etoit
de me représenter tous les effets dont y est
fait mention article par article de même
que l'existence des sceaux apposés sur les
différents buffets, Gardes Robbes, et Cof-
fres, a tout quoy le d^ Jean Danel m'at re-
pondu en l'assistance de qui dessus avoir
vendu tous les effets, meubles, décrits
dans le d' jnventaire pour la somme de
cent, et vingt livres pour subvenir a ses
besoins subsistance, à tant moins, et a bon
compte de ses gages et de l'argent qu'il a
délivré pour les frais funéraires de la ditte
Dame de Vuarens suivant la notte qu'il
m'en at remis ce jourdhuy par luy signée
que j'ay joint en fin du présent pour y
faire corps, pour le surplus desquels susd'^
droits il proteste très expressément ; mais
quil me representeroit tous les sceaux ap-
poses sur les Gardes Robbes, et coffres
dans leur entiers a l'effet de quoy ayant
i)i: MADAMi: i)i: waklns 231
(Uivcrt la porte d'ciUrcc de la d' maison
jaiirois trouve; dans la première Chambre
qui est une cuisine une grande table a bois
sapin a quatre pilliers avec un banc même
bois sur hi quelle etoient dispcrsc^es dif-
férentes Drogues servants a dissoudre des
minéraux que j'ay fait jetter pr)ur n'être
d'aucun usa^c, et toutes évaporées ; Nous
serions ensuite entres dans la seconde
qui est Tcndroît ou la d'' Dame est dece-
dcfe : j'y aurc^is trouve un ciel de lit de ser-
ge verte fort usé attache au plancher, un
garde Robbe de sapin a une seule porte,
sur la serrure du quel j'aurois reconnu le
sceau du seigneur jntendant,n'y altéré, n'y
vitic, lequel ayant été ouvert jy auroit
trouvé quantité depapiers suivant, et com-
m'est porté par l'Jnventaire, et successive-
ment nous serions entrés dans la troisième
qu'est la Chambre qu'occupoit le d'.
Danel jy aurois de même trouvé un Bahu,
un coffre de noyer une petite cassette de
sapin et un petit Garde Robbe du même
bois a deux portes tous dûement scellés
et cachettes, et les avant ouverts sauf le
232 APRES LA MORT
Bahu pour n'avoir d'jceluy la clef, il s'y
seroit trouvée quantité de papiers plies
dans des servietes lesquels j'ay laissé dans
les d" Garde Robbe et Coffre, et de la nous
serions venu dans une quatrième Chambre
laquelle est plaine de diverses pièces de
terre non encore Cuittes ny vernissées,
comme ecuelles, plats, vases a fleur et au-
tres semblables tous hors d'usage pour
être la plus grande partie fusée pour y avoir
une goutiere dans la ditte Chambre et
l'autre partie fêlée par rapport aux jntem-
peries de l'air et au transport que Ton en
a fait dez le Rez de Chaussé ou elle etoit
appartenant a Mons^ le Comte de Roche-
fort en la ditte Chambre, la quelle ditte
terre j'ay crû devoir laisser au dit endroit
jusqu'à nouvel ordre, nous serions finale-
ment descendus, et ayant parcouru un
Balcon je serois entré dans un petit cabinet
dépendant de la d* maison et attigû a jcel-
le qui servoit cy devant au d\ Danel de
laboratoire pour dissoudre ses minéraux
et lesciver les cendres des Orphevres, ie
n'y aurois trouvé que des pierres de mi-
DE MADAAtK 1>K NVAKKNS 333
ncs de clilïcrclUcs la(,'()n, cl des susdiUcs
cendres dcja lescivécs que j'ay fait jcUer
pour n'elre d'aucun usage pourrissant et
chargeant au C(»nltaiie le sous-picd du
d^ plancher ; ce fait j'aurois fait con-
duire par un charriot au Bureau de Iju-
lendancc les d'\ deux Gardes Robbcs,
la table, et son banc, les trois coffres tous
dûement fermés et le ciel de lit pour y être,
et rester le tout deposilé jusqu'à ce qu'au-
trement soit ordonné et j'ay cnsuitte fait
remettre par le d^ Danel au d^ M'. Cré-
pine ce jourdhuy les clefs de la d*" maison,
et ce dernier m'at Demandé acte du jour
de la remission d'jccllcs et a protesté de la
somme de huit cent huitante cinq livres
six sols huit deniers qu'il m'a déclaré luy
être dues pour le loiicr de la ditte maison
a forme de l'assencement a moi exhibé du
quinze avril mil sept cent soixante un qui
at commencé au premier juillet suivant a
raison de cent vingt cinq livres par an,
m'ayant en outre déclaré que sur la susd^
somme il distraisoit cent-cinquante une
livres cinq sols qui luy ont été payés
234 APRÈS LA MORT
en différents temps tant par la d*" feue
Dame qu'en un Louis, et un Ecu neuf
au dernier coin de france par le d' Danel
après son decez, ayant encore protesté des
dégradations arrivées en sa d^ maison et
de faire prendre acte d'état d'jcelles, com-
m'encore de faire jetter les terres non
cuittes n'y vernissées a la Rue pour
n'être d'aucune utilité et charger considé-
rablement le plancher de la Chambre ou
elles sont renfermées ; de tout quoy j'ay
dresse le présent verbal ayant le d^ S*".
Danel et Ruffard signés cy après et non le
d^ Panvin pour être jUitteré de ce enquis
ainsy est Chambery les an, et jour sus-
dits signe J. Danel, Ruffard témoin et
par AP Cabuat substitut.
par Extrait
signé Cabuat subst.
Ce document, ainsi que le précédent et
les trois qui vont suivre, sont conservés à
Turin, aux Archives d'Etat, section II,
Finances générales, chapitre 56, n° 21.
Les papiers de Madame de Warens, qui
m: MAhA.Mi; hi; wakkns 2^5
élaiciU renfermes dans les coffres cl ar-
moires, clonl il est question dans le Ver-
bal de Cahiiat, ne se trouvent plus, de nos
jours, aux Aichi\es dcpartcmcntales de la
Savoie ; ils ont e^te probablement rendus
à Crépine avec les meubles. Le dossier
concernant M'""-" de Warens, — que les Ar-
chives de'partcmcntalcs possèdent aujour-
d'hui et dont j'ai, le premier, publié toutes
les pièces, — pourrait bien \enir de ces ar-
moires et a été trouvé, il y a vingt ans,
chez un bouquiniste de Chambéry, par
TArchiviste départemental, qui Ta acheté
pour le compte du département de la
Savoie.
Cependant, Claude Crépine attendait
toujours que l'on donnât suite à ses diver-
ses instances ; n'obtenant pas de satisfac-
tion complète, en dépit de l'ordonnance que
l'Intendant général avait rendue en 1768,
il envoya quatre ans après, le 9 novembre
1772, directement au Roi, une supplique
dressée sur papier timbré, laquelle fut
transmise au bureau des Royales Finan-
ces à Turin.
236 APRÈS LA MORT
AU ROY
Sire
Expose en toute humilité M^ Claude
Crépine No'^ Royal Corn'"*' d'extentes ha-
bitant a Chambery.
Que Louise Eleonore De La Tour Ba-
ronne de Vuarens est decedée le 29 Juillet
1762 au faubourg de Nezin dud. Cham-
bery, occupant la plus grande partie de
la maison que le supliant luy avoit assen-
ée par acte privé du 16 Avril 1761 pour
trois années a commencer au premier juil-
let suivant sous le loier annuel de Cent
vingt cinq livres payable quartier par
quartier, et toujours par avance : par or-
donnance de rintendant gênerai en Savoye
De Capris Comte de Castellamont du y
7bre 1762 ^l^ pierre Ruffard Greffier fut
commis pour procéder a Tlnventaire des
meubles et effets par elle délaissés il y
donna commencement le même jour, et le
paracheva le lendemain, et Jean Danel
qui etoit au service de la d^ Baronne de
Vuarens en fut établi gardiateur ; le Sup\
dans la crainte que sa maison ne se de-
DE MADAME DE WARKNS 337
Icriorat, si clic rcsloit plus lonj^^lcmps fer-
mée, se pourvut au cV. jnlcnclant général
par rcquclc prcscntcc le y xbre. suivant
p(»ur quil luy plut ordonner la vente des
meubles, et effets décrits dans le d'. jn-
ventairc après que le d'. M'. Ruffard
auroit procédé a la rcconnoissance de
scellés par luy apposés, pour des deniers
en pro\cnanls cire payé de la somme de
cent soixante une livre cinq sols restante
duc pour ses loicrs, il ne pourvut pas sur
cette requête, il l'envoyât avec un Extrait
du d^ assencement dans le mois de Jan-
vier de 1764 au procureur gênerai de Vo-
tre Majesté qui les luy envoyât par avoir
son sentiment, et dans le courant du
mois de gbrc. 1765 ; le d^ jntcndant luy
renvoyât le tout, et même la suplique que
le supliant avoit pris la liberté de présen-
ter a Vôtre Majesté, par laquelle Elle luy
exposoit le dépérissement de sa maison,
et les dommages considérables qu'il souf-
froit et qui augmentoient journellement,
en supliant V. M. de mander au dit in-
tendant de faire encanter les d^^ meubles
238 APRi:S LA MORT
Cl ciTcls, pour de l'argent en provenant
être paie de ses loiers, pour lesquels il
luy competoit un hypoteque privilégie
sur les d'^ meubles, et effets, et luy être
ensuite remise les clefs de sa d^ maison
pour en prévenir les plus grandes détério-
rations. Les choses en sont restées au
même état jusqu'au 22 juillet 1768. que le
d^ jntendant gênerai sur les jnstances de
l'exposant, ordonna que le d^ J\l^ Ruffard
procederoit au Revetissement du d^ jn-
ventaire, il y procédât le 27. et le même
jour, il remit les clefs de la d^ maison
au d' supliant qui protesta de la somme
de huit cent huitante cinq livres six sols
huit deniers qui luy etoient dues pour les
loiers sous la distraction de celle de 151^
5^ qu'il avoit reçu en différents temps et
encore des dégradations de la d^ maison
qui n'a pu être louée jusqu'à présent par
l'impossibilité dans laquelle s'est trouve
l'exposant, chargé d'une nombreuse famil-
le, et dans un âge très avancé qui ne luy
permet presque plus de travailler, d'y
faire les réparations nécessaires pour la
DE MADAMK DK WAHI'.NS 339
louer, ce qu'il n'a jamais cic en clal de
faire, d'où se sont ensuivies de plus gran-
des détériorations depuis le mr)is de juil-
let de 1768. que les d'"" clefs luy furent re-
mises, Elles se font a la vérité actuelle-
ment, mais c'est un locataire qui a bien
voulu faire l'axancc d'une partie de ces
réparations pour en imputer le montant
sur le loicr annuel, lesquelles en entraî-
nent d'autres indispensables au compte
de l'exposant qui a perdu son loier a comp-
ter depuis le d^ mois de juillet de 1768
jusqu'à présent pour plus de quatre ans, il
n'en a pas été paie jusqu'au dit mois de
juillet, il n'a reçu que 151 1. 5 s. il luy est
deut a raison de 125 I. par an portes par
le d^ assencement, cette somme distrait-
te, sept cent trente quatre livres un sol
huit deniers dans l'espérance que S. M.
daignera écouter favorablement sa prière,
il se prosterne très humblement, et avec
confiance aux pieds du Thrône en joi-
gnant un extrait du d^ assencement, et
des d". ordonnances, cellui du d^ jnven-
taire ayant été envoyé par le d^ jntendant
le II ybre. 1762.
240 APRÈS LA iMORT
Aux fins qu'il plaise a Votre Majesté
par un effet de ses grâces, ayant égard aux
sus d^^ motifs, mander a son Jntendant
General en Savoye de faire paier au supli-
ant chargé d'une nombreuse famille et
d'un âge très avancé la ditte somme de
734 1. I s. 8 d. pour les loiers de sa d^
maison, dont il a été privé jusqu'au 22
juillet 1768. e telle autre somme qu'il
plaira a V. M. en dédommagement des
détériorations considérables arrivées a sa
ditte maison depuis le decez de la d^.
Baronne de Vuarens jusqu'au dit jour 22
juillet 1768. et des loiers qu'il a perdu
pour quatre ans depuis le d\ jour jusqu'à
présent, et il ne cessera, et sa famille de
redubler leurs vœux au ciel pour la pre-
tieuse conservation de Votre Majesté et
de son auguste maison.
signé Crépine — supliant
— id — J Chabert p'.
Outre l'extrait de l'ordonnance du 22
juillet 1768 et l'extrait de Verbal de Ca-
buat fait le 27 juillet de la même année,
les deux (locunicnts suivants, libellas
comme les autres sur papier timbre, se
trou \ eut cousus à la prcfccf dente suppli-
que :
Fxlrjil
d\isscncenicnl du r^ jvn'l i-jhr.
L'an mil sept cent soixante un et le
quinze du mois d'avril a Chambery au
faubouri;- de Nczin, je Claude Crépine
Notaire Royal C^ollegic Commissaire
d'Extentcs soussigné ay par le présent as-
sencce a Dame Louise Eleonorc De La
Tour Baronne de Vuarens le même ap-
partement de la maison a elle cy devant
assenée par le S' Flandin par assence-
ment privé du vingt may mil sept cent
cinquante six, et outre ce deux petites
Chambres qui sont attenantes au d^ ap-
partement sittué a Nezin du coté du vent,
et c'est du tout avec leurs appartenances,
et dépendances conformément au précè-
dent assencement, avec l'usage et passage
dans la cour qui est au dessous des d^^
deus Chambres du coté du jardin, se reser-
242 aprf:s la mort
vant le d^ Crcpinc rusa<^e de la cour et
c'est pour le temps, et terme de trois ans
a commencer au premier juillet prochain
pour être paye de loiier des d^" apparte-
ments jusqu'au dit temps, et c'est sous le
lr)iier pour les choses cy dessus assencés
de cent ving-t cinq livres par année paya-
ble sçavoir trente une livres et cinq sols
chaque trois mois dont le premier paye-
ment commençerat au premier juillet pro-
chain et ainsy a continuer pendant la
durée du présent assencement, et au mo-
yen du quel payement, ie promets faire
jouir la ditte Dame du d^ appartement, et
Chambres, et faute de ce qu'il me sera
permis d'expulser la ditte Dame d'jcelui
de même que des d*"^ Chambres, et d'assen-
cer le tout a qui bon me semblerat le
tout ainsy convenu aux peines respectives
de tous dépends dommages, jnterets, a
l'obligation, et constitution de nos biens ;
fait et passé au dit lieu en présence de
M"" Louis Lognoz procureur au sénat et
du S^ Jean Danel ageant de la ditte Dame
tous deux habitants en cette ville signé la
I»L .MADA.ML DL NVAIU.NS 24 ^
Baronne de X'arcns l)c la 1 nur, (ii\-pinc,
Loj^noz prcscnl et Jean DancI présent.
par Mxtrait
sij^qié Cabual susbt
("oninic il est indiqué, à la lin de la
première Partie de ce volume, le bail
passé avec Crépine établit cjue Mme de
Warens avait loué, du précédent proprié-
taire, et dès le 20 mai 1756, le petit lor,^c-
ment qu'elle ne devait quitter que pour
descendre dans la tombe.
D'autre part, la suivante pièce a déjà
été publiée, à la pa^c 209 de ce volume,
d'après le texte de la copie conservée à
Chambéry ; voici, à présent, le passage
de ce document, tel qu'il est joint à la
requête de Crépine :
Extrait de l Ordonnance du Scig^ Capris
Comte de Castellamont jntendant General
en Savoy e du j jbre. 1^62.
Joseph Capris Comte de Castellamont
jntendant Générale de justice, Police, et
finances pour S. M. deçà les Montes
244 APRKS LA MORT
Ayant clc jnformé que demoiselle Ele-
onorc clc Vuarens Baronne De la Tour est
decedce dans cette ville ab jntestat et
étant du service d'empêcher que les
meubles, et effets ne s'écartent pas nous
commettons a toutes bonnes fins M'
Ruffard Greffier en cette jntendance géné-
rale pour procéder a l'Jnventaire d'Jceux,
et pour établir gardiateur Jean Danel qui
etoit au service de la ditte feue dem'^. et
qui occupe encore le logement qu'elle
avoit, chargeant le d^ M^ Ruffard de
dresser Verbal de ce que dessus pour
nous être rapporté, et en faire usage sui-
vant que besoing sera a Chambery le trois
septembre mil sept cent soixante deux
signé par le seigneur Comte Capris de
Castellamont.
Sans trop tarder, l'Intendant général de
Savoie, Blanchot, envoya au Ministère des
finances, à Turin, concernant la pétition
du notaire Crépine, le rapport suivant,
extrait des Archives départementales de
la Savoie, série c, n° 138 :
DE MADAME 1>L \\\U\.S^ -i.J5
lîegisirc des l'inanccs
Du 2 Xbrc 1772
M. Dr. ton.
En conséquence de la requête du sieur
commissaire d'cxtcnles Crépine que vous
aves pris la peine de me communiquer M*"
par votre lettre du 1 1 çbre dernier j'ai fait
rcconnoître dans les registres de mon bu-
reau la marche de cette affaire. La dame
de Varens étoit suisse et habitoit en Savoye
depuis plusieurs années pour y tenter for-
tune tant(U par Temploit des Mines des
l\^urneaux, tantôt par des fabriques de
poteries en guese (i) et bien d'autres en-
treprises mais toujours sans succès.
En 1761 elle abitoit réellement dans
la maison du supliant, en vertu d'écriture
de main privé du 1 5 avril de ladite année
portant obligation d'en payer le loyer sur
le pied de 125 1., dont je me suis fait pré-
senter l'original que j'ai fait reconnoître
par les témoins en ma présence, et l'ayant
collationé avec la copie qui étoit jointe à
( I ) Lisez gueuse, nom vulgaire donné à la fonte de fer.
246 APr<i:S LA MORT
laditte requette elle s'est trouvée exacte-
ment conforme.
En 1762, pendant qu'elle donnoit des
dispositions pour une poterie de terre la
mort vint la surprendre. Feu M. le comte
Capris, s'agissant d'une dame Etrangère
et d'un pais ou la loix d'obène a lieu re-
lativement à la Savoie, fît sur le champ
procédera l'inventaire cachètement et sai-
sie des effets en établissant un gardiateur
qui en fut chargé ainsi qu'il conste par les
verbaux et inventaires existants rière le
greffier de cette intendance généralle (i).
Successivement et ledit feu seigneur in-
tendant général en informa M. le procu-
reur général par sa lettre du 7bre 1762
de laquelle cependant on ne trouve point
de copie en ce bureau. Il répliqua par au-
tre lettre du 18 janvier 1764 demandant
des ordres là dessus, et par autres lettres
des 2 et 30 juin ditte année il insista pour
l'autoriser à la vante des effets saisis, et
remission des clefs de la maison au pro-
(i) Ces documents ne se trouvent plus aux Archives dé-
partementales de la Savoie.
I)i: MADA.Mi: 1)1. WARENS 247
pricîtaircqiii la rcclamoit mcmc par rcquct-
ic. On ne Irouvc ici point de rcîponsc et il
résulte que M. l'inlcnclant général prit en
fin son parti ordonnant en ly^H la remis-
sion dudit appartement au propriétaire
préalable revêtement de l'inventaire ce qui
fut exécuté ainsi que par son ordonnance
du 22 juillet 1768 et verbal du 27 dudii
mois dont il ne (sic) que le gardiateur
a\()uat a\'oir \'cndu pour la valeur 120 1.
pour sa nourriture à compte de ce qui lui
étoit du par ladite dame, le reste consistoit
en deux vieux garde robes et une vielle
table de sapin qui furent transportés en ce
bureau où elles existent encore Le Gar-
diateur n'a point donné de caution et se
trouve de notoriété publique tout à fait
misérable. Les dits effets existans peuvent
être de la valeur tout au plus de quinze
ou 20 1. lesquels, quoique exposés en
vente ne trouvèrent point de miseurs,
ainsi que iM''^ les secrétaires du bureau
m'assurent.
Par ce détail vous sentes, Monsieur, que
feu M. le comte Capris étoit en règle et
248 APRES LA MORT
que le supliant n'est pas moins en droit
de prétendre son loyer. Sa maison a été
occupé pendant l'espace de 7 ans d'auto-
rité publique et légitime, il a souvent
réclamé ainsi qu'il résulte par lesdittes
lettres et il me paroit en concéquence sauf
meilleur avis, que le loier lui en est dû
sous la déduction des 120 1. qu'il avoue
dans sa raquette avoir reçu de la dame
défunte.
Mais je ne crois pas que le loier lui soit
dû sur le pied de laditte écriture 1761 puis-
que l'obligation de la défunte obérée doit
être censée éteinte de son décès.
Ce seroit donc arbitrio boni viri qu'on
le devroit régler et m'étant secrètement-
informé sur quel pied le propriétaire l'a
loué actuelement et à combien on pourroit
équitablement fixer le louer il m'est ré-
sulté que laditte maison est actuellement
assencée pour L. 100 l'année et qu'en cas
du décès de laditte dame, étant mal en
ordre, exigeant beaucoup de réparation,
le propriétaire auroit eu de la peine d'en
percevoir plus 80 1. ou 90 1. l'année et
I)i: MAI)AMK IjK WARIINS 249
que d'aillcur s'agissaiu cVun particulier en
réputation d'honncte homme très versé
dans la profession de Commissaire et dans
quelques de S. M. pourroit deigner
lui faire payer 400 1. outre la remission
en sa faveur desdittes tables garderobes
moiennant quittance finale pour le loier
dont s'ay:it jusqu'à la vuidangc et remis-
sion des clefs de laditte maison en 1768
ainsi qu'il est dit plus haut.
Ce rapport n'amena pas de solution
définitive et traîna, pendant plus de trois
ans, dans les cartons du Ministère à Turin,
témoin la lettre suivante, dont la teneur
est extraite des Archives départementales
de la Savoie, — Série c. iV 142 :
Lettres Jiux Fin.inces
Du 27 avril {ij'jà)
M'. Botton
Je ne scaurais mieux faire pour évacuer
le contenu en la supplique de M. Crépine
qui me parvint dans votre lettre du 10
janvier dernier que vous me rappelés par
250 APRKS LA MORT
la première des 4 dont vous m'avé honoré
le 24 de ce mois que de vous mettre sous
les yeux cy inclus un double de celle
que M. Blanchot vous écrivit le 2 Xbre
1772 laquelle contient sa relation sur le
contenu en un semblable placet que ledit
notaire avoit présenté pour lors sur le
même objet dont est celuy que j'ai Thon-
neur de vous restituer cy joint.
Enfin, quatorze ans après la mort de
Madame de Warens, Claude Crépine ob-
tint satisfaction complète, ainsi que cela
ressort des deux pièces suivantes, extraites
des Archives départementales de la Sa-
voie, — Série c. n^ 343 :
Du 3 I mai 1776
M. Crépine — 400 1.
M. le trésorier général Mansoz, Sa
Majesté ordonne que des deniers de votre
recette générale, vous payés au notaire
Claude Crépine, la somme de 400 1. en
indamnisation du loyer de la maison qu'il
possède dans le faubourg de Nezin de
hr. MAI) ami: hl. WARIINS J^l
celle \illc, cl qui a clc rclciuic cTaulhorilc
publique el léptime, dès le décès de la
dame baronne de X'uarcns qui en étoil
asccnsaliice, le loyer de laquelle maison
a été interrompu dès l'année 1762 jusqu'en
1768, ainsi qu'il nous l'a été mandé par
lettre du bureau ij^énéral des finances du
29 de ce mois, dont extrait est cy joint, au
moyen duquel, du présent provisionnel et
quittance dudit sieur Crépine il vous sera
fourni pc^ur ladite somme de 400 1., le
décharge suffisant, par le bureau général
des finances.
Sur la relation que j'ai eu Thonneur de
faire au Roy de la suplique du notaire
Claude Crépine de Chambéry c]ui implo-
roit le payement du loyer de la maison
qu'il possède dans le fauxbourg de Xezin
de cette ville et qui a été retenue d'autho-
rité publique et légitime dès le décès de
la dame baronne de Warrens qui en étoit
ascensatrice, arrivé en 1762, jusqu'en 1768,
Sa Majesté a bien voulu pourvoir à son
indemnisation de la manière que vous
252 APRES LA MORT
l'avez propose, c'est à dire en lui accor-
dant la somme de L. 400, et ordonnant
en sa faveur la remission des meubles et
effets dont il est parlé dans la copie de
lettre dont vous avés accompagné le re-
tour de ce recours. Vous aurés donc la
complaisance de vous y conformer et de
lui faire passer quittance pour tout ce qui
peut lui être dû à cet égard.
Turin le 29 mai 1776.
signé Botton de Castellamont.
Le même fonds, — Série C. N" 143, —
contient aussi la lettre suivante, par la-
quelle rjntendant général de Chambéry
faisait savoir au Ministère des finances,
à Turin, qu'il allait exécuter les ordres,
qu'il venait d'en recevoir, concernant le
règlement de l'indemnité accordée par le
Roi au notaire Crépine. Ce document met
fin, ce semble, à l'histoire de la pauvre
succession de M""^ de Warens, à Cham-
béry :
DE MADAMi: l)L WARENS 2$^
Lettres — Finances
Du I " juin I 776
Suivant que vous me le mandes par
votre 8" du 2(> nia\ je ferai pa\er au no-
taire claude Crépine de Chanibdry les
.\oo 1. que le Roy a (')rdonné lui être
payées en indeninisation du loyer de sa
maison au fauxbourg" dcNezin et qui a été
retenue dez le déeès de la dame baronne
de Vuarens qui la tenoit en assensement. je
lui ferai en même tems remettre les meu-
bles et effets qui y existoient lors de son
dit décès, je lui ferai passer quittance du
tout que je retiendrai dans le greffe de
mon bureau et vous en enverrai à toutes
bonnes lins un double authentique.
Deux ans après, le 2 juillet, Jean-Jac-
ques mourait à l'âge de 66 ans, d'une
apoplexie séreuse. Un Savoyard, le doc-
teur Caffe, a détruit irrévocablement la
légende du suicide, dans le N° 34, 33*^
année, 10 décembre 1866, du Journal des
Connaissances médicales.
JEAN-JACQUES IIOUSSKAU
ET
M"'" DE WARENS
A LA 1' O S S E C O .M .M U N E
JliAN-J ACQUITS ROUSSEAU
KT
M"" DE WARENS
A LA I <> S S E C O .M M U N E
Paul Lacroix, dans VlntcnucJiaii c du
5 février 1864, a raconte le sacrilège qui
fut commis pendant une nuit du mois de
mai 18 14 :
(( Les ossements de \'oltaire et de
Rousseau furent extraits des cercueils de
plomb où ils avaient été enfermés ; on les
réunit dans un sac de toile et on les porta
dans un fiacre qui stationnait derrière
Téglise du Panthéon. Le fiacre s'ébranla
lentement, accompagné de cinq ou six
personnes, entre autres les deux frères de
Puymorin. On arriva vers deux heures du
matin, par les rues désertes, à la barrière
258 JEAN-JACQUES ROUSSEAU
de la gare vis-à-vis de Bercy. Il y avait là
un terrain entoure d'une clôture en plan-
ches, lequel avait fait partie de l'ancien
périmètre de la gare qui devait être créée
en cet endroit pour servir d'entrepôt au
commerce de la Seine, mais qui n'avait
jamais existé qu'en projet... Les alentours
étaient déjà envahis par des cabarets et
des guinguettes.
Une ouverture profonde était préparée
au milieu de ce terrain vague et aban-
donné, ou d'autres personnages atten-
daient l'arrivée de l'étrange convoi de
Voltaire et de Rousseau ; on vida le sac
rempli d'ossements sur un lit de chaux
vive, puis on rejeta la terre par-dessus,
de manière à combler la fosse sur laquelle
piétinèrent en silence les auteurs de cette
dernière inhumation... Ils remontèrent
ensuite en voiture, satisfaits d'avoir rem-
pli, selon eux, un devoir sacré de roya-
liste et de chrétien. (( Plût à Dieu, disait
M. de Puymorin, qu'il eût été possible
d'ensevelir à jamais, avec les restes de ces
deux philosophes impies et révolution-
LT iMADA.ML DL WARLNS 259
luiiics, leurs duclrincs pernicieuses cl
leurs dclcslahlcs ouvra^-es I »
Les eendres de M""^ de W'arens de\'aic!U
avoir une destinée analo^aie.
Un ouvraj^e, publié à Londres vers la
lin du siècle dernier : '^Proiuciuidc au Monl-
BIjuc cl Jiiilonr du lac de Ge^zt're, établit, à
la page 17, que l'amie de Jean-Jacques
lut enterrée au cimetière et non dans l'é-
glise de Lémenc : (( Je remonte le côté
opposé de la ville et j'arrive au cimetière.
Un vieux homme s'y reposoit, un pied sur
une bêche, l'autre près d'une tombe qu'il
venoit de couvrir. Je lui demande s'il est
le marguillicr de la paroisse. — Oui,
monsieur. — Y a-t-il longtemps > — Cin-
quante ans. — Vous avez enterré Madame
de Warens ? — Oui : elle est là (en me
désignant du doigt le lieu où elle repose).
A la recommandation de plusieurs per-
sonnes de la ville, et de beaucoup d'étran-
gers, je n*ai jamais enterré au-dessus
d'elle, ni près d'elle.
200 JEAN-JACQUES ROUSSEAU
(( Je m'approche palpitant.... Il me
trace avec sa bêche le contour de l'espace
qu'elle occupe ; il est couvert de plantes ;
quelques-unes étoient en fleurs. Je m'ar-
rête. . . . mes regards percent ce sol qui la
couvre, je suis ému jusqu'à suffoquer.
Bien des fois, j'ai voulu remonter à la
source de tant d'intérêt pour Madame de
Warens, et je n'ai pu y parvenir. Seroit-
elle dans des ressemblances plus imagi-
naires que réelles, et, par là, plus vives,
plus affectantes ? Seroit-ce aussi que l'es-
quisse, qu'en a tracé Rousseau, ressemble
à ces coups de crayon ou de pinceau des
grands maîtres, qui disent infiniment par
la magie d'un talent infini ? »
La tombe de M""^ de Warens subsista
longtemps. Beaucoup de personnes se
souviennent parfaitement de l'avoir vue.
Un érudit, Félix Genin, auxiliaire aux
Archives de la ville de Lyon, écrivait en
janvier 1 891 : « Je croyais avoir dans le
temps pris note de l'inscription funéraire
de M""^ de Warens. Je voulais vous la
HT MADAMi: hi: WARIINS 261
IransmcUrc cl pour cela j'ai fait le dc-
pouillcmciU c\c toutes mes paperasses,
carnets, notes, etc. Je viens seulement
d'ache\er cette fastidieuse opération, en
vain, hélas ! je n'ai rien retrouvé.
J'arrive donc, avec mes seuls souvenirs,
à l'objet de votre demande.
J'ai vu, en lî^ji, je crois, sans être sûr
de la date, la pierre tombale de M"'*' de
Warens, portant son nom, dans l'angle
du cimetière de Lémenc, à droite de ren-
trée de l'église. Cette pierre polie était
tout à fait simple et sans ornements.
Elle était presque couverte par une
haute végétation ; ayant cédé, elle était
recouverte, à un de ses angles inférieurs,
celui de gauche, par de la terre. Elle était
entièrement négligée et abandonnée. Elle
gisait à deux mètres environ du mur de
clôture du côté du passage d'entrée à l'é-
glise et à un mètre seulement du mur de
l'église.
Le bas de la pierre était tourné vers la
même entrée, l'inscription en tête ; par
conséquent, pour lire celle-ci, il fallait y
202 JEAN-JACQUES ROUSSEAU
faire face et tourner le dos au passage
donnant entrée au temple.
Je ne puis me souvenir du texte de l'ins-
cription, seulement je suis très sûr d'avoir
lu le nom : de Warens, qui était très lisi-
ble et gravé en creux. Je me rappelle
encore de la tristesse qui m'étreignit,
quand je vis ce honteux abandon.
J'étais au collège de Chambéry, tenu à
cette époque par les jésuites. C'était le
surveillant, qui nous menait à la prome-
nade , qui nous avait fait ouvrir le cime-
tière, lequel était tout entier, y compris la
chapelle du fond, dans un état de délabre-
ment complet. Je n'étais donc pas seul, et
quand j'eus découvert la tombe de M""^ de
Warens, mes camarades vinrent la visiter
et nous déplorâmes la négligence de l'ad-
ministration ecclésiastique. Nous connais-
sions les Charmettes, Jean-Jacques et ses
ouvrages, que nous lisions dans les réfu-
tations que nous prodiguaient les RR. PP.
Nous n'étions ignorants de rien !
Le nom de mes condisciples m'échappe,
je ne puis me les rappeler. M""^ de Warens
DE A\AI)AMI-: DK WAkKNS 2^i^
n'a pas été cntcrrdc dans l'c^^lisc. A l'cpo-
quc de sa mort, avait, je crois, paru l'or-
donnance qui prohibait ce ^enrc de sépul-
ture. Obser\ati<»n capitale : j'ai vu le sol
de l'église de Lémenc d'au moins i m. y*
plus bas et je l'ai vu exhaussé, ce qui
exempte c\c descendre sept ou huit mar-
ches pour pénétrer dans le temple. Dans
ce travail, on ne peut guère supposer
qu'on ait porté la pierre tombale dans
un coin de l'église. Non. M'"*' de Warens
a été enterrée dans le cimetière et non
dans l'église de Lémenc; pour moi, cela
ne fait pas l'ombre d'un doute. A l'époque
où je retrouvais cette tombe, il n'y avait
pas de monuments funéraires dans le ci-
metière de Lémenc, mais seulement des
croix et des pierres ».
La tombe de M™^ de Warens disparut
dans la seconde moitié de ce siècle, car il
n'est pas encore question de sa destruction
dans la première édition du Guide en Sa-
voie, de Gabriel de Mortillet, parue en
1855. Par contre, il y est dit, à la page
264 JEAN-JACQUES ROUSSEAU
26 de la 4^ édition datée de 1878 : (( C'est
devant l'église de Lémenc qu'avait été en-
terrée M™^ de \A''arens, transportée ensuite
au cimetière de la ville ». Le gardien de ce
dernier se souvient très bien d'avoir reçu
des ossements provenant du champ de re-
pos de Lémenc, mais il y en avait une cer-
taine quantité et ils furent inhumés dans
Tune des fosses communes du cimetière de
la ville, sans que le gardien puisse préciser
laquelle les reçut, ni l'époque exacte de ce
transfert. Ce dernier eut certainement lieu
avant 1864, car les Archives de la mairie
de Chambéry ne contiennent, à son sujet,
aucun document depuis cette année, où
elles furent anéanties par l'incendie du 12
au 13 février, pendant le séjour provisoire
des bureaux de l'hôtel de ville dans les
locaux du Théâtre. D'autre part, le vicaire
général du diocèse de Chambéry, M. l'abbé
Quay-Thevenon, a bien voulu se donner
la peine de dépouiller les archives parois-
siales de Lémenc, mais l'obligeant ecclé-
siastique n'a pas retrouvé la trace écrite
du transfert de la dépouille de M""^ de
\)E MAbA.Mi: bi: WARENS 2Ù$
Warcns. Jules \\i\ , dans ses Lclhcs inc-
Jilcs de yi/'"' de Warens, dit bien que :
(( sa tombe fut creusée au pied d'un vieux
el immense tilleul, voisin d'une porte eo-
chère qui s'ouvrait sur le chemin public».
Le tilleul n'existant plus, la sépulture a
dû subir, évidemment, le sort de l'arbre.
L'histoire devra donc se contenter de la
tradition orale, qui est indéniable, dans
les termes consignés à la page 26 de la 4''
édition du Guide en Savoie de Gabriel de
Mortillet. L'ensemble des recherches, con-
densées dans ce chapitre, a retardé d'une
année la publication du présent volume,
destiné à paraître en 1890.
CETTE l>UnLICATION
c o A\ r r . 1 r f. k n' (;> i j a t r i: v oui .m i: s :
Lj Co)ivcisi()}i .ic SV/'"^ de Warens,
Les Tcfisces Je S\/'"" de Warens,
Une poignée de documents inédits
concernant f\/'"" de W.irens,
Les dernières aiuiées de SVf'"*" c/c Wctrens,
Commencée en 1^86,
Terminée en 1891,
a été faite
par
cAlbert VilETZGER,
publiciste français,
né le 31 mars 1853, ^ Mulhouse
(Haut-Rhin),
et imprimée par
C.'P. P^IÉNARD, de CJuvnhéry .
A PROPOS
DES PROCÉDÉS LITTÉRAIRES
DE M. FRANÇOIS MUGNIER,
Conseiller à la Cour d'appel de Chambéry.
*:m^CM:lB:M:^-^<^
A l'Kol'OS
DES IMUJCLDl'S Linï-KAIRES
Di: M. FRANÇOIS MUGNIER
Conseiller i\ la Cuur d'api^cl de Chamb<îr} .
La Tiiblio graphie nouvelle, cditcc par
Gaume et C'% de Paris, disait, dans son
numéro de mars 1889, en rendant compte
du volume : Une poignée de documents
tnédîls concernant S^/'^*^ de ^Varens (7726-
(( Le titre de cet ouvrage n'est point
menteur ; il consiste surtout en docu-
ments trouves à Londres, aux archives
d'Etat à Turin et à l'ancien Tabellion de
Chambéry, avec la photographie du por-
trait de la baronne, conservé au musée
Arlaud, de Lausanne, et le fac-similé de
son billet du 10 février 1754, où elle se
272 PROCEDES LITTERAIRES
plaint à Jean-Jacques de Tavoir aban-
donnée : « Vous vérifie bien En Moy le
(( chapitre que je vien de Lire dans limi-
(( tations de jesuschris ou il est dit que
(( la ou nous métons nos plus fermes
(( Esperence, est ce quy nous menque-
« ras, totalement.... )), etc.
« M. Albert Metzger, tout en plaignant
M"'^ de Warens, s'attache à défendre
Rousseau contre cette accusation, en fai-
sant porter tout le poids des malheurs de
la protectrice du philosophe sur Wint-
zenried et ses autres acolytes.
(( En manière de conclusion, dit-il, le
(( dernier mot restera à la pitié, et à
(( Jean-Jacques, qui allait dater de Cham-
(( béry, le 12 juin 1757, la dédicace de
(( son discours sur l'origine et les fon-
(( déments de l'inégalité parmi les hom-
(( mes )) et qui, d'après ce qu'il raconte
au livre VIII de ses Co7ifessions, fit
inutilement son possible pour pouvoir
emmener la baronne (( vivre paisiblement
« avec lui. ))
(( Qu'on pense ce qu'on voudra de cette
DE M. FRANÇOIS MUGNIER 273
conclusion, de Rousseau cl de la rcsolu-
lion de la baronne, on ne peut refuser à
M. Albert Metzger d'èlrc un de ces cher-
cheurs patients et zélés de nos académies
de province, qui ramassent péniblement
et amoureuscnient les matériaux utilisés
ensuite par des écrivains plus hardis,
ambitieux du titre d'historiens et dont le
mérite n'est pas la reconnaissance pour
les travailleurs modestes dont ils ont
pillé les trésors. )) V. II.
La ^ibUogi\iphic nouvelle \oy:\\\. loin.
A la publication de mon premier vo-
lume, La Conversion de S\I""^ de Vi\irens,
M. le conseiller François Mugnier m'é-
crivait, le 22 novembre 1886, en qualité
de président de la Société savoisienne
d'histoire et d'archéologie : (( La Société
m'a chargé de vous adresser ses vifs re-
merciements pour l'hommage que vous
avez bien voulu lui faire de votre ou-
vrage. ))
274 PROCEDES LITTERAIRES
Deux ans plus tard, je publiais Les
T^ensées de (M"''' de Warens, puis, Une
poigjiée de documents inédits concernant
M""^ de Warens, et ces deux volumes
avaient l'honneur d'être analysés, à leur
apparition, dans les comptes rendus des
séances de l'Académie de Savoie, — ainsi
que dans le fascicule i^', deuxième année,
du Bulletin des Travaux de TUniversité de
Lyon, 1889, sous la signature de M.
Fontaine, depuis doyen de la Faculté des
lettres de la deuxième ville de France.
Enfin, le Grand Dictionnaire universel
de Pierre Larousse, dans le 2^ supplément,
fascicule 51, page 2001, consacrait l'arti-
cle suivant à mes recherches :
(( Warens (une poignée de documents iné-
dits sur M^^ de), par M. Albert Metzger
(1888, in- 16). Les fervents amis de Jean-
Jacques Rousseau et de celle qui fut son
éducatrice en amour trouveront dans ce
volume, que complètent deux autres pu-
blications du même érudit, la Conversion
de il/^« de Warens (1886, in-i6) et les
DE M. rUANÇOIS MÎJGNIF.fl 275
Pcnsi'cs Je M"" Je W'jicns {[HHS, in-i6 ),
une notable quantité de renseignements
précis, curieux, et de documents restés jus-
qu'à nos jours enfouis dans les archives
de Chambéry et de Lausanne. La plupart
ne se rapportent pas précisément à l'épi-
sode le plus célèbre de la vie de M"**" de
Warens , c'est-à-dlrc à sa liaison avec
Rousseau, mais on est bien aise de con-
naître par le menu tous les détails de l'exis-
tencc d'une femme qui eut sur Rousseau,
et par suite sur le wiii'^ siècle, une si grande
influence. Les circ(Mistances qui ont ac-
compagné sa conversion sont connues ;
on lira toutefois avec intérêt, dans la Con-
version de M^^^^ de Warens, le détail de ses
démêlés avec son mari, le baron de Wa-
rens, auquel, en l'abandonnant, elle avait
fait cession complète de ses biens et qui
néanmoins crut devoir, dans une longue
lettre reproduite in extenso par .M.Albert
iletzger, relever tous les griefs qu'il croyait
avoir contre elle. Les documents décou-
verts et mis en œuvre par M. Metzger sont
surtout des actes notariés ; ils nous per-
276 PROCKDÉS LITTÉRAIRES
mettent de suivre M""*" de Warens dans
toutes ses résidences, tant aux Charmet-
tes qu'avant qu'elle ne vînt s'y établir et
après qu'elles les eût quittées ; on a aussi
sous les yeux divers actes d'association
qu'elle signa, lorsque, après le départ de
Jean-Jacques, elle prit pour amant ce Ro-
dolphe Wintzenried, ancien perruquier qui
se faisait appeler le chevalier de Courtil-
les, et qui la mêla à toutes sortes d'affaires
industrielles où elle trouva sa ruine. C'est
durant cette période que Jean-Jacques re-
fusa à la fin de lui venir en aide, voyant
que ce qu'il faisait pour elle ne profitait
qu'à des fripons, et M. Metzger reproduit
en fac-similé un billet navrant de M™^ de
Warens qui reproche à son ancien amant
ce qu'elle appelle son ingratitude ; elle eut
bien plus à se plaindre encore de Wint-
zenried, qui l'abandonna pour se marier
et l'on a la lettre dans laquelle la pauvre
femme lui donne des conseils à suivre s'il
veut être heureux en ménage.
Une partie du volume intitulé Pensées
de M^^ de Warens a trait à l'iconographie
l)K iM. l'RANÇOl?. .H( «.Nil.K 277
de ccUc femme aimable, rcsicc si sédui-
sante malgré ses faiblesses, r)u peul-êlrc
à cause de ses faiblesses. M. A. Mclzger
établit que, de tous les portraits que l'on
connail d'elle, deux seulement sont authen-
tiques, celui du nuiscc de Lausanne, atti'i-
buc à I.ai-i'illière, cl un autre, celui-là bien
certainement de Lar<^dllière et si^^qié de lui,
qui se trcuivc à Boston, dans la collection
particulière de sir Samuel Hammond-
Russel. Le premier ne donne de M""^ de
Warens cju'unc ide'c insignifiante ; aussi
trouvait-on c^ue Jean-Jacques avait dû
beaucoup embellir sa « maman » en disant
d'elle : (( Elle avait un air caressant et
tendre, un regard très doux, un sourire
angélique , des cheveux cendrés d'une
beauté peu commune et auxquels elle don-
nait un tour négligé qui la rendait très
piquante. Il était impossible de voir une
plus belle tête, un plus beau sein, de plus
belles mains et de plus beaux bras. » Le
Largillière de Boston, où elle est repré-
sentée les bras nus, vêtue d'une robe bleue
bordée d'une bande de soie feuille morte.
2-j^ PROCÉDKS LITTÉRAIRES
dccollctcc en pointe et laissant voir, sous
quelques bouillons de dentelle, une poi-
trine éblouissante , approche beaucoup
plus du portrait tracé à la plume par J.-J.
Rousseau. »
Or, le 3 décembre 1890, iM. François
Mugnier, conseiller à la Cour d'appel de
Chambéry, a fait paraître à Paris, chez
Calmann Lévy, un volume intitulé : Ma-
dame de Warens et J.-J. Rousseau, dans
lequel il met en œuvre, comme c'était son
droit, les documents inédits publiés dans
mes trois ouvrages, mais sans me citer
une seule fois, si ce n'est à la page 125,
pour m'y imputer (il semble) la publi-
cation d'un texte erroné, et à la page 307
pour 3- citer ïji extenso un document dont
je lui avais communiqué l'original, et
pour s'abstenir soigneusement d'indiquer
que j'avais, dès 1888, publié cette pièce à
la page 256 de mon volume, Les T^ensées
de £\/™*= de Wareîts. De la citation cons-
ciencieuse de tous les autres auteurs con-
sultés et mêmes de ses ouvracres, il résulte
i
I>i: M. I KANÇOIS MUGMIIR 379
•.juc r«»missi(^n de M. Mugnicr est vr)lon-
laiic et constitue un procédé littéraire
dont j'ai sii^iuilé la niaiserie, par ma lettre
tlu 1 i décembre icS^o, à l'éditeur Calmann
Lévy, ^, rue Auher à Pari^.
Pour conclure, \oici l'article que l'une
des meilleures plumes de Savoie, M.
Claudius Hc^uvier, a consacré, dans le
Courrier Jcs cAlpcs du 18 décembre iSc/),
à l'ouvrage de M. François Mugnicr et à
ses procédés littéraires :
BIBLIOGRAPHIE SAVOYARDE
Madaaie de A\"are\s et J.-J. Rousseau,
étude Jiistorique et critique, par Fra?içois
Mugnier, conseiller à la Cour d'appel de
Chambéry.
(( Depuis longtemps on a cessé de regar-
der Madame de Warens par les yeux de
Jean-Jacques. Etre sensible , chez qui
Tinstinct moral n'était pas éveillé, Rous-
seau avait peint sa bienfaitrice — si mal-
faisante pour lui — sous les couleurs que
280 PROCÉDÉS LITTÉRAIRES
lui fournissait son imagination exaltée par
le souvenir des années joyeuses. Il ne la
pouvait juger. Il n'était pas préparé à ce
rôle. Quand il écrivit ses Confessions, au
déclin de sa vie inquiète, pleine de honte
ou de démence, il était ému en revoyant
par la pensée les coins de Savoie où il
avait cru être heureux. Dans ce cadre
brillait une figure dont il n'avait jamais
compris les difformités et dont il ne se
rappelait que les grâces. Le portrait qu'il
en fit resta dans la galerie littéraire avec
les traits apprêtés et les teintes fausses
arrangées par l'artiste.
Mais les érudits ont braqué sur le ta-
bleau la lumière de leur lanterne sourde.
A cette clarté impitoyable, le personnage
de convention s'est évanoui. La bonne
maman reste en définitive peu sympathi-
que et moins estimable encore. Le gros
livre que lui consacre M. Mugnier ne ser-
vira pas à sa réhabilitation.
Mauvaise épouse , convertie suspecte,
intrigante consommée, un peu espionne,
insoucieuse de l'honneur de son foyer,
DE A\. I KANÇOIS MUONIEK 28 1
louriîiciilcc du dcsir de paiailic, s'a|^iiaiil
sans cesse, entreprenant mille affaires,
])()ursui\ aiil le plaisir et la fortune, telle
appâtait la dame \aud(jisc qui, après avoir
vécu environ trenlc-ciiiq ans en Savoie,
fut ensevelie le ^o juillet 1762 dans le ci-
metière de Ne/in, à Chambèry.
u Le dossier de Madame de Warens. »
Ce titre conviendrait à r()uvrati:c récem-
ment paru ; dossier complet où tout ce
qui contribue à former l'opinion d'un juge
est réuni et classé. M. Mugnier se propo-
sait de suivre son héroïne à toutes les éta-
pes de sa vie en Savoie et d'éclairer par
surcroît les trentes premières années de
Rousseau. On reconnaît à la lecture de
son livre qu'il n'a rien négligé pour attein-
dre ce but. Il a fouillé toutes les sources
d'informations et quoiqu'il s'étudie, sans
doute afin de ménager l'attention de ses
lecteurs, à citer rarement les auteurs qui
lui ont frayé la voie, il laisse voir que nul
document inédit ou banal ne lui a échappé.
Document banal ! l'expression est ou-
2^2 PROCl':bF':S LITTÉRAIRES
trée. Le livre de M. Mugnier perd peut-
être dans beaucoup de ses parties l\ittrait
de la nouveauté aux yeux des ériidils qui
connaissent les travaux minutieux de
M. Albert Metzger. A Chambéry^ 7iotam-
ment, les trois volumes, publiés par cet
écrivain sur Madame de Warens, avaient
déjà montré beaucoup de choses que notre
compatriote rapporte pour la seconde fois.
On ne saurait faire un grief de ces répéti-
tions. C'est, dit le poète, imiter quelqu'un
que de planter des choux. Le tout est de
ne pas les planter dans le champ d'autrui.
Un critique littéraire, qui n'aurait pas
notre parti-pris d'admiration et qui serait
mieux autorisé, trouverait dans Touvrage
qui vient de paraître matière à reproches
plus sérieux. Il regretterait que M. Mu-
gnier n'eût pas répandu sur son écrit plus
d'agrément. La composition lui semble-
rait peut-être sèche, le style lourd. En
vo3^ant Madame de Warens et Rousseau
étudiés dans ce gros volume sans qu'un
éclair d'artiste, une vue de philosophe, un
jugement d'historien coupe la narration.
hi M. I r<ANv<>is AiïJONii:u a8^
(5clairc le ckHail cl dlèvc l'cspril, il pourrait
prendre de l'humeur. I-c mot de Zuliella
i\ jean-Jaeques lui rcmrnitcrait à la mé-
m(')ire et il serait tenté d'appliquer à l'au-
teur le conseil de la Vénitienne : a Lascia
le donne e studia la matematiea ».
Franchement cette sévérité serait injuste.
KUe blesserait un homme très laborieux
qui a chez les archéologues de notre pays
un renom de vrai savant. »
Et, là-dessus, tirons réchcllc. —
Ai.iŒRT METZGER, *
.//.' Cercle de l.i iJhrjin'e Je Pjn's.
"^^
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIÈRES
Les dcriiicrcs années de M'"^ de Warcns :
I — i7Sl-i7 5^N Pages I à u^
II. — 1756-176J, — 125 à 2')i
Après la morl de M"'"' de \Varens, . J05
Rousseau et M"^^^ de W'arens à la
fosse commune, 257
A propos des procédés liUéraires de
M. François Mugnier, 271
Fac-siniilc de Li lettre du j avril ij^G.
Fac-similé de Ij mappe du cadastre de ij^g.
714 K?
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La Bibliothèque
Université d'Ottawa
Éckéonc*
The Library
University of Ottawa
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333 01 07 11 03 04 1 eôtel-Dien, Lyon.
RÉVOLUTION FRANÇAISE
NOTES ET DOCUMENTS INÉDITS
publics par Albert METZGER
et revisés par Joseph VAESEN
Lyon en 1794.
Rixe entre volontaires et soldats de l'armée réiolutionnaire. —
Condamnation à mort de l'évéque constitutionnel Lamourette.
— Arrêté sur la sépulture des victimes du siège. — Querelle
entre les Jacobins de Lyon et le Conseil de la commune de
Grenoble. — Célébration de la fcte de l'Egalité. — Exécution
de Jean Ripet. — Fête deJ.-J. Rousseau. — 'Brigandages des
machurés dans les campagnes.
Un beau volume, tiré à 900 exemplaires sur hollande, orné des
portraits de CoUot-d'Ilerbois et de Fouché .... 5 fr.
Lyon en 1795.
Poursuites contre les Fareinistes. — Réaction thermidorienne- —
Arrestation de Dorfeuille. — Massacre des Jacobins. — Fête
aux Brotteaux en mémoire des victimes de la Terreur. —
Rapport dej. Chénier à la Convention. — Désarmement de la
Garde nationale. — Conspiration jacobine. — Banquet des
vétérans du siège. — Guerre de chansons.
Un beau volume, tiré à 300 exemplaires sur hollande, orné d'une
vue de l'ancienne place Beilecour et du monument élevé aux
victimes du siège 5 fr.
Lyon sous le Directoire
Le Consulat et l'Empire.
Interdiction des Collets Verts. — Journée du 10 mai ijçô. —
Acceptation de la Constitution de l'an VIII. — Délégation de
la Garde nationale au sacre de l'Empereur. — Passages à Lyon
de Pie VU, de Napojèon l", de Joséphine. — Conspiration
jacobine, en 1806, pour renverser l'Empire. — L'enseignement
primaire en i8oy . — Déjense de Lyon par Augereau, en 18 14.
Un beau volume tiré à ^00 exemplaires sur hollande, orné des
portraits de Camille Jordan, de Pie VII et d'Augereau, 5 fr.
CENTENAIRE DE 1789.
A la veille de la Révolution.
Lyon de 1778 à 1788.
Suppression des Célestins. — Malvin de Montazet essaie de modi-
fier la liturgie dans le sens janséniste. — Sévère condamnation
des premières associations d'ouvriers. — Création d'un Institut
de bienfaisance. — Fondation de la Condition des soies. —
i)ucis, Thomas, Henri de Prusse à Lyon. — Reorganisation du
Consulat. — Création de l'Assemblée provinciale de la généra-
lité de Lyon. — Indices précurseurs de la Révolution.
Un beau volume, tiré à 300 exemplaires Fur hollande, orné des
portraits de Malvin de Montazet et de Chinard. . . . 5 fr.
CHAMBÉRY — LIBRAIRIE PERRIN — CHAMBÉRY